Le livre a pour objet l'expérience de l'espace dans les écrits hallucinogènes d'Henri Michaux. Longtemps, les critiques se sont cantonnés dans la période antérieure de son œuvre. Ils y ont mis en évidence la fragilité des êtres qui la peuplent, et leur espèce de perméabilité à ce que le poète appelle "les puissances environnantes du monde hostile". Dans un article qui s'interroge sur cet "antagonisme du monde spatial", Georges Poulet émet pourtant l'hypothèse d'une "réconciliation finale avec l'espace". Or, il est remarquable que cette idée lui vienne à la lecture de L'éther, qui n'est autre que le premier texte d'importance consacré par Michaux à la drogue. Il convient donc de se poser la question suivante : dans quelle mesure la drogue contribue-t-elle à réconcilier le poète avec l'espace ? Le travail commence par rappeler en quoi le monde du premier Michaux se présente avant tout comme un monde intérieur et hostile. Il aborde ensuite les livres de la drogue du point de vue de leur forme, en essayant de mettre en lumière le rôle clé qu'y tient déjà l'espace. Sont étudiés le genre des livres, leur mise en page, mais aussi le recours aux métaphores spatiales, et en général les moyens utilisés pour traduire la violence de la drogue. Dans un troisième chapitre, on s'arrête sur une expérience faite en montagne, où se trouve exprimée une sorte de réconciliation. Il s'agit alors de comprendre ce qui, dans cette réconciliation, revient au seul stupéfiant, et ce qui tient peut-être à une nouvelle perception de soi, que la drogue aura seulement permis de mettre à jour. L'attention est portée en particulier sur la relation essentielle de l'espace et du corps. Cette relation est ensuite analysée dans un texte qui n'appartient pas au corpus hallucinogène, mais qui permet précisément de confirmer l'intuition qui court tout au long de cet essai, à savoir que la réconciliation de Michaux avec l'espace ne s'explique pas seulement par le fait, en lui-même indiscutable, que la drogue lui a donné accès à un autre monde.