Grand conteur et réinventeur de formes héritées, Jouhandeau égotiste et amateur d'âmes est aussi un grand moraliste du 20e siècle, dont la vision du monde mérite un regard d'ensemble pour elle-même. Au centre de tout, il y a l'orgueil ébloui d'être un Homme, confronté à la difficulté d'être homosexuel. Ce conflit éclaire la naissance des trois personnages nourriciers de son univers littéraire d'avant-guerre (Théophile, M. Godeau, Juste), comme la direction morale que l'œuvre prend dans Monsieur Godeau intime et qui s'affirme ensuite. Il est le pivot autour duquel l'œuvre se recompose d'étape en étape et en traversant tous les genres, sans jamais sortir complètement d'un univers, une théologie et une imagination catholiques dont l'empreinte est là dès l'origine. Des contes, romans et traités des années 1920-1930 aux réflexions morales et aux journaliers des années 1950-1970, presque exclusivement travaillés par ce défi de l'homosexualité, cet essai dégage des continuités inaperçues, fait apparaître les infléchissements majeurs (de l'idéal de sainteté à la profession de sagesse). Il donne des repères pour aborder une œuvre abondante, située dans les marges de l'Histoire du siècle et de son tragique, mais au cœur d'une de ses aventures morales : le souci de soi homosexuel.
Romancier dès l'âge de 23 ans, Jean Blanzat (1906-1977), instituteur converti à la critique littéraire, fut aussi un des piliers des maisons d'édition Grasset et Gallimard. Avec persévérance, dans l'ombre de ses amis prestigieux, tels Guéhenno, Mauriac et Paulhan, il construira une œuvre très personnelle. Héritier d'un humanisme classique et d'une vision morale nourrie par la lecture de François Mauriac, en creusant son propre sillon, il finira par récuser cette filiation et dévoiler l'extrême singularité de son talent au détriment de certains codes romanesques. Parti d'un récit poétique, Enfance, pour se tourner vers des romans introspectifs, il orientera son écriture vers une esthétique de l'étrange pour mieux témoigner de l'opacité et de la complexité du monde. L'héritage initial est alors détourné dans le sens d'une attitude hérétique qui, voilée au début, se révèle ostensiblement dans ses dernières œuvres.Mélange de conformisme et de rébellion, l'univers littéraire de Jean Blanzat s'apparente à une courageuse plongée dans les abysses de l'imaginaire et au dédale d'un moi polymorphe et déroutant. Cet ouvrage rend hommage à la quête insolite et fascinante d'un écrivain à la fois limousin par son attachement au terroir ancestral et universel par ses romans métaphysiques et poétiques qui ne cessent de surprendre le lecteur et de le questionner à l'infini.
Qui, hormis un petit cercle d'amis et de lecteurs éclairés, se souvient encore de Jean Blanzat, cet instituteur d'origine modeste né en 1906 dans la région d'Eymoutiers, entré en littérature dans les années trente ? Romancier de l'intériorité et conteur fasciné par l'au-delà, il nous a laissé, pourtant, une œuvre sombre et forte, saluée en son temps par le Prix de l'Académie française (L'orage du matin, 1942) et le Prix Femina (Le faussaire, 1962). Il est temps de la redécouvrir. Intime de Mauriac et de Paulhan, aux côtés desquels il s'engagea dans la Résistance, sa mémoire demeure étroitement associé à l'aventure des Lettres françaises clandestines. Critique au Figaro littéraire, puis directeur littéraire chez Grasset, l'auteur de L'iguane (1966) fut aussi un infatigable lecteur et un découvreur de talents. Il nous a quittés en 1977, la même année que le peintre Lucien Coutaud, son grand ami de toujours. Cet ouvrage, qui réunit les actes du premier colloque consacré à Jean Blanzat, éclaire d'un nouveau jour les différentes facettes de l'homme et de l'écrivain. Témoignages, documents inédits, évocations, analyses : autant de points de vue qui permettent de suivre un itinéraire singulier, dans ses moments marquants comme dans ses rencontres capitales, tout en ressuscitant les interrogations inquiètes d'un siècle dont il fut assurément l'un des passants mémorables.
Alors que nous errons encore parmi les décombres d'un 20e siècle incessamment moribond, l'œuvre de Georges-Emmanuel Clancier (né en 1914) nous rappelle que la mémoire est la première forme de la résistance. Conséquente et multiple, la production clancienne, qu'il s'agisse de roman, de poésie ou de réflexion critique, est celle d'un "passager du siècle". La trentaine d'études réunies dans l'ouvrage, et issues du colloque, évoquent pour certaines d'entre elles le parcours du romancier, ses formations et ses rencontres, tandis que d'autres identifient les strates de l'écriture, les référents romanesques, leurs espaces identificatoires et leurs encrages, détaillent les dispositifs symboliques du narratif, les motivations et motifs de la poésie.
Qui connaît encore Jules Sandeau ? Écrivain du 19e siècle, son œuvre s'est effacée des mémoires, alors que, parmi ses contemporains, on se souvient sans difficultés de Georges Sand ou Alfred de Musset. Sandeau fut pourtant le premier romancier français élu à l'Académie. Pourquoi est-il oublié alors qu'il fut jugé par ses contemporains digne de figurer sur un siège de la grande institution ? Et que, par ailleurs, il fut populaire, invité régulièrement à la cour de Napoléon III. L'ouvrage se penche sur sa vie, sa carrière et sa personnalité. Il révèle dans quelles circonstances Sandeau devint l'amant de Georges Sand et l'ami de Balzac. Enfin, il montre dans quelle mesure l'œuvre de l'écrivain, bien qu'assez désuète et moins originale que celle de Balzac ou de Musset, exprime de grandes qualités d'observation et une analyse toujours pertinente de la société du 19e siècle.
Deux nouvelles où deux enfants, Pierre et James, passent leurs vacances dans une petite ville escarpée qui ressemble à celle où l'auteur vécut sa petite enfance dans les années 1920, Saint-Léonard-de-Noblat. Mais comment passer les grandes vacances ? Comment réduire l'ennui des jours d'été si longs ? Les enfants puisent dans leurs envies et passions : le viaduc, entre autres, dont ils font un terrain de jeux et d'expériences.
Georges-Emmanuel Clancier est plus souvent présenté comme romancier que comme poète, ce qu'il est pourtant. L'ensemble de son œuvre n'est pas pleinement connu : une fraction de lecteurs lit les romans, une autre la poésie. Rares sont les lecteurs qui lisent les deux. L'homme d'ailleurs déplore et juge infondée la dichotomie. Il tente lui-même d'introduire du narratif dans la poésie et de poétiser le romanesque. Pourtant, cette oscillation entre roman et poésie apparaît consubsantielle à son activité créatrice. C'est ce mouvement permanent, ce va-et-vient, entre deux genres que le livre veut éclairer. Après avoir tracé les linéaments d'une bio-bibliographie, l'auteure analyse l'entiereté de l'œuvre, passant d'un poème à un texte romanesque, souligant de cette manière les constantes et profondes similitudes. Elle montre aussi que ces écritures participent d'un même univers, formé par l'imaginaire natal limousin.