Préoccupée par l'intérêt des jeunes pour la vie publique et la politique, les autorités des régimes démocratiques tentent d'agir sur la citoyenneté des jeunes. En Suisse, où la démocratie directe repose en premier lieu sur l'engagement citoyen au niveau de la commune, les autorités locales organisent, pour leurs jeunes qui atteignent l'âge de la majorité, des " promotions citoyennes ", ou " Jungbürgerfeier ". A travers des discours, des repas, des jeux de piste, ou encore des spectacles, les jeunes sont encouragé·e·s à voter, mais aussi à s'engager, voire à se révolter. Après un historique de ces rituels au 20e siècle, l'ouvrage décrit et décrypte ces cérémonies, puis donne la parole aux jeunes.À partir d'une enquête ethnographique et historique qui révèle comment se fabrique la citoyenneté juvénile dans les rituels politiques observés durant plusieurs années dans six communes romandes, ce livre permet de comprendre quelles sont les représentations que les autorités communales se font de la citoyenneté juvénile et comment elles aimeraient contribuer à la forger. Pour croiser les regards, la parole est aussi laissée aux jeunes majeur.e.s et permet de saisir leur propre perception du politique et leurs modes d'engagement.A l'heure où les jeunes semblent vouloir prendre en main les destinées de la planète et les politiques mieux les comprendre, cette enquête permet de décortiquer la notion de citoyenneté et d'en dégager certains paradoxes: par exemple l'incitation à l'engagement social et/ou politique de jeunes qui le sont déjà mais pas nécessairement sur le mode classique (votation/élection) des dispositifs communaux, le souhait de renforcer le sentiment d'appartenance local au moment même où les jeunes s'en éloignent pour habiter et se former ailleurs, la volonté de renouveler le corps politique mais sans en transformer les moyens d'exercice.
Passé revisité, pouvoir au féminin et quête spirituelle
Le retour des Mayas porte sur les chamanismes contemporains nés dans un contexte globalisé, plus communément désignés sous l'appellation néochamanisme. Le néochamanisme spécifique à l'étude ici fait référence à une spiritualité autochtone d'origine centre-américaine: la spiritualité maya. Point de départ de la recherche et fil rouge entre les terrains, l'étude du phénomène "2012" c'est-à-dire des récits et des nouvelles pratiques millénaristes autour de la "fin d'un monde" annoncée par le calendrier maya, constitue une occasion unique de dépeindre les imaginaires actuels autour des Mayas, avec leur lot de mythes et de projections qu'ils suscitent dans les milieux de spiritualités contemporaines. Cette étude est aussi une occasion de lire nos sociétés actuelles au travers de ces projections. Partant d'un travail d'enquête ethnographique, cet ouvrage expose les résultats d'observations menées dans quatre pays (Guatemala, Mexique, Allemagne, Suisse), pendant six ans. Il se construit autour d'échanges et d'expériences rituelles vécues en terrains néochamaniques, mais aussi autour d'éléments théoriques et méthodologiques destinés à les mettre en perspective. Les photographies de Laetitia Gessler contribuent à cette mise en dialogue, en donnant à voir le voyage et l'aventure que constitue toute recherche en anthropologie.Manéli Farahmand est docteure en sciences sociales des religions des universités de Lausanne et d'Ottawa. Elle est actuellement post-doctorante à l'Université de Fribourg et directrice du Centre intercantonal d'information sur les croyances (CIC) à Genève.
Ce livre propose une immersion dans les réalités de l'assistance au suicide. Il se fonde sur une étude ethnographique qui restitue le point de vue de personnes recourant à une telle assistance ainsi que celui des individus susceptibles de prendre part à un tel processus: personnes sollicitant une aide au suicide et leurs proches, accompagnateurs et accompagnatrices d'associations d'aide au suicide, médecins, psychiatres, personnels soignants, pharmacien·ne·s, agent·e·s de police, médecins légistes, procureur·e·s ou employé·e·s des pompes funèbres.Avec force et détail, il rend compte de toute la mise en place d'une assistance au suicide et documente de manière inédite – à partir d'observations directes – la réalisation même d'un suicide assisté et toute la procédure médicolégale qui la suit. Cet ouvrage fait le récit d'une série de cas, suivis parfois durant près de deux ans, pour tenter de saisir la façon dont l'idée consistant à vouloir donner une telle forme à la mort a émergé chez une personne – jusqu'à sa mise en oeuvre. L'ouvrage offre une compréhension aussi complète que possible du dispositif d'assistance au suicide en Suisse.
Le débat sur l'intégration des étrangères et des étrangers revient régulièrement au cœur de l'actualité suisse. La notion d'"intégration réussie" est notamment centrale dans le cadre de la naturalisation, une procédure longue et complexe, au déroulement parfois surprenant.Fruit d'une recherche scientifique menée sur la base de cas concrets par cinq spécialistes en sciences sociales et en droit, cet ouvrage explore la signification du concept d'intégration en tant que critère permettant d'accéder à la nationalité, du point de vue des autorités comme de celui des personnes candidates à la naturalisation. Et l'on y constate que l'expression "Les faiseurs de Suisses", mise en avant par le film du cinéaste Rolf Lyssy, en 1978, que l'on croyait appartenir au passé, reste pertinente.
Ethnographie du régime de l'aide d'urgence en Suisse
Clostère est un centre d'aide d'urgence en Suisse. Ses habitants vont et viennent au sein des longs couloirs où se distribuent des chambres de quatre personnes. La distribution de nourriture à heures fixes ponctue des journées qui s'étirent dans l'attente et l'angoisse d'un renvoi. À l'entrée, des gardes fouillent les sacs et contrôlent les identités. Clostère n'est pas une exception, mais un lieu aujourd'hui ancré dans la normalité avilissante de la politique d'asile suisse. Dès 2008, l'extension de la suppression de l'aide sociale à toutes les personnes déboutées du droit d'asile se matérialise par l'ouverture de centres d'aide d'urgence, où seul le minimum vital est délivré. Les personnes n'ayant pas suivi l'ordre de quitter le territoire y sont soumises à un contrôle quotidien.À partir d'une approche ethnographique, ce livre retrace les journées des habitants de Clostère au fil des aléas de la régulation intensive de leur vie par les autorités suisses. Le livre se tisse autour de récits poignants et instructifs de femmes et d'hommes immobilisés des années entières, conservant l'espoir d'être un jour régularisés. L'illégalité régulière est une tentative de nommer l'essence de ce paradoxe : la vie des personnes logées dans des foyers d'aide d'urgence prend forme au cœur d'un appareil administratif qui a comme raison d'être leur disparition du territoire suisse. Ce livre rend hommage à celles et ceux qui refusent de disparaître.
Réflexions à partir de mon engagement avec des luttes indigènes au Mexique et au Honduras
À partir des recherches et de l'engagement militant de l'auteure avec des mouvements indigènes au Mexique et au Honduras, ce livre développe une critique féministe des relations coloniales de pouvoir.Il s'intéresse aux politiques néolibérales de développement dit durable ou ethnique, traversées par le genre, le racisme et la colonialité. Ces politiques, contre lesquelles des organisations et des communautés se mobilisent, menacent les terres et les cultures de populations indigènes.Sur la base de ce terrain de luttes, mais aussi de contributions féministes antiracistes et postcoloniales – les apports en particulier de féminismes noirs, indigènes, chicanos ou subalternes – cet ouvrage s'inscrit dans les débats contemporains sur la question des héritages coloniaux, qu'il évoque aussi en rapport au contexte européen de racisme et de sexisme, d'islamophobie et de répression des migrant·e·s.Enfin, l'auteure engage une réflexion sur la transformation décoloniale des pratiques, des connaissances et des recherches féministes. Se fondant entre autres sur son expérience de recherche-action au Mexique, elle revient sur les enjeux de la décolonisation de l'anthropologie féministe, et plus largement sur la concrétisation d'une perspective plurielle et décentralisée des luttes des femmes.
Comment se prépare et s'expérimente la transition à l'âge adulte lors de placements juvéniles? Ce livre est une invitation à entrer dans la réalité institutionnelle d'adolescentes et d'adolescents proches de leur majorité, placés dans des structures d'hébergement socio-éducatives, appelées aussi foyers. Basé sur un riche matériel de terrain, il dévoile toute la complexité du travail d'accompagnement en interrogeant la place centrale accordée à la notion d'autonomie dans les prises en charge éducatives. Il prend appui autant sur le point de vue des professionnel·le·s que sur celui des jeunes placé·e·s pour montrer comment les dimensions identitaires, civiles et citoyennes viennent s'adosser à la mission de ces institutions, en particulier lors des nombreuses séquences ritualisées qui rythment le vivre ensemble jour après jour.Il en résulte une analyse anthropologique originale du placement juvénile qui intéressera le monde professionnel directement aux prises avec les réalités de ces adolescentes et de ces adolescents souvent issus de groupes socio-économiques défavorisés. Les réflexions proposées intéresseront également le monde des sciences sociales soucieux de comprendre la façon dont les institutions articulent des vécus singuliers aux attentes politiques et sociales qui pèsent sur une partie de la jeunesse.
1998 fut l'année de la commémoration du cinquantenaire de la Nakba, la " catastrophe " qui, en 1948, a engendré la perte de la terre et l'exil des Palestiniens. Cette commémoration s'est déroulée dans un contexte social et politique en pleine restructuration, du fait de la mise en place de l'Autorité palestinienne dans la perspective de la création d'un Etat. Issu d'une enquête de terrain interrogeant à la fois la mémoire de réfugiés, les activités et discours officiels et la façon dont les institutions étatiques se mettent en place, cet ouvrage analyse les différents processus de reconfiguration de la mémoire collective et de l'identité nationale. Ce faisant, il met au jour les stratégies et les aspirations des uns et des autres, dévoilant par là les rapports de force et les enjeux de pouvoir entre ces différents acteurs qui luttent pour proposer une nouvelle version légitime de la mémoire palestinienne. A travers cette recherche, l'auteure montre comment la mémoire palestinienne a toujours été fortement configurée par ses usages politiques liés à la construction de l'identité nationale et aux revendications du peuple. Néanmoins, son instrumentalisation dans le cadre de la construction étatique risque de lui faire perdre son rôle unificateur et mobilisateur, de ciment de la communauté imaginée, cette mémoire devient progressivement l'alibi de politiques qui compartimentent la société. Elle n'est de ce fait plus capable d'exprimer l'identité collective ou les aspirations du peuple peuple palestinien. Cet ouvrage, par une analyse approfondie des discours mémoriels mis en relation avec l'actualité politique, donne une clé de compréhension des enjeux essentiels qui se sont joués entre d'une part les Palestiniens et les Israéliens au sujet de l'histoire, et d'autre part entre Autorité palestinienne et réfugiés, par rapport à leurs aspirations d'avenir respectives et à la manière de concevoir un éventuel Etat palestinien. L'auteure a enquêté, durant l'année de la commémoration de l'année du cinquantenaire de la catastrophe de 1948, sur la façon dont différents groupes d'acteurs produisent un discours officiel ou privé sur la mémoire palestinienne. L'analyse de ces récits montre que cette mémoire est fortement configurée par ses usages politiques liés à la construction de l'identité nationale et aux revendications du peuple et de l'Autorité palestinienne dans le cadre du processus d'Oslo.
Fabrication de la sainteté et commémoration des néomartyrs à Lesvos (Grèce)
A la fin des années 1950 dans la région de Mytilène, le chef-lieu de l'île de Lesvos (nord-est de la Grèce), la mise au jour de tombes contenant des squelettes sans identité a suscité toute une série d'événements : rêves de la population environnante, miracles, apparitions, et des récits ont circulé, reconstituant la vie et les conditions du décès de ces inconnus (un massacre remontant aux premières années de l'occupation ottomane) et les instituant comme saints. Tout d'abord sceptique, l'Église locale a mené une enquête puis a entrepris les démarches officielles qui ont abouti à leur reconnaissance officielle et à la construction d'un monastère les célébrant, le Monastère Agios Rafaíl. L'objectif de cet ouvrage est de préciser, dans le cadre du christianisme orthodoxe, quels ont été les enjeux de ce qui est considéré comme une "apparition" de saints, en mettant ainsi l'accent sur la fabrication de la sainteté : enjeux de mémoire, enjeux de mise en scène de l'histoire et du rôle de l'institution ecclésiastique, enjeux économiques aussi. Par la présentation des registres auxquels se réfèrent différents groupes de personnes (le point de vue des villageois, celui de l'Église et celui des gens vivement critiques envers le phénomène ou son développement), il s'attache à restituer de façon polyphonique un processus complexe, qui renvoie à des thématiques diverses: culte des saints, croyances, rêves, registre du martyre, pèlerinage, rapports sociaux de sexe ou encore opposition entre religion populaire et Église.
Une anthropologie de l'inspiration des devins et de la voyance
Cet ouvrage retrace six itinéraires de "voyants" en les inscrivant dans leur contexte socio-historique. Basé sur des entretiens biographiques et des observations répétées de pratiques divinatoires, il décrit en détail comment ces personnes surmontent leurs incertitudes, gèrent leurs doutes et osent finalement exprimer leurs intuitions contre une rémunération. Il expose ensuite les trois principes qui sous-tendent la production discursive des "voyants" : remettre en question notre représentation du soi et notre rapport au monde ; redéfinir les catégories du surnaturel, de la transcendance et du sacré ; exploiter l'indétermination des termes, signes et symboles soumis à leur interprétation. La recherche présentée dans cet ouvrage montre que les devins conjuguent ces trois principes rhétoriques pour stimuler et réaménager les horizons de pensée de leurs différents interlocuteurs jusqu'à induire chez eux un sentiment de communion et de coïncidence. Dans cette optique, les croyances relatives à la divination ne sont jamais considérées comme des données a priori. Elles sont, au contraire, étroitement liées à la dynamique relationnelle qui les génère - avec plus ou moins d'intensité et de réussite - lors de chaque nouvelle séance de consultation : voyants et consultants sont progressivement et momentanément amenés à croire à ce qu'ils disent.