Cours de sociologie générale (Francfort, été 1930)
En 1930, Karl Mannheim, fraîchement nommé à la prestigieuse chaire de sociologie de l'université de Francfort-sur-le-Main, consacre son premier cours à la " sociologie générale ". Cet enseignement est un jalon méconnu dans l'histoire de la sociologie. Sa transcription, tardivement découverte, est pour la première fois traduite et présentée en français. Au cœur d'une Europe meurtrie et lorsque l'Allemagne s'enfonce dans la crise qui mènera à l'effondrement de la république de Weimar, Mannheim expose dans son cours une conception de la sociologie qu'il considère comme l'expression même de la conscience moderne. Cette conception prend une valeur éminemment politique. Si l'on admet que le fascisme constitue une " reprimitivisation " de la pensée, comme il l'affirme, l'attitude sociologique se pose comme un rempart civique et une opposition. Elle aguise la conscience collective dans une société en passe de modernisation, face à des forces qui ne peuvent espérer l'emporter qu'en parvenant à étouffer cette réflexivité.À l'heure où l'influence des partis populistes et nationalistes d'extrême droite ne cesse de croître en Europe, ce texte délivre un regard engagé sur la finalité politique des sciences sociales. La présentation par Dominique Linhardt, tout en situant le cours dans son contexte historique, vise à appuyer cette portée de l'enseignement de Mannheim pour surmonter la crise actuelle des sciences sociales.
À partir de 1964, le célèbre historien commença à diriger une enquête sur les pèlerinages français contemporains. Après une vingtaine d'années de recherche, menée dans de très nombreux sanctuaires, avec de tout aussi nombreux collaborateurs, cette étude a demeuré à l'état d'une immense archive. Bien que sa valeur historique soit exceptionnelle, celle-ci est restée difficile d'accès. Dupront, lui-même, finira par considérer le dossier comme " toujours ouvert ". Néanmoins, la numérisation d'une partie notable de ce fonds a désormais changé la donne.Ce livre veut être une introduction à ce voyage dans " la France d'après Vatican II " que réalisa le chercheur. En réunissant des articles publiés dans diverses revues et une partie des archives numérisées, Dès pèlerinages redonne vie à ce travail inégalé et pourtant inconnu du public. Ainsi, l'oeuvre du grand historien du mythe de la croisade s'enrichit avec la publication de cette enquête en train de se construire, sur la place des pèlerinages dans la société française moderne.
Cet ouvrage rassemble une quinzaine de courts textes de Lucien Febvre, dispersés jusque-là dans des publications très différentes, et qui ont tous trait à la question du rapport entre l'histoire et les sciences, humaines mais surtout naturelles. Febvre, très intéressé par la véritable révolution que connaît la physique au début du XXe siècle et attentif aux sciences de la terre, a en effet défendu, tout au long de sa vie, une approche globale des sciences, dans laquelle les sciences expérimentales devaient faire l'objet d'une véritable analyse historique, mais devaient également partager avec les sciences de l'homme et de la société un même horizon épistémologique.En portant ces propositions des Annales jusqu'à l'Encyclopédie française, dont il a été le maître d'œuvre, Lucien Febvre a tracé les contours d'un programme intellectuel qui a été largement oublié dans la seconde moitié du XXe siècle. L'évolution interdiscplinaire des recherches, des sciences cognitives aux sciences de l'environnement ou du patrimoine, montre pourtant que ce programme intellectuel est profondément actuel.L'historien des sciences Éric Brian, éditeur du volume, qu'il accompagne d'une postface développant ces enjeux, nous livre ainsi, comme en pointillés, l'ouvrage majeur du fondateur des Annales sur l'histoire et les sciences qu'il n'a jamais eu le temps d'écrire, mais qui est si nécessaire à la réflexion de notre temps.
Écriture et mémoire dans l'Italie de la Renaissance
Dans une cité industrielle et marchande comme la Florence à la Renaissance, les hommes, jusque dans les milieux de l'artisanat, savaient tenir une comptabilité, sommaire ou sophistiquée. Beaucoup ne lâchaient pas la plume en rentrant chez eux, ce qui n'était pas sans conséquence: on montre ici le rapport étroit que les écrits domestiques entretenaient avec les techniques comptables des milieux d'affaires. Même des femmes, dans les familles les plus aisées, étaient capables de déployer des aptitudes à l'écriture et à la comptabilité si elles devaient gérer les biens de la famille et en rendre compte dans leur correspondance.Veiller aux intérêts du groupe familial en enregistrant tout ce qui pouvait maintenir son statut dans la cité, tel était le but de ces écrits privés. La comparaison entre ceux d'une famille de notables florentins et d'un homme du peuple bolonais souligne le caractère indissociable des notions de profit et d'honneur dont leurs livres domestiques assuraient la défense. Les blessures entachant cet honneur et la réparation qui leur était cherchée par l'écrit différaient d'un milieu à l'autre mais révèlent une des fonctions premières de l'écriture privée: garantir l'honorabilité de l'individu et des familles.
Histoire de l'oraison funèbre dans la " cité classique "
Qui a inventé Athènes comme nom de la cité grecque? Réponse: Athènes. On ajoutera que cette invention a peut-être eu lieu dans un cimetière, au Ve siècle avant notre ère. Aux citoyens tombés au combat, ces morts d'élite, la collectivité athénienne offre des funérailles publiques et un discours; la terre recouvre les ossements, l'oraison funèbre parle aux vivants, exaltant la cité à l'intention des citoyens, des Grecs, de la postérité. Et c'est ainsi qu'Athènes, chacun le constate pour s'en réjouir ou s'en irriter, est, pour une longue tradition historique, devenue la Cité. Dans le topos de la " belle mort ", celle du citoyen-soldat, le temps s'immobilise. Meurent les hommes, la gloire leur est acquise car la cité demeure, source de toute mémoire, de toute valeur. Athènes y gagne une essence noble, mais elle y perd une langue pour dire la démocratie, cette nouveauté dont le discours fait une origine immémoriale, ce régime audacieux présenté dans l'oraison funèbre comme une aristocratie du mérite. De quoi remettre en question l'idée bien établie que les Grecs auraient ignoré ce que nous appelons l'idéologie dominante.
On connaît sans doute mieux l'influence que l'anthropologie exerce sur le monde des idées que les idées par lesquelles s'est exercée cette influence. D'où viennent donc ces Idées de l'anthropologie? En partie, évidemment, des grandes doctrines sur la nature de l'homme social ou sur les lois de l'évolution historique, mais aussi des théories philosophiques de la connaissance et de la critique des sciences de la nature. Les idées de l'anthropologie présentent les instruments d'analyse auxquels s'est référée la discipline, les empruntant et les inventant à la fois, pour comprendre ou expliquer la diversité des cultures. Est-ce à dire que tous les anthropologues de cette époque partagent ces idées? Par-delà la dispersion des écoles et les affrontements théoriques, un très petit nombre de notions fondamentales forme le fonds commun auquel chacun d'eux ne peut manquer de recourir. En retraçant l'histoire des plus fortes de ces idées, ce livre entend mettre en évidence les filiations intellectuelles que leur usage implique et les contradictions de méthode que leur cohabitation entraîne.
Achevé dans les nuits du printemps 68, dans des cafés ouverts tard et éloignés des manifestations de rue et des AG d'universités, Le métier de sociologue n'a pas conservé l'odeur des grèves, ni le bruit des barricades. Ce manuel en forme de manifeste a pourtant marqué définitivement l'histoire de la sociologie et plus largement celle des sciences sociales. Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron y posent un problème crucial et toujours actuel: sous quelles conditions, épistémologiques et historiques, la sociologie peut-elle être une science " comme les autres "?Ce livre, devenu classique, compte parmi les contributions les plus importantes et les plus novatrices de la sociologie contemporaine. Il comporte près de 50 extraits de textes fondateurs, introduits et discutés par les auteurs. L'ensemble témoigne d'un regard précurseur sur le rôle de la réflexivité et de l'inventivité dans la pratique de la recherche en sciences sociales.Cette nouvelle édition au format poche est précédée d'une présentation inédite retraçant les origines, la gestation et la postérité de cette oeuvre magistrale.
Ce texte, absent de l'édition française de 1975 et qui ouvre le deuxième tome de Sur le processus de civilisation (1939), porte sur l'époque médiévale et décrit les effets généraux du procès de civilisation sur l'histoire occidentale. Norbert Elias esquisse dans cet inédit ce qu'il appelle la " sociogenèse de l'État ", une évolution qui repose en grande partie sur la constitution de la cour comme espace social, politique et culturel. Ces pages sont également très précieuses pour en apprendre davantage sur les méthodes de travail d'Elias: comment un intellectuel allemand formé dans les années 1910-1920 à la psychologie, la philosophie et la sociologie fait-il pour écrire sur le Moyen Âge? À partir de quels outils, et de quelles sources? ?Dans ce texte élaboré au cours des années 1930 et achevé en 1939, Norbert Elias évoque ce qu'il appelle la " genèse de l'État moderne ". Il recourt à la notion de " cour ", pensée comme une société en miniature, où peuvent s'expérimenter de nouvelles pratiques sociales, qui vont ensuite être des normes à l'extérieur de la cour.Pour lui, le problème n'est pas la société de cour comme modèle, mais plutôt l'inverse, la société de cour comme expression d'une mutation socio-politique de grande ampleur. Il évoque " l'institution sociale du roi ou du prince "; il est donc question d'une conception sociologique des institutions, de comprendre la structuration des institutions politiques en Europe.On retrouve notamment dans cet inédit l'une des intuitions fondamentales d'Elias. Par rapport à la problématique marxienne des modes de production dans laquelle le lien entre féodalisme et capitalisme est mal défini, Elias fait une proposition essentielle: la cour est à la fois la caractéristique des sociétés européennes entre féodalisme et capitalisme industriel, et dans le même temps le moteur de ces sociétés, comme s'il y avait un moment curial entre le moment féodal et le moment bourgeois industriel et urbain. Il propose ainsi une chronologie cohérente qui va du XIIe au XVIIIe siècle, au sein de l'histoire européenne.
Achevé dans les nuits du printemps 68, dans des cafés ouverts tard et éloignés des manifestations de rue et des AG d'universités, Le métier de sociologue n'a pas conservé l'odeur des grèves, ni le bruit des barricades. Ce manuel en forme de manifeste a pourtant marqué définitivement l'histoire de la sociologie et plus largement celle des sciences sociales. Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron y posent un problème crucial et toujours actuel: sous quelles conditions, épistémologiques et historiques, la sociologie peut-elle être une science " comme les autres "?Ce livre, devenu classique, compte parmi les contributions les plus importantes et les plus novatrices de la sociologie contemporaine. Il comporte près de 50 extraits de textes fondateurs, introduits et discutés par les auteurs. L'ensemble témoigne d'un regard précurseur sur le rôle de la réflexivité et de l'inventivité dans la pratique de la recherche en sciences sociales.Cette nouvelle édition au format poche est précédée d'une présentation inédite retraçant les origines, la gestation et la postérité de cette oeuvre magistrale.