Les débats autour des restitutions des biens culturels sont aussi anciens que les spoliations. En 2017, le discours du président Macron, suivi du rapport Sarr-Savoy (2018) et d'un projet de loi sur la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal (2020), ouvre en Occident une nouvelle séquence de débat sur la légalité et la légitimité des restitutions. Dans les pays africains concernés, la restitution est parallèlement perçue comme un enjeu pour l'imaginaire national, une éventuelle coopération culturelle sincère ou un espoir touristique.La littérature scientifique atteste de cette divergence d'appréciation et porte principalement sur les questions historiques, juridiques ou politiques et sur la restitution du point de vue des acteurs occidentaux et intergouvernementaux. Des chercheurs et des artistes interrogent la violence des exhibitions postcoloniales, les mémoires douloureuses d'objets en exil ou en diasporas. D'autres travaux examinent le rôle des musées sur le continent africain, leurs publics touristiques ou leur avenir, des processus de " démuséalisation " aux diverses formes de resocialisation des objets.Ce numéro propose de déplacer la focale: 1) de l'Occident aux pays africains concernés, 2) des questions de restitution aux problématiques du retour, 3) de la vision muséocentrée aux rôles des diasporas et du tourisme, 4) des instances et autorités officielles du patrimoine aux lieux, récits et transmissions considérés comme marginaux, secondaires ou officieux. L'objectif est donc d'étudier les enjeux politiques, les rôles économiques, les usages sociaux du retour des objets depuis les pays concernés à travers trois thématiques:1- Enjeux politiques et identitaires des mobilisations pour la restitution.2- Dispositifs culturels et justifications économiques et marchandes du retour.3- Mémoires et (ré)appropriations socialesSi les débats sont focalisés sur les restitutions en Afrique francophone, ce numéro souhaite s'ouvrir à tous les mondes africains pour éclairer les différents contextes de spoliations coloniales, les disparités postcoloniales, la diversité des mobilisations. Les articles documentant par des enquêtes les demandes de retours, les accueils effectifs et l'analyse des termes locaux en usage y sont vivement appréciés. Les articles associant des acteurs impliqués au travers d'entretiens ou de coécritures sont privilégiés.