Lilith, la première femme tirée de la terre tout comme Adam dans la tradition juive, est figure contestataire et volitive, mue par un désir d'absolu. Présente dans les textes sacrés, et plus tard dans les colonnes des dictionnaires et encyclopédies, elle n'émerge vraiment dans la littérature française qu'au 19e siècle, où elle s'impose par son étrangeté et sa constante ambivalence. Entre Romantisme et décadence, jusqu'à l'aube du 20e siècle où elle perdure en s'intégrant au monde moderne, Lilith incarne alternativement ou conjointement les pulsions obscures de la psyché et le rêve d'idéal.
Ce recueil propose une nouvelle traduction du roman de l'écrivain majorquin Llorenç Villalonga Un été à Majorque, écho, réponse, amplification, suite d'Un hiver à Majorque. Un cas insolite d'intertextualité où l'auteur, après avoir découpé le récit de George Sand à sa guise, l'incorpore dans son propre texte en virtuose des jeux intertextuels qu'il utilise à ses propres fins. George Sand réincarnée revient, en 1935, poser aux Majorquins la question de leur relation à l'Autre toujours aussi problématique, cent ans après. Ce recueil propose aussi deux articles qui témoignent de l'impact d'Un hiver à Majorque, et de la " Francesa Romántica " qui ne cessèrent de susciter les ires et les dires.
La question de l'adaptation laisse trop souvent les enseignants désarmés, alors que souvent les étudiants ont d'abord accès aux romans du 19e siècle par le cinéma. La comparaison entre le texte et le film s'avère toujours un exercice fructueux, qui leur fait prendre conscience des contraintes propres à chacun des deux modes d'expression. Mais des préliminaires historiques et théoriques sont indispensables pour mener à bien cet exercice. Or les nombreux ouvrages parus ces dernières années sur l'adaptation ont été écrits par des théoriciens du cinéma dans un vocabulaire difficile d'accès pour les littéraires. Enseignants et étudiants ont besoin de démarches plus pratiques, mieux ciblées, et directement utilisables. Sémiotique et analyse littéraire, histoire de la littérature et histoire du cinéma doivent être étroitement associées à cet effet. Cet essai envisage le cas particulier des plus importants romanciers français du 19e siècle – Balzac, Stendhal, George Sand, Flaubert, Maupassant, Zola (mais non Hugo, très adapté, à qui deux livres viennent d'être consacrés) et les problèmes spécifiques que chacun d'eux pose aux réalisateurs. Pour la première fois donc, la question de l'adaptation sera posée du point de vue de l'étude du roman, par une dix-neuvièmiste capable à la fois d'analyses littéraires et d'analyses cinématographiques, en termes plus didactiques que purement théoriques. Cet ouvrage devrait donc rendre de grands services aux professeurs français et étrangers, qui enseignent, partout dans le monde, le roman français du 19e siècle.
Cette étude met en lumière un aspect de l'œuvre de George Sand jusqu'ici peu visible. À partir de 1835, on la voit sortir de la sphère privée. Pour répondre au désarroi de son siècle, elle pénètre dans la sphère publique et présente un vaste projet de régénération sociale. Se rendant compte de la fonction proprement nourricière des mythes, elle façonne des fictions où l'on découvre en filigrane tout un appareil mythologique, original et puissant, inspirées de modèles trouvés dans l'Antiquité, l'ésotérisme, le celtisme, les sociétés secrètes et les hérésies médiévales.Avec la deuxième version de Lélia, c'est Prométhée qui dérobe le feu à la gent masculine. Myrza propose une autre Genèse vidée du péché originel. Avec Jeanne et Le Compagnon du Tour de France, Sand rend fierté et voix aux classes "oubliées". Spiridion est un appel à l'hérésie et une annonce du règne de l'Esprit. Enfin, Wanda, la sibylle de La Comtesse de Rudolstadt, prophétise l'avènement d'un Nouvel Âge, d'une Nouvelle Église et d'un nouveau contrat social. Ainsi, la décennie mythographique de Sand aura été une phase lumineuse et expérimentale dans sa vaste entreprise d'explorer les frontières maximales du roman. En faisant de ses fictions l'instrument d'une reconstruction symbolique de la société, Sand se montre une véritable annonciatrice de l'avenir.
Composant et publiant souvent par morceaux, Balzac espérait : "Plus tard il se pourrait que tous ces morceaux fissent une mosaïque". Le recueil regroupe des articles publiés au cours d'une trentaine d'années, et qui ont fait l'objet d'une relecture critique exigeante, à la lumière du renouvellement des études balzaciennes ; il propose un parcours jalonné de quelques grandes étapes révélatrices des visages multiformes et parfois inattendus de Balzac à travers le temps : Balzac sensible au merveilleux dès ses romans de jeunesse ; Balzac en quête de sa propre "poétique" et dont l'œuvre est plus souvent qu'on ne le croit ponctuée de grands "blancs" laissant carrière à l'imagination du lecteur, invité ainsi à "créer à deux" ; Balzac particulièrement attentif à l'histoire et à ses bouleversements ; Balzac fasciné par l'espace parisien et ses métamorphoses, se faisant archéologue d'un Paris voué à la disparition. Enfin Balzac sur le grand chemin de la postérité, entraînant dans son sillage d'autres grands écrivains dont la dette à son égard est évidente.
Le recueil propose une étude des modèles et des contre-modèles de "mémoires" ou "confessions" que, de Saint-Augustin à Rousseau puis à Chateaubriand, se donne George Sand. Les textes entretiennent entre eux des relations dialectiques que l'on retrouve dans les rapports entre moi et histoire. Un "pacte de solidarité" scriptural relie le moi à une famille, une génération, voire à l'humanité entière créant ainsi des échanges dont la musique et les digressions sont notamment des vecteurs privilégiés. Au "pacte de solidarité" fait contrepoint un "pacte de singularité" : "devenir soi" se place au cœur du projet autobiographique où la quête de l'identité s'avère d'autant plus importante qu'elle est rendue problématique par le dialogue ambigu du je et du moi.
Célébration de la féminité, passion amoureuse et exils identitaires sont au cœur de l'écriture de Renée Vivien. Des mémoires enfouies à la Mémoire recomposée, le lecteur est invité à cheminer dans une poétique existentielle qui renouvelle la traversée des héritages culturels et psychiques. En procédant au déchiffrement des inversions de lecture et à une réécriture du Légendaire du féminin, Renée Vivien nous fait partager la fécondité de son imaginaire et nous convie, plusieurs décennies avant leur conceptualisation par la critique littéraire, à explorer les subtils arcanes des questions de lisibilité et de visibilité celés dans les textes les plus figés par la tradition androcentrique. La Fonction spéculaire de la mémoire et la brûlante expérience du vertige amoureux permettent de renouer, de l'intérieur, avec les grandes indomptées emblématiques de l'histoire et du mythe, comme avec nombre de créatrices, notamment douze des citharèdes antiques, mais aussi et surtout avec Sappho, figure fondatrice et tutélaire. C'est ainsi que la féminité, parmi ces entrelacements de l'exil et de la mémoire, de l'amour et du désir, du chant interprétatif et de l'écriture, peut retisser sa toile d'infini.
L'œuvre de Georges Sand touche les sujets les plus variés : la littérature elle-même, mais aussi les questions morales, politiques et philosophiques. L'écrivain apparaît comme une femme libre du 19e siècle, romantique, engagée (pendant la Révolution de 1848), dont la voix étonnamment actuelle nous parvient encore. Parmi les différents genres qu'elle a abordé, il n'y a que la poésie qui lui est restée étrangère. L'essai aborde l'œuvre de Georges Sand dans une perspective volontairement éclectique et globale. On y trouve une réflexion sur son écriture, sur les questions politiques et sociales, sur la nature et la féminité. En somme, un portrait complet de la grande écrivaine.
Lilith, la première femme tirée de la terre tout comme Adam dans la tradition juive, est figure contestataire et volitive, mue par un désir d'absolu. Présente dans les textes sacrés, et plus tard dans les colonnes des dictionnaires et encyclopédies, elle n'émerge vraiment dans la littérature française qu'au 19e siècle, où elle s'impose par son étrangeté et sa constante ambivalence. Entre Romantisme et décadence, jusqu'à l'aube du 20e siècle où elle perdure en s'intégrant au monde moderne, Lilith incarne alternativement ou conjointement les pulsions obscures de la psyché et le rêve d'idéal.
Ce recueil propose de suivre Chateaubriand dans ses errances bohémiennes et italiennes au service sans illusions des chimères légitimistes de la duchesse de Berry. Politiquement, il a tout perdu. Sur les vieux chemins de l'Europe de 1833, ne lui reste que l'essentiel : des ciels endeuillés du Nord à une dernière fête de la lumière sur les bords de l'Adriatique, désirs, rêves, souvenirs, images qui défilent et s'enchevêtrent dans une polyphonie à la fois crépusculaire et joyeuse qui n'a jamais été plus virtuose ni plus libre.
Colloque du bicentenaire, Château de Vascœuil-Musée Michelet, sept. 1998
Michelet porte-parole de la République et du peuple, mais emporté par une foi en l'histoire qui annonce forcément liberté, justice et progrès. Michelet historien, mais trop spiritualiste pour être scientifique, et trop engagé en politique pour être objectif. Tout éloge se doit d'être tempéré : Jules Michelet en est un cas apparemment exemplaire. L'œuvre, l'homme et sa pensée semblent également offrir la dualité qui oblige à la nuance et amène au dépassement dialectique. C'est ce "tout" Michelet, l'ensemble d'une vie et d'une œuvre fondatrice à bien des égards, qu'embrasse et (ré)examine le recueil issu d'un colloque donné à l'occasion du bicentenaire de sa naissance.
Domaine sacré et réversible, frappé de ce que Georges Gusdorf nomme "rupture d'intelligibilité", la mort requiert l'expression indirecte mais hautement signifiante des mythes, génésiques ou au contraire apocalyptiques. Ce volume a pour objet quelques représentations de cette mythologie spécifique, en rapport avec une sensibilité "romantique", c'est-à-dire essentiellement informée par un désir conciliateur, qui rêve d'instaurer une correspondance entre des domaines que la pure raison poserait comme étanches. Il s'agit ainsi de dégager les linéaments d'une pensée tout à la fois unifiante et tensionnelle où imagination, réflexion politique et interrogation métaphysique se conjoignent pour donner sens à l'indicible.