L'Institut berlinois de science sexuelle (1919-1933)
Lorsque Magnus Hirschfeld ouvrit son institut dans le Tiergarten de Berlin en 1919, la jeune discipline de la science sexuelle semblait promise à un brillant avenir. La vaste bibliothèque, les collections diversifiées et les services de conseil et de thérapie ont attiré des patients et des visiteurs du monde entier. Des personnes de toutes origines sociales pouvaient obtenir sur place des informations sur la contraception ou la protection contre les maladies sexuellement transmissibles. Pour beaucoup, l'institut représentait un espace unique où il était possible de parler ouvertement de ses expériences et de sa souffrance liée à la découverte de son orientation sexuelle, dans un contexte social souvent hostile. Pendant longtemps, l'institut est resté la seule institution ayant pour objectif d'aborder le thème de la sexualité dans sa globalité. Hirschfeld et ses collègues furent constamment exposés à l'hostilité des opposants politiques et scientifiques, ce qui aboutit de manière dramatique au pillage de l'Institut par les nationaux-socialistes et à sa fermeture en 1933.Dans De l'amour et de la souffrance, Rainer Herrn raconte pour la première fois l'histoire mouvementée de cette célèbre institution. Il présente les protagonistes qui l'ont façonné, décrit les luttes pour l'abolition du " paragraphe homosexuel " 175, suit le destin des personnes qui ont cherché de l'aide à l'Institut et, par là, fait revivre l'esprit de la République de Weimar.
Une histoire sociale de la prison (France, premier XXe siècle)
Entre les années 1910 et la fin des années 1930, des dizaines de milliers d'hommes et de femmes ont connu l'enfermement dans un parc pénitentiaire français vieillissant. Pour quelques semaines, mois ou années, ils ont travaillé, écrit, enfreint le règlement, reçu leur famille, attendu une grâce ou une libération. En dépliant les archives des prisons, ce livre propose une plongée dans le quotidien carcéral de la France du premier XXe siècle, marquée par la Première Guerre mondiale et la crise des années 1930. Cet ouvrage se présente comme une enquête " au ras des murs " dans les prisons françaises des années 1910 jusqu'à la fin des années 1930. Son ambition est de donner aux acteurs et aux pratiques de l'univers carcéral un rôle de premier plan et de restituer les expériences ordinaires d'enfermement. Il scrute les parcours d'hommes et de femmes condamnés à de courtes et de longues peines pour montrer comment se construisent, se vivent et, éventuellement, se défont les rapports de domination qui enserrent les détenus dans la première moitié du XXe siècle. Au cœur de la vie carcérale, régie par un cadre réglementaire inchangé depuis les débuts de la IIIe République, se nichent de puissantes logiques de distinction, rejouant, de façon exacerbée ou décalée, les hiérarchies de la société française En revenant sur la question du pouvoir et de la discipline, déjà formulée en son temps par Michel Foucault, Elsa Génard fait une étude précise et étayée de la dynamique des rapports vécus en prison.
Qu'il doive être évangélisé, civilisé, combattu ou qu'il soit pris comme modèle, le " sauvage " fait l'objet d'une attention soutenue au XVIIIe siècle, qui doit autant à la curiosité philosophique qu'à des discours liés aux débats politiques et sociaux de l'époque. Les articles étudient la façon dont est traitée, sous l'angle politique, la figure du " sauvage " au cours d'un long XVIIIe siècle. Ils font apparaître des rapports contrastés, voire radicalement opposés, à cette figure de l'altérité, qui tend à l'Europe un miroir tantôt positif, où elle se voit comme un idéal de civilisation et de progrès, tantôt, au contraire, extrêmement critique, révélant sa violence et son intolérance.
Conçu sous la forme d'un abécédaire, cet ouvrage collectif propose un vaste panorama des rapports entre histoire des arts et études postcoloniales. En réponse à l'actualité sur la décolonisation des musées, un espace de réflexion est ouvert autour de thématiques telles que les collections dites " ethnographiques ", les narratifs de l'histoire coloniale et les perspectives autochtones. En réunissant des chercheur·euse·s, artistes, militant·e·s et expert·e·s engagé·e·s, ce livre se veut un carrefour d'échanges entre articles scientifiques, contributions artistiques et essais. Au travers de ces multiples voix, cet abécédaire invite ainsi à repenser l'histoire des arts et des musées comme un espace d'expérimentation au-delà des frontières disciplinaires et géographiques, pour offrir un éclairage original et sensible sur les enjeux contemporains de l'étude du passé, tout en ouvrant de nouvelles voies pour l'avenir.
C'est en Grande-Bretagne que l'histoire de l'éducation physique et l'histoire du sport sont nées, à la fin du 19e. Qualifiée d'impériale en imposant une origine britannique aux sports modernes, l'historiographie britannique a ensuite subi l'influence du marxisme à partir des années 1950, en mettant l'accent sur le sport populaire et les minorités. Ailleurs en Europe le récit sportif, davantage né vers la seconde moitié du 20e et lié à la reconnaissance universitaire des formations en sciences du sport, s'intéresse aux figures fondatrices de la pédagogie du corps et de la gymnastique militaire. L'historiographie européenne a d'abord été scindée en deux, de part et d'autre du rideau de fer. La création de divers comités lié à l'histoire du sport en Europe a permis de jeter les bases d'une histoire comparée entre les pays. Aujourd'hui l'histoire du sport se renouvèle et s'intéresse à la circulation des modèles pédagogiques et scolaires, attentive aux médiateurs et à la réception de l'enseignement sportif, aux catégories de genre, d'origine, de classe sociale.Ce seizième volume explore des thèmes aussi divers que la création de la Fédération internationale du sport universitaire, la revue brésilienne A Gazeta, les rapports entre le sport "ouvrier" et "bourgeois" en Grèce dans les publications communistes de l'entre-deux-guerres, la trajectoire d'Anne Almeida, la "comtesse" du basket français ou encore les principes de la création à Varsovue d'un district olympique durant entre-deux-guerres.
Socio-histoire d'un grade universitaire (XIXe-XXIe siècle)
Le doctorat n'est pas un diplôme comme les autres: puisque la thèse sert à prouver la capacité à produire des savoirs nouveaux, la soutenance est le seul examen où le jury en sait moins sur le sujet traité que le ou la candidat·e. Mais comment un grade universitaire en est-il venu à certifier l'originalité et la nouveauté, plutôt que la conformité et la maîtrise de savoirs acquis? Quelles en sont les conséquences sur le travail intellectuel et ses pratiques, sur l'organisation des mondes savants et sur la structuration des disciplines? Qui s'engage dans une telle aventure, avec quels objectifs et pour quels résultats?
Comment les œuvres existent-elles dans le temps ? Judith Schlanger revient sur les lectures et les textes qui ont jalonné son parcours – ainsi que sur ceux qui, à l'inverse, l'ont étonnamment peu marquée. Au gré de ce carnet de lectures personnel, elle explore les thématiques du changement et de la durée historique, de la valeur cachée des lecteurs anonymes, et d'une vie consacrée aux idées.Entrecroisant réflexions personnelles, analyses sur son propre parcours et études des œuvres, cet essai dresse un portrait saisissant de la pensée du second XXe siècle.
L'homosexualité devant la justice fribourgeoise entre 1900 et 1992
Dès 1849, le canton de Fribourg adopte une législation pénale particulièrement sévère à l'encontre de l'homosexualité. Alors que les codes pénaux fribourgeois successifs condamnent tout acte homosexuel, le Code pénal suisse de 1942 instaure une dépénalisation partielle centrée sur la protection de la jeunesse et la lutte contre la prostitution homosexuelle.Une première partie s'intéresse à l'évolution de cette législation et propose une comparaison avec les autres textes en vigueur en Suisse. La séparation dichotomique entre Suisse romande permissive et Suisse alémanique répressive à l'égard de l'homosexualité ne résiste pas à cette analyse. Se concentrant sur le débat politique et les différentes tentatives de modifications législatives, cette partie permet de mieux comprendre l'évolution de la perception de l'homosexualité et de celle du seuil de tolérance à son égard.L'auteur analyse ensuite la mise en application de ces législations à travers les dossiers pénaux de Tribunaux de districts et de la Chambre pénale des mineurs. Les différentes étapes de la procédure judiciaire permettent de suivre le parcours des accusée·s de la dénonciation à la condamnation, en passant par les interrogatoires et, dès les années 1940, par les expertises médicales.
Fondée à Dole en 1423, l'université de Franche-Comté est l'une des plus anciennes universités françaises. Créée à l'initiative du duc-comte de Bourgogne, Philippe le Bon, qui souhaitait doter son administration d'hommes instruits et compétents, elle fut transférée en 1691 à Besançon par la volonté de Louis XIV, qui venait de rattacher la province au royaume de France.Ce second tome, qui court de 1968 à l'année universitaire 2023/2024, est le fruit d'une nouvelle aventure collective. Il relève le défi de l'histoire immédiate de l'université de Franche-Comté, exercice à ce jour inédit. L'épaisseur du volume témoigne de la richesse des évènements qui se sont succédés ces cinquante dernières années. L'université de Franche-Comté a dû évoluer et s'adapter de manière incessante aux réformes ministérielles successives, faire face à une montée importante des effectifs, à de nombreuses manifestations et mouvements sociaux, former les étudiants en formation initiale, continue ou à distance et leur offrir une qualité d'études et de vie universitaire, favoriser leur bonne insertion professionnelle, construire de nouveaux bâtiments universitaire, multiplier ses campus au gré de l'expansion territoriale, permettre aux laboratoires de développer leur recherche, la valoriser et la transférer vers le monde socio-économique, s'ouvrir à l'international, et enfin partager le savoir en train de se faire en diffusant la culture pour informer les citoyens.Au seuil de sa mue vers l'université Marie et Louis Pasteur, le 1er janvier 2025, l'université de Franche-Comté, a-t-elle répondu, ce dernier demi-siècle à cette double exigence: la production intellectuelle et culturelle et la formation des individus? Plus d'une centaine d'auteurs se livrent ici à ce défi d'histoire globale. Synthèses, notices et encadrés, abondamment illustrés vous invitent à découvrir ce riche héritage: embrasser le passé pour mieux accueillir l'avenir.
In 1981, the Cologne Trade-Fair centre hosted a large exhibition titled Westkunst: Zeitgenössische Kunst seit 1939 (Western Art: Contemporary Art since 1939). Organized by art critic Laszlo Glozer and curator Kasper König, the Western-centric survey highlighted avant-garde art and politically charged themes of freedom and individual expression. By examining Westkunst's historiographical stakes in light of the Cold War division of Europe, the show is revealed as paradigmatic of the ways in which hegemonic concepts of 'Western art' and the accompanying processes of othering were fashioned in the art world. In this collective volume, Westkunst's universalising claims are scrutinised by focusing on the artistic tendencies exhibited; on exhibitionary discourses and practices of decontextualisation, comparison, and appropriation; on the alleged realisation of the values of progress, freedom, and autonomy; on the enacted conceptions of temporality and the architectural devices of narrativisation; on the exhibition's blind spots and exclusions and the critical reactions it elicited. This analytic output makes fresh use of the archival materials, which are neither centralised nor systematized, with significant excerpts republished throughout the book. Seen through the lens of exhibition history, this revisiting of Westkunst sheds light on a broader trend of cultural conservatism that was gaining strength in the 1980s, just before the end of the Cold War, and on the start of new form of globalisation.
Berlin, capitale du jeune Empire wilhelminien, s'impose au tournant de siècle 1900 comme centre incontesté de la mode en Allemagne. Le succès de la mode berlinoise ne repose pas sur des ateliers de grands couturiers, mais sur une industrie qui produit et vend des vêtements fabriqués en série selon des tailles standardisées (confection) à une clientèle bourgeoise et aux classes moyennes. S'intéresser à la confection berlinoise, c'est découvrir un pan de l'histoire de la mode encore méconnu en France. L'analyse de la culture matérielle et visuelle de ce secteur permet de comprendre la logique d'une production vestimentaire qui vise à vendre une mode à moindre coût et d'appréhender les stratégies commerciales de magasins que l'on ne connaît plus aujourd'hui. De nombreuses enseignes berlinoises réputées à l'époque contribuaient à cette culture de la mode par l'aménagement de leurs magasins, leurs vitrines, leurs réclames et leurs défilés, entraînant des changements sociaux dans la mode.