Le champ disciplinaire du français inclut des savoirs spécifiques (la langue, les discours, la littérature), mais l'enseignant de français, quand il n'est pas lui-même polyvalent (comme dans le premier degré), partage avec d'autres des tâches d'enseignement qui élargissent son champ. Les disciplines se croisent au gré de projets d'équipes, d'opportunités, de partenariats possibles et d'injonctions institutionnelles fluctuantes. Le français est pris dans une nébuleuse de dispositifs qui mettent en œuvre des formes de collaboration interdisciplinaires diverses de par les objectifs visés, les modalités concrètes, les enjeux institutionnels, le degré de facilitation du travail des équipes engagées. Quels apprentissages ces interdisciplinarités favorisent-elles, et à quelles conditions?
Innovez! Tel parait être le mot d'ordre institutionnel actuel. Mais ce que l'on baptise " innovation " est-il réellement nouveau? Et, surtout, les innovations prônées sont-elles gages d'un véritable renouvèlement didactique et pédagogique, prenant en compte les problèmes d'apprentissage?Le numéro interroge les pratiques professionnelles dites innovantes comme les classes inversées. Il remet à leur juste place les outils numériques comme le TNI dont l'usage ne dispense pas d'une réflexion pédagogique et didactique. Les propositions d'activités du numéro réaffirment, dans l'acception que lui donne Lévi-Strauss, la part de bricolage pédagogique inhérente au métier. C'est l'expertise de l'enseignant qui lui permet de créer des dispositifs d'apprentissage et de gestion de classe efficients. Cela l'amène aussi à faire du neuf avec de vieilles recettes (en leur temps perçues comme innovantes) pour faire face à des prescriptions ou à des enjeux nouveaux. Ces dispositifs peuvent être d'envergure ou relever du quotidien de la classe. Dans les deux cas, ils demandent le temps de la maturation, de la concertation, de la mise en œuvre mais aussi le temps cyclique de l'expérimentation qui permet de les affiner.
Si le genre est au cœur de l'enseignement du français, ce n'est pas seulement à travers les genres littéraires. À l'école, le travail sur les textes est encadré par des modèles qui en régissent la réception et la production. Le numéro propose une approche plurielle de cette notion que travaillent à la fois la didactique du français et l'analyse du discours (D. Maingueneau, N. Denizot). Il interroge l'évolution historique d'un genre typiquement scolaire, la dissertation (A. Monnier), mais aussi la manière dont l'école s'empare des pratiques sociales pour les instituer en genres (B. Schneuwly & S. Aeby Daghé). Chemin faisant, le numéro explore la construction scolaire des objets d'enseignement. À trop se didactiser/se scolariser, un genre au départ non scolaire comme l'album risque de perdre son intérêt premier (A. Leclaire-Halté & L. Maisonneuve, P. Heems). D'autres, au contraire, comme le débat (A. Destailleur), la page de manuel (C. Mercier), le questionnaire (M. Habi) ou encore la traditionnelle récitation (S. Piot), gagnent à être pensés comme des genres scolaires. C'est à cette condition qu'ils peuvent devenir des outils didactiques et pédagogiques.
L'enseignant enseigne, l'élève apprend. Consacrer un numéro à l'aide met le doigt sur le fait que l'activité de l'un se nourrit de l'activité de l'autre. Enseigner, c'est aider à apprendre, et aider à apprendre, c'est identifier les obstacles à l'apprentissage, utiliser et concevoir des moyens de les lever, et imaginer des facilitations. De la conception des cours pour une classe entière à l'aide individualisée et/ou spécialisée, du cadre de la classe à l'extérieur, du cadre disciplinaire à un cadre transdisciplinaire… l'aide est hybride et complexe. Le numéro aborde la question des pratiques mises en œuvre pour aider à la compréhension et à la construction des connaissances, de l'école à l'université (M.-F. Bishop et V. Boiron, C. Frier, I. Estève & A. Chartier, O. Markwitz, M. Lusetti). Cette aide est aussi envisagée sous l'angle de la posture et des gestes professionnels au fil d'une séance, gestes pédagogiques essentiels qui font l'ordinaire de l'enseignant, qu'ils soient programmés ou spontanés (S. Michieletto, S. Dziombowski, M. Habi). Le numérique modifie-t-il ceux-ci (M. Brunel et F. Quet) ? Quelle aide y trouver pour cerner, par exemple, les besoins grammaticaux des élèves (J.-P. Sautot) ? De plus en plus, l'aide s'institutionnalise et le numéro revient sur les dispositifs officiels les plus récents d'accompagnement personnalisé et/ou spécialisé (M.-M. Cauterman et B. Daunay, La rédaction).
La question de l'évaluation est au cœur des débats sur le métier et son évolution. Qu'évalue-t-on en cours de français ? Pour quels usages ? Selon quelles modalités ? Qui évalue ? Bien entendu les enseignants. Leurs pratiques d'évaluation sont appelées à se modifier et à se réinventer en fonction de prescriptions institutionnelles qui promeuvent une évaluation sans notes (S. Michieletto, C. Coget et C. Mercier). Car la note ne peut rendre compte de tout ce qui est en jeu dans les apprentissages, dont les compétences acquises ou travaillées ; mais justement, peut-on évaluer les compétences scolaires (B. Rey) ? L'institution elle-même évalue les élèves, au moyen d'outils nationaux (D. Bart), et internationaux comme le PISA (D. Bart et B. Daunay) : sur quels fondements théoriques, méthodologiques, didactiques ces outils reposent-ils ? Quels sont les enjeux ? Les élèves s'évaluent ; cette livraison accorde la part belle aux pratiques qui mettent les élèves en position d'évaluateurs de leurs propres apprentissages (S. Dziombowski, S. Gintzburger, P. Heems, S. Piot). Enfin, un petit détour du côté de l'" assessment " de l'écrit universitaire américain offre une intéressante perspective comparative.
La reformulation est essentielle à l'acte pédagogique, aussi bien dans l'élaboration du savoir à enseigner que dans la préparation de ses cours par l'enseignant, dans le discours de l'élève ou dans les interactions au sein de la classe… La reformulation, qu'elle soit orale ou écrite, qu'elle concerne un énoncé écrit ou oral, est une nécessité pour faire vivre au sein d'une classe, dans un contexte constamment renouvelé, les savoirs et les discours. Cette livraison de Recherches veut interroger les différentes formes de reformulation que la classe de français fait vivre : il s'agit, en somme, de décliner la reformulation et d'en montrer toutes les facettes. Dans les activités proposées dans ce numéro, la reformulation est un moyen d'entrer dans les textes et dans les activités de la classe.
Apprendre à écrire : un vaste programme au cœur des enjeux de l'enseignement du français. Le numéro s'intéresse aux pratiques d'enseignement de l'écriture en début de cours préparatoire de l'écriture (B. Kervyn et alii) mais aussi à l'écriture de textes jusqu'à l'université. Par quelles pratiques pédagogiques motiver les élèves du primaire pour l'écriture (V. Lessard et alii) ? Au collège et au lycée, quels dispositifs mettre en œuvre pour les accompagner dans des productions aussi variées que l'écriture d'invention (C. Souche, C. Mercier) et les écritures à priori plus normées du commentaire (C. Dupin) ou de la dissertation (M. Habi) ? Dans le cadre d'un accompagnement individuel, comment agir pour lever les blocages (M.‑M. Cauterman) ?L'écriture est affaire de posture. Comment aider des étudiants à changer de posture pour accéder à une écriture professionnelle (D. Morizot) ? Comment amener des étudiants à adopter, dans l'écriture, une posture disciplinaire, pour leur permettre de mieux cerner, en lecture, les spécificités des disciplines qu'ils ont à explorer (I. Delcambre) ?Le numéro propose par ailleurs des paroles de lycéens en LP et BTS sur l'écriture argumentative (I. Delcambre et F. Luczak) et un détour du côté des ateliers d'écriture (C. Fourvel).
Révolution numérique oblige, la notion d'outil est bien souvent associée aux nouveaux moyens électroniques qui ont fait leur entrée dans les classes. TBI, Web social, plateformes d'enseignement à distance et autres outils informatiques trouvent leur place dans ce numéro. Mais ils ne doivent pas faire oublier les outils traditionnels encore bien présents dans le cours de français : crayon, cahier, manuel, affiche, et tout ce qui fait l'ordinaire de la salle de cours. Sans compter les outils conceptuels comme le brouillon, la carte mentale, le plan de travail, l'écriture collaborative… Le numéro interroge les interactions enseignants – outils – élèves à tous les niveaux de la scolarité. En quoi les besoins didactiques amènent-ils à privilégier tel ou tel outil et pour quels usages ? En quoi l'outil lui-même peut-il induire une posture d'enseignement différente ? Le caractère innovant d'un outil est-il, par ailleurs, gage d'une réelle innovation de la pratique ? Comment la diversité de ces outils peut-elle amener à penser différemment les pratiques, en fonction d'objectifs qui restent les mêmes ? La question des continuités et des ruptures dans l'usage des outils informatiques par les jeunes en milieu scolaire et non scolaire est également posée. En quoi les conceptions en matière d'apprentissage du professeur mais aussi de l'élève influent-elles sur l'utilisation d'un tel outil ?
On raconte beaucoup à l'école. Et pas seulement des histoires. Qui raconte quoi ? Et pour quoi faire ? Ce numéro pose la question des enjeux didactiques et pédagogiques du récit, cet objet d'enseignement hybride et malléable, en l'envisageant aussi bien en réception qu'en production. Il présente des analyses et des dispositifs d'apprentissage, en maternelle et en primaire (V. Boiron, P. Heems, S. Piot), au collège et au lycée (C. Ronveaux, C. Charlot, S. Michieletto, M. Habi, J.-F. Inisan, B. Daunay et M. Lusetti) mais aussi en formation d'enseignants (C. Charlet). Il prend en compte les différents supports du récit (oral, écrit, images fixes ou mobiles) et ses visées variées (récit fictionnel, d'expérience, de lecture…). Quelles interactions envisager entre production et compréhension ? Comment mettre en œuvre des apprentissages qui tiennent compte des spécificités de chaque catégorie de récit ?