Ce premier numéro en version papier part d'une interrogation sur l'avenir des musées, à l'occasion des vingt ans de la revue. Elle propose une approche prospective de la muséologie et du musée à partir d'une diversité de regards fondés à la fois sur des travaux de recherche et sur des points de vue professionnels.
De son voyage à Nantes au printemps 1790, Jacques Louis David rapporta une vaste composition allégorique, inspirée par l'esprit révolutionnaire qui avait très tôt pris racine dans la cité portuaire. Le présent essai en propose une analyse serrée soulignant que, lors de son séjour dans le premier port négrier de France, le peintre fut inévitablement confronté à la réalité du commerce des esclaves. En déchiffrant la polysémie iconographique de son dessin, Philippe Bordes y voit une métaphore de l’esclavage – ou plus exactement d’un esclavage Noir-Blanc, dans le double sens colonial et métropolitain – que David voulut y déployer. Il met en lien cette composition avec l’influence de son entourage parisien, qui comptait plusieurs membres de la Société des Amis des Noirs, et avec les vifs débats sur l’abolition de la traite négrière au sein de l’Assemblée nationale et en dehors. L’histoire renouvelée du séjour nantais de David se révèle alors comme le moment de l’entrée en Révolution de ce géant de la peinture en tant que citoyen et artiste.
Le cas Meier-Graefe et la lutte pour l'art moderne en Allemagne
Par ses écrits pionniers sur l'histoire du développement de l’art moderne, le critique d’art allemand Julius Meier-Graefe (1867-1935) joua un rôle décisif pour la canonisation de l’impressionnisme dans l’Europe de 1900. En défendant avec subversion et énergie la peinture de Manet, Renoir ou Cézanne outre-Rhin, il se mit à dos les élites conservatrices de l’Empire, qui observaient avec méfiance la propagation des valeurs de la modernité artistique. Tout au long de sa trajectoire franco-allemande, ponctuée de virulentes polémiques et cisaillée par le surgissement de la Première Guerre mondiale, Meier-Graefe lutta contre l’emprise d’un nationalisme obtus sur les récits artistiques. Son projet de régénération de la culture allemande fut ainsi indissociable de ses efforts pour la fédération d’une Europe pacifiée des images.Si le progressisme francophile tout comme le vitalisme de son approche de la peinture ont parfois été soulignés, l’étude de son implication dans les débats politico-culturels de son temps révèle une personnalité plus nuancée. Ce livre révèle ainsi les surprenants à-coups et paradoxes ayant émaillé la carrière transnationale de Meier-Graefe, où alternèrent phases d’enthousiasme débridé et d’intense désillusion. Le personnage s’y dévoile comme un penseur du déclin et le chantre d’une modernité idéalisée, dont l’impressionnisme représentait à la fois la quintessence et le chant du cygne.
Qu'attend-on aujourd'hui d’une ville? Qu’elle soit agréable à vivre, confortable et sûre. Elle autorise le changement de rôle thématique du citadin qui peut alors se transformer en passant, en promeneur urbain. Parce qu’elle est sûre, le piéton peut ralentir son pas, entrecouper les multiples programmes qui déclinent des « moments » de la ville par des pauses et s’arrêter pour faire surgir une scène tout autour de lui.L’agrément de la ville élude une seconde condition implicite: pour susciter le désir de promenade, la ville doit être belle, ce qui signifie le plus souvent « pittoresque », autrement dit disponible pour « faire image », et l’assimile alors à un site consommé par les touristes comme une théâtre d’images toutes faites.Depuis quelques années, une nouvelle exigence s’ajoute à celles-ci, la créativité. Elle témoigne à la fois d’une capacité de la ville à s’inscrire dans son époque par des activités expressives lui donnant un caractère « contemporain », mais aussi à se projeter dans le futur à travers l’innovation technologique, ce qui l’affiche comme une « smart city ».Les expressions créatives (œuvres, inscriptions, projets artistiques, etc.) relèvent de l’initiative des habitants ou de celle de l’institution, mais également de leur alliance lorsque les projets des citadins sont soutenus ou encouragés par la municipalité.
« Raconter sa vie » ou l'autobiographique sur scène, tel est le cœur de la réflexion du carnet critique, questionnant en quoi les autobiographies scéniques constituent ou non une « mise en scène de soi », comment elles se nourrissent d’égotisme, à la croisée entre histoire individuelle et grande histoire, quels genres et quels formats elles traversent. Les deux autres carnets se mettent aux couleurs de l’Ukraine pour proposer un coup de projecteur sur l’Ukraine et le théâtre post 24 février 2022, ou ce que la guerre a reconfiguré sur les scènes et écritures ukrainiennes et pour découvrir deux pièces toute contemporaines des dramaturges ukrainiennes Neda Nejdana et de Natalka Vorojbyt.
La fin de la pandémie de la Covid est l'occasion d’interroger les régimes de fiction du cinéma et du théâtre construits sur la thématique de la contagion. À travers la capacité d’un virus à modifier un corps, elle pose la question du Moi qui devient un Autre, en touchant donc à l’intégrité physique mais également à l’identité sociale des individus. L’ensemble des sept articles réunis dans ce numéro de Double Jeu propose des tentatives de réponse aux angoisses que suscite toute réflexion sur le virus. Elles sont organisées selon deux parties, chacune articulée sur des fictions épidémiques en scène et à l’écran. La première, «Altérations physiques», porte sur des cas de contagion pathologique tandis que la seconde, «Dégradations mentales», s’appuie sur des œuvres où ce qui est transmis ne relève pas seulement de la maladie, mais s’entend dans un registre métaphorique ouvrant sur une dimension réellement esthétique.
Réflexions historiques et juridiques sur la paternité du réalisateur
Loin de la vision de l'auteur de cinéma promue par la Nouvelle Vague, le présent ouvrage interroge la paternité des films sur le plan juridique. Partant d’études de cas courant de l’entre-deux-guerres jusqu’au temps présent, des visées comparatives sont ainsi proposées sur l’identité professionnelle du réalisateur. Instaurant un dialogue entre juristes et historiens du film, ce travail vient combler un manque dans la recherche et la réflexion sur ce domaine. À ce titre, il pourra répondre aux besoins tant des universitaires que des professionnels du cinéma et du droit.
Christophe Bugnon divertit une fois par semaine les lecteurs du quotidien ArcInfo depuis décembre 2016. Ses chroniques humoristiques décortiquent l'actualité régionale, nationale, mondiale, voire interplanétaire.Regarder l'actualité par le petit bout de la lorgnette permet de prendre un peu de recul et amène légèreté et second degré sur les événements récents. Ainsi chaque samedi, un sujet énerve ou émeut Christophe Bugnon et lui inspire une chronique.Ce recueil propose une sélection de textes corrosifs, polémiques ou tendres ayant résisté aux affres du temps.
Le street art est à la mode: le muralisme apparaît aux yeux des municipalités comme une opportunité pour réhabiliter le paysage urbain, fomenter le tourisme, l'activité économique et culturelle. Dans un même temps, le tag et le graffiti continuent d'être interdits par la loi, traqués par la police, méprisés de l'opinion publique. Alors qu’est-ce qui lie encore ces différentes facettes de la créativité urbaine, des contre-cultures illégales à la culture mainstream du street art?Nous reviendrons ici sur le passé, le présent et l’avenir du phénomène pluriel de l’art urbain pour en saisir son évolution, sa réception sociopolitique ainsi que sa fragilité actuelle.
Perspective interroge la mode en tant que pratique rhétorique, artistique et culturelle. Historiens de l'art, de la mode et archéologues, mais aussi designers et conservateurs se penchent sur les manières dont le vêtement et la parure ont servi à exprimer le lien des individus aux identités individuelles et collectives qui composent une société à un moment de son histoire. Manifestation visuelle, matérielle et symbolique du changement, la mode s’assimile à un processus interactif d’hybridation, de négociation et d’adaptation. Interrogeant son historiographie, ce sont autant d’auteurs et de disciplines qui éclairent l’histoire des formes portées ou des mises en forme et en image de soi, de l’Antiquité au présent. Car dénouer les enchevêtrements aussi bien esthétiques, sociaux et politiques que la mode suscite nécessite une approche résolument globale.
Cet ouvrage a pour thème la matérialité des œuvres d'art patrimoniales et vise à identifier et à mettre en exergue les matériaux et les substances derrière la dénomination générique « matière noire ou patine noire ou couleur noire » souvent évoquée sur les cartels, les fiches d'objets et dans les interrogations des chargés de collections. Ses articles questionnent sur la corrélation entre couleurs noires et matières: quelles matières pour représenter le noir ou plutôt leS noirS?Si cet ouvrage ne correspond pas spécifiquement au programme d'un concours, son contenu permettra d’enrichir les connaissances d’étudiants de l’Ecole du Louvre ainsi que celles de candidats présentant les concours du Ministère de la Culture.Cette recherche s’inscrit dans la discipline interdisciplinaire des sciences du patrimoine culturel.L’aura de cette couleur si particulière a déjà beaucoup fait parler d’elle au travers de débats et ouvrages mêlant physique, société et langage. En effet, le noir a été étudié dans de nombreux ouvrages sans que sa matérialité ait toutefois été abordée en détail et ainsi que nous le proposons. Des chercheurs de renom dont Michel Pastoureau contribuent à ce numéro.La couleur noire a récemment fait l’objet d’expositions temporaires comme Le modèle noir de Géricault à Matisse (2019), Soulages, le maître de l’Outrenoir (2019) et Soleils noirs (2020/2021). Ces deux numéros de Technè visent à aller plus loin en approchant cette couleur non pas comme un simple revêtement de surface mais comme partie intégrante de l’objet qui interrogent notre rapport aux matières noires. Quelles matières, quelles substances colorantes et quelles techniques les artistes ont-ils utilisées pour traduire les infinies variétés de cette couleur car, si certaines couleurs ne prennent pas de pluriel, le noir assume bien le sien: il est des noirS et des matièreS noireS.L’organisation de cet ouvrage est thématique et offre une vision matérielle et interdisciplinaire aussi exhaustive que possible des matières noires présentes en contexte patrimonial. Il traite des thèmes en relation avec les artistes et le noir et La fabrique du noir. Ces thèmes seront complétés par un ouvrage qui lui fera suite et qui abordera la Perception et réception des corps et matières noires ainsi que les Transformations du noir. Ils proposent des articles rédigés en français et en anglais.Différents niveaux universitaires, depuis la 1ere année jusqu’au doctorat. Ces numéros intéresseront des étudiants et des professionnels des champs disciplinaires relevant des sciences humaines et des sciences analytiques.
En 1914 Albert Capellani entreprend le tournage d'une nouvelle adaptation de Victor Hugo sur les écrans: Quatre-vingt-treize. En période d'Union sacrée, le film, qui met en scène une guerre fratricide à travers la Révolution française, est censuré. Il faut attendre 1921 pour qu’il trouve son public. Or, cet écart de sept ans entre son entrée en production et sa sortie en salle pèse lourd sur sa réception critique. Le film donne lieu à de nombreux commentaires dépréciatifs sur le cinéma français d’avant-guerre, qui vont à leur tour infuser les premiers textes historiographiques. À rebours de ces considérations, le travail d’enquête mené ici tend à faire de ce film un laboratoire précis d’observation des mutations réelles ou supposées du cinéma français de cette période, dans une perspective micro-historique. À la croisée de l’histoire culturelle et de l’analyse esthétique, ce livre nous plonge dans l’exploration d’une période charnière de l’histoire du cinéma.