Savons-nous ce que nous faisons quand nous lisons des textes? Savons-nous ce que nous comprenons quand nous devenons des lecteurs? Ces questions iconoclastes sont rarement posées car elles dérangent et viennent perturber nos rapports aux œuvres, aux arts et à la pensée tels qu'ils s'expriment dans les textes. C'est donc bien le problème du sens d'un texte qui se pose alors même qu'il passe comme allant de soi parce que ne faisant que très rarement l'objet d'une interrogation de la part des lecteurs que nous sommes. Nous lisons donc comme si la signification des œuvres n'était pas la question centrale. L'œuvre du philologue Jean Bollack n'hésite pas à poser ces questions encore et toujours nouvelles dans notre modernité. Lors d'échanges approfondis avec le philosophe Patrick Llored sur ce que lire veut dire, il livre son discours de la méthode philologique en explicitant les enjeux de son travail d'interprétation d'une multitude d'œuvres appartenant à de nombreux genres littéraires tout comme à la pensée lorsqu'elle prend la forme universelle de la philosophie. Littérature, théâtre, poésie et philosophie font dans ce volume unique l'objet de cette nouvelle manière de déchiffrer les œuvres. C'est toute notre culture qui prend ainsi un sens nouveau, toujours ancré dans l'histoire, sens partageable avec l'humanité qui peut s'approprier les œuvres de manière rationnelle.
Que Condillac soit un " philosophe du langage " est une cause entendue. Encore faut-il savoir en quel sens il peut l'être. Qu'il soit philosophe, au sens du XVIIIe siècle, et qu'il ait beaucoup écrit sur le langage suffit-il à faire de lui un " philosophe du langage " au sens où le XXe siècle en a consacré l'expression ? Ses commentaires sur la tradition des grammairiens ou son étonnant Dictionnaire des synonymes relèvent-ils vraiment de la " philosophie du langage " ? Comment juger de son intérêt pour l'origine du langage, longtemps tenu comme obscur par les linguistes? Fait-il de lui aujourd'hui un précurseur de la paléo-linguistique ? Au fil d'une enquête rigoureuse menée par des chercheurs de diverses disciplines, historiens de la philosophie, philosophes du langage, linguistes, lexicographes, ce volume propose un parcours surprenant, menant de la philosophie contemporaine du langage à l'analyse de la langue française, en passant par la théorie de la langue. De la " philosophie du langage " à l'art d'écrire, en somme.
Ce volume est une réflexion sur le temps représenté par les objets quotidiens. En sollicitant la phénoménologie, les sciences de l'information et de la communication et la sociologie, cette étude sémiotique montre comment une tasse ou une chaise saisissent le temps au passage, lui offrent un plan de manifestation, permettent de le penser et de le mesurer. L'ouvrage se décline en trois volets qui explicitent la relation que cette temporalité incarnée construit avec les usagers.Les objets nous ancrent dans le présent de l'expérience mais, lorsque nous les quittons, s'inscrivent aussi dans le passé de la mémoire où ils constituent des points de repère. Ils donnent alors accès au temps diachronique.Protagonistes de leur temps, ils viennent à nous sous la forme de la collection, du " vintage ", du kitsch ou du marqueur générationnel mais se dissolvent aussi dans ces ambiances du passé que nous aimons reconstituer. Ils élaborent ainsi un temps historique. Ils mesurent enfin le temps de l'expérience et, sollicitant le geste, dessinent des formes de vie. Ce temps du faire permet de distinguer, à partir de l'action, le statut des objets domestiques et artistiques.Cet ouvrage consacré à la temporalité incarnée poursuit une interrogation initiée avec Sémiotique du design, publié en 2012 aux Presses universitaires de France. Il accorde cependant aux objets domestiques une attentiontrès spécifique qui, par la théorisation et les analyses, discute quelques concepts clés de la sémiotique actuelle, en premier lieu les valeurs. S'inscrivant lui-même à un moment précis de l'histoire des objets, le lendemain de la société de consommation, il accorde résolument son privilège aux valeurs de la passion.
Une lecture de La projection du monde de Stanley Cavell
L'influence de Stanley Cavell sur plusieurs réalisateurs contemporains (Jacques Audiard, Emmanuel Bourdieu, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Arnaud Desplechin, Terrence Malick, Claire Simon, notamment) est connue. On connaît moins cependant l'importance de Stanley Cavell pour la pensée anglo-saxonne du cinéma et l'on ignore en général que son chef-d'œuvre, La projection du monde (1971), est une référence incontournable de la très dynamique philosophie d'après le cinéma telle qu'elle est pratiquée dans des œuvres récentes comme On Film (2002 ; 2008) de Stephen Mulhall, Film as Philosophy. Essays on Cinema after Wittgenstein after Cavell (2005) de Rupert Read et Jerry Goodenough ou encore New Philosophies of Film. Thinking Images (2011) de Robert Sinnerbrink. Partant de la conviction qu'on ne peut pas vraiment comprendre les œuvres ultérieures de Cavell sur le cinéma sans avoir bien compris La projection du monde, et du constat que cette œuvre n'a pas encore reçu en France l'accueil qu'elle mérite, ce livre fait le pari que la pensée cinématographique de Stanley Cavell est à notre portée si l'on fait l'effort de la lire lentement et patiemment. Il propose donc une lecture détaillée de La projection du monde éclairée par ses sources wittgensteiniennes et par l'ensemble de l'œuvre philosophique de Cavell.
Socrate et les " Présocratiques " dans les nuées d'Aristophane
Les Nuées, qu'Aristophane même considérait comme la plus " savante " ou " habile " de ses œuvres, inaugure avec éclat la longue histoire des rapports de l'intellectuel avec le monde. Le chemin qui conduit à l'abolition des dettes contractées par un fils dispendieux passe-t-il par celui des connaissances ? Le père endetté, qui répond au nom transparent de Strepsiade – M. Retourneur –, tente sa chance. En vain : c'est un lourdaud. Lui-même emberlificoté par un fils qui excipe de la leçon des philosophes pour le frapper, il se retournera finalement contre le " Pensoir ", l'école philosophique dont Socrate est ici le représentant attitré. La pièce d'Aristophane, avec la virulence propre à la comédie et les ressources propres au théâtre, parle de la relation entre la théorie et la pratique, mais aussi de celle entre les Nuées, divinités aussi suprêmes que complexes, et les simplets que nous sommes tous ; elle parle aussi de la langue et des théories philosophiques, dont elle construit l'unité sous-jacente et dénonce la complicité profonde, par-delà leur confrontation de surface. En fin de compte, la comédie se révèle aussi école de pensée. Platon saura s'en souvenir.
Fragments d'une linguistique générale (une sélection de 25 articles rédigés à Reims de 1997 à 2012)
Le professeur Jean-Emmanuel Tyvaert, qui a dirigé le CIRLEP (Centre Interdisciplinaire de Recherches sur les Langues Et la Pensée) de l'Université de Reims Champagne-Ardenne de 1995 à 2008, nous livre dans le présent ouvrage une synthèse d'une part importante de ses travaux de recherche les plus innovants.Ces travaux sont fondés sur une double compétence de scientifique et de littéraire sanctionnée par l'enseignement des mathématiques à l'Université de Metz, puis celui de la linguistique française dans la même université et enfin celui de la linguistique générale, dans toute l'extension que peut prendre ce terme, à l'Université de Reims. D'autres disciplines majeures sont convoquées au fil des pages, notamment la psychologie cognitive et la philosophie.C'est, pour le professeur Tyvaert, rendre un hommage appuyé à la linguistique générale que d'en affirmer le statut épistémologique central qui émerge peu à peu au fil des pages du présent ouvrage, comme pourra le constater le lecteur. Articulée à ce qu'il faudrait appeler la logique générale, elle le conduit de manière sûre à la découverte de la notion décisive de texte, qui elle-même anime, justifie et récapitule toute tentative de compréhension.
Ce livre part du constat qu'il n'y a pas de réflexion sur le libéralisme sans pensée de la liberté mais que toute pensée de la liberté ne saurait être incluse dans les différentes formes de libéralismes. Les deux mots qui se trouvent au départ de cette interrogation renvoient à des réalités empiriques ou conceptuelles et à des chronologies a priori différentes. Liberté renvoie à une problématique millénaire, existant depuis que les hommes réfléchissent sur les formes possibles du vivre ensemble. Libéralisme se réfère davantage à un corps de doctrine qui trouve son origine dans une interprétation du rôle moteur de la liberté pour les échanges et les formes d'organisation de la société. Le pari de ce recueil d'études, transdisciplinaire par choix et par nécessité, est de confronter les deux notions dans leurs usages et leur histoire.Ce livre propose ainsi une cartographie plus fine de ces concepts que celles qui sont proposées par la littérature analytique (que ce soit la catégorisation duale d'Isaiah Berlin opposant liberté positive et liberté négative ou l'opposition désormais figée entre libéralisme et républicanisme). L'un des résultats de l'entreprise est ainsi de fournir un principe d'explication de la diversité des libéralismes, que la littérature contemporaine s'emploie trop souvent à décrire, indépendamment des moments historiques de leur institutionnalisation
Cet ouvrage est le troisième dans la collection Res per nomen, d'après le nom d'un des axes de recherche du CIRLEP (Centre Interdisciplinaire de Recherche sur les Langues Et la Pensée), un laboratoire de l'Université de Reims Champagne-Ardenne (France). Il regroupe des linguistes et des philosophes qui explorent ensemble la problématique de la référence en langue, c'est-à-dire le lien nécessaire entre ce que nous disons et notre expérience. Le 1er colloque de Res per nomen, en 2007, a fait Le Point sur la Référence en Langue et a tenté d'ouvrir de nouvelles pistes. Le 2e colloque Res per nomen, en 2009, a porté sur la Référence, le Langage et l'Anthropologie et a exploré une approche plus anthropologique de la langue, inspirée de Ludwig Wittgenstein. Le colloque Res per nomen 3, en mai 2011, a poursuivi l'étude des thèmes abordés jusqu'ici, avec un accent particulier sur la question de la Référence, de la Conscience et du Sujet Énonciateur. Qu'est-ce que la conscience ? Comment réfère-t-on au moi ? Comment intervient-il dans le discours ? Comment apparaît-il en langue ? On trouvera ici une sélection des articles présentés lors de ce colloque, regroupés en trois grands chapitres : Conscience et anthropologie, Énonciateur et co-énonciateur du point de vue linguistique, et Conscience et philosophie.
Quels rapports Michel Foucault a-t-il entretenu avec l'espace littéraire ? Cet essai délimite et interroge un moment, pendant les années 1960, où la littérature a représenté un recours, puis un défi, dans l'itinéraire du penseur. Elle apparaît comme un langage radical de la déraison, sous les traits du Sade d'Histoire de la folie ; comme une hérésie à même de renverser la philosophie classique, avec Bataille, Klossowski et Blanchot ; ou comme une citadelle de signes érigée pour concurrencer l'ordre des choses, ainsi que Foucault l'énonce dans Raymond Roussel.La traversée de ce territoire précaire, où se mêlent la violence de l'altérité et l'étrangeté de la similitude, fascina littéralement Foucault, jusqu'à l'ébranler. Mais plutôt que de consentir à la fascination, il ancra finalement le centre de gravité de sa pensée à distance de la littérature, tout en trouvant en elle, secrètement, une ressource pour subvertir le corps des " discours sérieux " – une plastique, une tactique, un style.Dans cet ouvrage, l'auteur joue le jeu qui fut celui du penseur : plutôt que d'aborder des œuvres littéraires à l'aide des outils du philosophe ou de l'historien, il observe comment un discours réputé savant – celui de Foucault en l'occurrence – fonctionne comme fiction, ou dramaturgie, et s'écrit comme œuvre.
On a peu remarqué jusqu'à maintenant la manière dont les philosophes se sont saisis des problématiques propres aux textes, à l'analyse du discours, à l'argumentation et à la communication. C'est cette ouverture que les auteurs de cet ouvrage ont voulu explorer. Une analyse du discours deleuzienne est-elle possible ? Comment Marx traduit-il et reformule-t-il, malgré l'écran hégélien, les concepts fondamentaux des révolutions issus du langage jacobin ? Qu'apporte la synthèse Habermassienne à la formulation d'une phénoménologie discursive, et à l'établissement d'une rationalité discursive ? Dans le dialogue ouvert avec les philosophes du langage ordinaire, comment conceptualiser la mise en commun du sens ? Quelle éthique de la parole trouve-t-on chez Perelman ?
Pendant la montée du nazisme et durant la guerre, Viktor Klemperer, philologue juif allemand, a étudié la contamination de la langue allemande par la propagande des nazis. Stan Neuman s'en est inspiré pour réaliser un documentaire remarquable, La Langue ne ment pas, dont la projection à Yvetot fut l'occasion d'une conférence d'Alain Rey sur les dévoiements du langage par les systèmes totalitaires.Le lexicographe éminent, le chroniqueur aigre-doux et le linguiste averti s'y livre à une analyse sensible et fine sur les dangers de la parole adressée aux masses quand elle est dévoyée.
Cahiers de l'ERIAC, n° 1 – Rencontres philosophiques
Ce volume réunit onze contributions qui envisagent, chacune à sa manière, des aspects de la conception et de l'exercice aristotéliciens de la rationalité, ainsi que leur influence au XVIIIe siècle et à l'époque contemporaine. Le recueil ne prétend pas à l'exhaustivité, mais privilégie l'étude des applications publiques et éthiques de cet outil " logique " qu'Aristote élabore dans les écrits rassemblés sous le titre d'Organon. Il s'organise autour de trois thèmes : de la dialectique à la science ; art oratoire et poésie ; la rationalité éthique.