Cahiers d'études africaines, n° 240/2020
Au Soudan, les notions d'arabité et d'islamité sont au cœur de dynamiques définissant l'appartenance des populations. Sources de tensions jusqu'à nos jours, ces deux notions se conjuguent avec une identité nationale dont la construction a été rendue complexe par l'héritage colonial. Malgré leurs rôles cruciaux, en termes de classements statutaires, de mécanismes d'exclusion ou d'inclusion, de conflits meurtriers, ces trois notions demeurent des catégories ambiguës, nuisant à la compréhension des processus qui y sont liés. La conjoncture récente met en exergue la centralité de cette " triade ". Au niveau international, par l'émergence d'un intérêt renouvelé vis-à-vis des enjeux liés à l'islamité et à l'arabité dans un cadre hautement conflictuel, exemplifié par les crises et interventions militaires au Moyen-Orient et en Afrique de même que par leurs reflets en Europe. Au niveau national, où la longue guerre civile entre Nord et Sud, qui a prôné la polarisation ethnique et l'ethnicisation du conflit, a finalement débouché sur l'échec de la construction nationale, matérialisé par la séparation du Soudan du Sud en 2011. La création du nouvel État, loin de clore les ambiguïtés, a ouvert un nouvel espace de reconfigurations de ces identités et des relations sociopolitiques du pays. Ce contexte, auquel s'ajoute le mouvement révolutionnaire qui a mené en avril 2019 à la chute du régime islamique en place depuis 1989, fait du Soudan un laboratoire de réflexion sur l'imbrication dans des processus sociaux concrets des appartenances, des pratiques et des politiques touchant aux trois catégories (arabité, islamité et "soudanité").Centré sur une démarche interdisciplinaire, attentif aux phénomènes de la longue durée et à l'ancrage empirique d'enquêtes situées, ce dossier porte une ambition comparative allant au-delà de la spécificité du cas soudanais.
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