Durant plus d'un demi-siècle, les témoins de la Révolution et de l'Empire ont pris la plume non seulement pour relater leurs carrières, mais aussi produire des études historiques sur la séquence 1789-1815 qui venait de s'achever, en adoptant la posture théoriquement impartiale de l'historien. Forts de leurs souvenirs et de leur documentation, à une époque où l'histoire déchaînait les passions mais où les archives publiques n'étaient pas encore accessibles, ils ont brièvement détenu une sorte de monopole éditorial, avant d'être concurrencés par des historiens plus jeunes, moins marqués par les événements, qui ne ressentaient pas le besoin de s'expliquer ou de se justifier.En opérant un retour aux sources, notamment grâce à l'apport des archives de Lamartine, de Walter Scott, de La Fayette, de Thiers, de Michelet, de Tocqueville, de Las Cases, de Prosper de Barante, ou du chancelier Pasquier, cet ouvrage étudie sous un angle original l'évolution des méthodes de travail des historiens, de la période romantique à la naissance du positivisme, mais aussi les premières polémiques autour de l'interprétation des grands événements de la Révolution et de l'Empire, qui laissèrent certains témoins pleins d'amertume. De nombreuses lettres, des manuscrits et des notes critiques inédites viennent enfin dévoiler le rôle de conseiller historique joué par certains personnages de premier plan comme Barère, Talleyrand, Metternich, Caulaincourt, Marmont ou encore Jérôme Bonaparte.
Les prisonniers de guerre français durant la Seconde Guerre mondiale
À la suite de l'armistice de 1940, près de 1,6 million de prisonniers de guerre français sont progressivement transférés en Allemagne. Si les travaux historiques se sont penchés sur les ressorts politiques ou sociaux de cet exil forcé, le domaine des activités corporelles n'a guère été considéré.Or, le sport constitue un angle d'attaque précieux pour saisir, dans toute sa complexité, la captivité de guerre, que cet ouvrage entend investiguer. Si les organismes humanitaires jouent un rôle central, les réalisations des prisonniers dépendent avant tout des conditions mêmes de leur captivité: entre les officiers des Oflags luttant contre le désœuvrement, les prisonniers jugés récalcitrants et les hommes de troupe des commandos, les différences sont considérables. Derrière les joies qu'ils procurent à ceux qui peuvent s'y adonner, se cachent, en outre, des projets d'encadrement idéologique menés tant par les nazis que le gouvernement de Vichy.Les pratiques physiques témoignent ainsi de la diversité et de la singularité des conditions de détention, et plus largement des rapports entre corps, liberté et soumission.
Depuis 2018, le Collège de France héberge la revue numérique Entre-temps, qui a pour ambition d'explorer et de partager dans un format numérique les nouvelles écritures de l'histoire. Animée par de jeunes chercheuses et chercheurs dans le cadre de la chaire de Patrick Boucheron, elle passe chaque semaine en revue, par des textes, des podcasts et des vidéos, les exigences et les questionnements d'une histoire engagée et savante qui ne cherchent pas seulement à diffuser plus largement ses savoirs, mais aussi à les mettre à l'épreuve de publics divers, témoignant de la variété et de la créativité des mises en présence du passé historique, notamment par les arts. En ce sens, Entre-temps est bien une revue d'histoire publique, qui s'inscrit dans la mission du Collège de France de faire savoir, c'est-à-dire de mettre la science devant la société.Cet ouvrage présente une anthologie de textes issus de cette revue: suivant les grandes rubriques qui en organisent les contenus ("Façonner", "Créer", "Transmettre" et "Exhumer") et donnant un aperçu des grandes séries qui l'animent, il permet de prendre la mesure des expériences narratives, visuelles et performatives qu'elle a suscitées. Car si Internet est sa propre archive, la forme du livre demeure aujourd'hui le principal vecteur du débat public. Voilà pourquoi cet ouvrage, donnant forme à une archive numérique du contemporain, entend contribuer à une discussion plus large sur ce que peut l'histoire publique aujourd'hui.
De sa naissance vers 1120 à son union avec sa voisine Clermont en 1630, puis sa véritable absorption par celle-ci un siècle plus tard, Montferrand fut l'une des principales villes d'Auvergne, fière de son autonomie politique, de son dynamisme commercial et du rôle qu'elle estimait jouer dans l'organisation du royaume de France. À l'époque contemporaine, elle devint une partie, délaissée et périphérique, de Clermont-Ferrand, avant que l'arrivée de prisonniers, réfugiés et travailleurs étrangers, puis l'industrialisation ne transforment radicalement l'espace clermontois et fassent, du bourg viticole qu'était devenu Montferrand, une ville ouvrière. De ce passé subsistent un urbanisme, des monuments, de riches archives municipales, des symboles, un sentiment d'appartenance. Ce sont les diverses facettes de cette histoire, d'une " ville neuve " – comparable à bien d'autres, du XIIe au XVIe siècle, en Europe et en Amérique – à l'identité d'un quartier, qu'explore cet ouvrage, fruit d'une collaboration universitaire pluridisciplinaire et internationale.
L'année 2025 marque les 200 ans d'existence de l'Opéra d'Avignon, l'occasion d'un retour sur cette institution, par son histoire et ses histoires, ses acteurs et ses réseaux, son répertoire et sa programmation. L'ouvrage restitue une partie des échanges ayant eu lieu en novembre 2023 et en juin 2024 dans le cadre d'un colloque organisé en son sein. Il a réuni chercheuses et chercheurs en musicologie, en histoire du théâtre, en lettres ou en sciences de l'information et de la communication, médiatrices culturelles et documentariste.
La guerre d'Algérie demeure un enjeu mémoriel et historiographique majeur, dont la transmission interroge les pratiques pédagogiques et les cadres institutionnels. Ce volume collectif, réunissant historiens, chercheurs en sciences de l'éducation et acteurs culturels, explore les modalités d'enseignement et de médiation des mémoires de ce conflit, à destination des élèves, des étudiants et du grand public.S'appuyant sur une approche pluridisciplinaire et ancrée dans le contexte normand (Mémorial de Caen, MUNAE, archives départementales, INSPE, Éducation nationale), l'ouvrage analyse les supports et ressources mobilisables en classe et au-delà: littérature de jeunesse, témoignages, archives, cinéma, musées, affiches, photographie ou encore presse. Il interroge également le rôle des figures intellectuelles engagées, la place des témoins et la mise en récit des mémoires algériennes et françaises.À travers ces réflexions, cet ouvrage offre aux enseignants, aux chercheurs et aux médiateurs culturels des clés pour penser et articuler la transmission de cet héritage sensible, entre histoire et mémoire, au sein d'un espace éducatif en constante évolution.
Souvent chantés, Avignon et son pont sont deux termes aujourd'hui indissociables. Parfois, nous pensons connaître l'histoire de cette merveille qui attire les touristes du monde entier. À l'origine, il y aurait eu un saint homme, Bénezet de son prénom, un jeune berger que Dieu aurait poussé à construire le pont, dans les dernières décennies d'un douzième siècle aussi moyenâgeux que de légende.Mais que savons nous de ce pont au Moyen Âge? Qu'a-t-il pu signifier? Pourquoi un pont sur le Rhône a-t-il vu le jour à Avignon? Que nous révèlent, entre histoire et mémoire, les différentes étapes de sa construction ou, plus près de nous, de sa patrimonialisation?C'est à ces questions passionnantes que ce livre entend apporter de nouvelles réponses. À partir d'une lecture historique aussi sûre qu'attrayante, Simone Balossino nous fait voyager dans le temps et dans les sources jusqu'à enjamber le Pont pour découvrir une ville, un fleuve et leurs environnements, même lointains.
Mises en scènes, en images et en récits (XIXe-XXIe siècle)
Ce numéro s'inscrit dans le prolongement de travaux visant à reconsidérer la place des femmes (peintres, danseuses, musiciennes, compositrices ou interprètes…) dans l'histoire de la création artistique, sur le temps long. Dans une perspective interdisciplinaire, il étudie la manière dont les musiciennes, envisagées comme figures, ont été mises en scènes, en images et en récits entre les XIXe et les XXIe siècles, en littérature, dans les arts visuels, la création musicale ou encore au cinéma.Représentée dans toutes les cultures depuis l'Antiquité et au sein de nombreux mythes et légendes, la musicienne possède un caractère protéiforme et des valeurs très diverses en fonction des contextes et des usages. Elle tient une place à part parmi les artistes femmes et les modalités de sa présence réelle ou fictionnelle continuent de poser question. Largement essentialisée ou réduite à des archétypes au cours des siècles, elle est dans le même temps celle qui porte une voix singulière, à la croisée de l'intime et du politique. Elle incarne aussi la voix de l'autre, une voix parfois assourdie, essentialisée ou au contraire subversive, voire émancipatrice. Par-delà la diversité des pratiques et des répertoires, ce dossier invite à réfléchir de manière critique aux possibilités de la représentation de la musicienne et à ses enjeux.
Conçu sous la forme d'un abécédaire, cet ouvrage collectif propose un vaste panorama des rapports entre histoire des arts et études postcoloniales. En réponse à l'actualité sur la décolonisation des musées, un espace de réflexion est ouvert autour de thématiques telles que les collections dites " ethnographiques ", les narratifs de l'histoire coloniale et les perspectives autochtones. En réunissant des chercheur·euse·s, artistes, militant·e·s et expert·e·s engagé·e·s, ce livre se veut un carrefour d'échanges entre articles scientifiques, contributions artistiques et essais. Au travers de ces multiples voix, cet abécédaire invite ainsi à repenser l'histoire des arts et des musées comme un espace d'expérimentation au-delà des frontières disciplinaires et géographiques, pour offrir un éclairage original et sensible sur les enjeux contemporains de l'étude du passé, tout en ouvrant de nouvelles voies pour l'avenir.
Ce recueil évoque d'abord des pontifes en particulier. Les papes de la Renaissance, Léon X et Jules III, offrent l'exemple de l'héraldique dans le livre, manuscrit ou imprimé. Au XVIIe siècle, on remarque son succès érudit sous Urbain VIII, son exploitation romaine pour Innocent X ou bolonaise pour Alexandre VII. Au XVIIIe siècle, Piranèse se distingue, dédiant un cycle de frontispices à Clément XIII et décorant la villa des chevaliers de Malte. Ce qui permet d'ouvrir le second volet du recueil, portant sur l'usage monumental du blason. Il est analysé dans ses débuts, puis en ses divers lieux, de la collégiale de Castelnau-Bretenoux aux entrées des légats à Avignon, de l'église Sainte-Prisca sur l'Aventin à la basilique Saint-Pierre de Rome, pour finir par les palais de cette même ville, de Clément VIII à Clément X.
Les sociabilités créatives de l'École-laboratoire des Houches
En 1951, une jeune physicienne qui n'avait pas trente ans, Cécile DeWitt-Morette fonde, dans le village des Houches en Haute Savoie, une école d'été aux pratiques novatrices. Cette invention sociale va se révéler particulièrement adaptée à la nouvelle physique théorique – si déroutante et si exigeante – qui va se développer. Très vite, l'École de physique théorique des Houches s'impose comme une institution clé de la physique mondiale. Pierre-Gilles de Gennes, l'un des nombreux Prix Nobel à être passé par Les Houches, n'avait pas hésité à déclarer que l'École " a sauvé sa génération de physiciens ". Pourtant hors du cercle de la discipline, qui sait qu'un village de Haute Savoie accueille une institution légendaire de la physique? Ce livre explore, pour la première fois, avec des cadres sociocognitifs inédits, les fonctionnements et les effets qui ont valu à l'École des Houches un prestige planétaire.À travers les sociabilités créatives d'une École de montagne, on découvre que la science, elle-même, s'y invente autrement. Aux Houches, la science se donne à voir comme une confrontation à des inconnus et comme une bataille qui tente de mobiliser, participants et professeurs, vers de nouveaux " régimes collectifs de créativité ". On peut donc y observer, bien mieux qu'ailleurs, des mécanismes fondamentaux de la créativité scientifique et du " gouvernement " de la science.
Hypothèses 2022 est encore un numéro atypique: par le nombre des ateliers doctoraux qui y sont publiés et par l'ampleur des articles qu'il renferme. Dédiés pour l'un aux " Marges et marginalités: des constructions socio-spatiales ", pour l'autre à " L'étude des professions: objets et méthodes ", les deux cahiers présentés ici sont issus des rencontres de l'année universitaire 2021-2022. Trois ans après, il est heureux de lire deux cahiers très réussis, par leur richesse et leur maturité propre ainsi que par leur fidélité aux principes de ces ateliers.Les coordinateurs du premier dossier rappellent que l'historiographie des marges et des marginalités s'est beaucoup nourrie de la contestation sociale, de la remise en cause de l'ordre établi si caractéristiques des années 1960, au point que " (l)a marge n'en est plus une " aujourd'hui dans les sciences sociales. Que la marge soit spatiale, sociale ou socio-économique, tous les auteurs l'analysent en tant que processus paradoxal dont la classique relation entre centre et périphérie ne peut suffire à rendre compte.Si les marges et les marginalités constituent un objet heuristique bien identifié, quelle que soit sa diversité, on ne peut en dire autant pour les professions. Aussi les coordinatrices de l'atelier soulignent-elles la dynamique qui sous-tend leur initiative, œuvrer à une " histoire des professions " qui ne soit pas la somme des nombreuses études dédiées à différents métiers ni un simple corollaire de l'histoire du travail, mais " un carrefour historiographique majeur ", à la croisée de la sociologie et de l'histoire.