Au début des années 1950, Boris Vian ébauche un nouveau livre " à l'américaine " dans la lignée des quatre romans noirs qu'il a signés sous le nom de " Vernon Sullivan ". Vian en établit le synopsis, rédige les quatre premiers chapitres, puis abandonne le projet et laisse ses personnages en plan ; il ne reprendra plus ce manuscrit jusqu'à sa mort en 1959. Soixante ans plus tard, l'Oulipo se voit confier l'ébauche, et six de ses membres s'attèlent à poursuivre et à achever le roman. Celui-ci paraît finalement en 2020, aux éditions Fayard, sous le titre de On n'y échappe pas.Un tel geste fait figure d'exception dans la littérature récente, les textes inachevés étant généralement édités en l'état. Le présent essai cherche donc à comprendre les mo- dalités d'une continuation, partant de l'idée qu'une telle entreprise littéraire, délicate sinon controversée, ne peut se faire sans l'utilisation de stratégies textuelles et paratextuelles très précises. Mais enquêter sur On n'y échappe pas impose également de démêler les fils du canular Vian-Sullivan, de déjouer les jeux oulipiens, et, contre toute attente, d'élaborer enfin quelques feintes pour mieux rendre justice aux audaces des co-auteurs.
Cet essai a pour première impulsion la volonté d'extraire le rap d'une réception orientée par la hiérarchie symbolique des objets culturels. La clé semble résider dans la manière dont les conditions sociales de l'émergence du genre dans la France des années 90, deviennent, dans les environs de 2015, des motifs textuels qui dessinent les traits de sa poétique et de son esthétique. L'exemple le saillant de cette translation est le featuring. Consistant à inviter un·e·x autre artiste·x à collaborer sur un même morceau, ce phénomène représente l'unité de base des chaînes de coopération qui ont permis l'institutionnalisation du rap à ses débuts. Aujourd'hui, le featuring apparaît dans les textes comme la marque d'un regard sociologique porté par le rap sur sa propre histoire, son monde social et ses acteur·ice·x·s. De ce mouvement performatif et collectif, émergent les caractéristiques qui fondent les critères d'une légitimité autodéterminée destinée à renverser les donnés de l'hégémonie culturelle.
Les spectres du conflit dans la littérature contemporaine (1980-2020)
Parler d'une " littérature du travail ", n'est-ce pas en soi un oxymore, une contradiction dans les termes? Pourquoi, en effet, la littérature, envisagée comme activité esthétique par excellence, en viendrait-elle à prendre pour objet le travail? Quelle importance les écrivains contemporains accordent-ils à la besogne quotidienne, aux gestes banals, aux lieux triviaux que sont l'usine et les locaux d'entreprise? Pourquoi s'intéresser aux univers de travail pourtant éloignés du labeur d'écrivain?Si l'on admet le postulat d'une séparation entre le fait social du travail et les écrivains, on peut dès lors se demander comment ces derniers peuvent prétendre dire ou écrire le travail? Il semble qu'un gouffre doive être franchi pour que la littérature s'approche de la condition laborieuse. Ces enjeux touchent aux problèmes du rapport de l'écrivain au monde social et de sa place dans la division du travail. Axé sur l'analyse de trois ouvrages contemporains – Les Fils conducteurs de Guillaume Poix (2017), Le Quai de Ouistreham de Florence Aubenas (2010) et Le Laminoir de Jean-Pierre Martin (1995) – le présent essai explore les textes comme des configurations problématiques, traversées par des tensions qui se cristallisent au coeur de la représentation du travail.
Ce numéro spécial est consacré à la province d'Aceh et jette un éclairage différent sur l'histoire de la région, abordant entre autres les rapports complexes entre Islam et société du XVIe au XXIe siècle et ceux étroits et anciens entretenus avec le Moyen-Orient et l'empire Ottoman, avec la côte Est de l'Inde et avec la Chine.
Le numéro rend compte du dynamisme récent des recherches en sciences humaines relatives à l'Est insulindien. Longtemps marginalisée, cette région fait depuis quelques décennies l'objet d'un intérêt accru. Archéologues, historiens, géographes, linguistes, ethnologues et ethnomusicologues esquissent tout à tour les contours de cette région.
Le but de ce dossier est de mettre en lumière l'approche consacrée aux échanges interrégionaux en Asie du Sud-Est à travers le cas des relations sur la longue durée entre le monde insulindien et la péninsule indochinoise, en particulier l'espace représenté aujourd'hui par le Viêt Nam et le Cambodge.