L'expérience particulière de l'île Maurice, une société créole dont la majorité de la population se reconnaît comme hindoue, offre un cas d'étude idéal pour une analyse historiquement contextualisée d'un hindouisme créole.Cet ouvrage est une étude d'anthropologie religieuse sur l'hindouisme mauricien, fondée sur une enquête ethnographique approfondie. L'auteur prend soin d'intégrer à l'étude de l'hindouisme local l'histoire de l'engagisme et de la société de plantation, les phénomènes de créolisation, mais aussi le contexte national multiconfessionnel.L'hindouisme mauricien est envisagé en tant que configuration (sociale, religieuse) singulière et valant pour elle-même, ni réplique, ni dérive ou sous-produit d'un " authentique hindouisme indien ". Il s'agit de comprendre les conditions de l'implantation de l'hindouisme à Maurice. Quels sont les milieux socioculturels, castes et pratiques religieuses des engagés ? Quelle a été l'influence de la rupture avec l'Inde sur ces pratiques religieuses ? Quels sont les enjeux actuels qui se cachent derrière la reconstruction de l'hindouisme à Maurice ?En dépit de son évolution rapide tournée vers l'Inde, c'est bien un hindouisme avant tout créole et mauricien qui se dessine, soulignant l'héritage du système de plantation dans les lieux de culte, dans les pratiques et représentations religieuses locales.
L'anthropologie tente fréquemment d'évacuer le cannibalisme en niant sa pertinence d'un point de vue théorique, voire en contestant la réalité historique de l'acte (qui se réduirait à un fantasme de colons malveillants). Mais alors, comment expliquer que cette discipline n'a jamais produit de discours capable de dissoudre le mépris et la hargne suscités par l'évocation d'une anthropophagie exotique ? Comment comprendre cette phobie dans la civilisation occidentale ?Refuser l'anthropophagie ne suffit pas pour accéder au titre de " civilisé " ; en revanche, il suffit d'être cannibale pour se voir exclu de ce monde-là et qualifié de " primitif ". On attribue alors le fait de manger des hommes à des mobiles réducteurs : la faim ou la religion. En soulignant les permanences des récits rapportés par les missionnaires et les explorateurs depuis Christophe Colomb et Marco Polo, se dessine une épistémologie portant sur le rapport entre la culture des gens observés et celle des observateurs. De même, l'auteur met en parallèle des débats du xixe siècle au sein de la Société d'anthropologie de Paris et les controverses parfois sanglantes qui agitent les anthropologues américains à la fin des années 1970.Ce livre répond à la fois à la volonté de constituer le cannibalisme en véritable sujet anthropologique et à celle de prendre position contre l'ethnocentrisme et le mépris du " sauvage " dans les sciences sociales.
Il est une chose importante que partagent ethnographes et psychanalystes : l'ethnographe ne peut connaître les autres sans en être "perturbé", c'est à dire sans se connaître soi-même. Et c'est au talent des ethnographes que les lecteurs doivent d'entrer en empathie avec leurs empathies, de rêver avec leurs rêves, de savoir apprécier les analogies, qu'elles soient lointaines ou familières. L'ethnographe dispose d'un allié inattendu et tout à fait magique: la narrativisation. Le parcours proposé par l'auteur pose avec rigueur, originalité et humour des questions essentielles à une réévaluation de l'anthropologie contemporaine.
Koumen est le récit initiatique des Pasteurs Peul. Jamais écrit, ni même enregistré, les conditions rituelles étant extrêmement strictes, il fut pour la première fois publié en 1961 par Hampate Ba et Germaine Dieterlen. Il relate l'initiation du premier silatigi, Silé Sadio ou Soulé, diminutif de Souleyman c'est-à-dire de Salomon. Il présente l'initiation comme un enseignement progressif de la structure des éléments, de l'espace, du temps dont l'essence doit pénétrer le postulant : c'est aussi une succession d'épreuves — le postulant doit pénétrer successivement dans douze clairières —, symboles de la lutte qu'il doit entreprendre sur lui-même avec l'aide de Dieu, et de Koumen, son auxilaire-berger, pour progresser dans la connaissance. Les Éditions de l'EHESS et l'IFAN permettent aux étudiants et lecteurs africains, et plus particulièrement aux Peul du Sénégal, d'avoir à nouveau accès à un texte fondamental.
Les textes réunis ici interrogent les destins de l'œuvre ethnographique de l'" homme de terrain " qu'a été Maurice Leenhardt (1878-1954), missionnaire et ethnologue de la Nouvelle-Calédonie. Celui que James Clifford a salué comme le précurseur d'une anthropologie polyphonique ou plurivocale, où ethnographe et interlocuteurs locaux croisaient leurs voix, a-t-il été une figure marginale de l'anthropologie française ? ou l'auteur d'une phénoménologie religieuse originale, occultée par la tradition rationaliste et structuraliste dominante dans cette discipline ? Ou encore a-t-il été plutôt un missionnaire inscrit dans une position coloniale ou l'initiateur d'une théologie de la libération, voire du mouvement national kanak ? L'ouvrage répond à ces questions et donne un ensemble d'éclairages sur la production du savoir ethnographique en situation coloniale et sur le christianisme océanien — ce faisant, il s'inscrit dans le riche débat sur les rapports entre anthropologie et mission.
Les églises spirituelles noires américaines de la Nouvelle-Orléans
La Nouvelle-Orléans est une ville singulière. Les influences françaises, africaines et anglo-saxonnes en ont fait une cité des Caraïbes déplacée sur le continent. Berceau du jazz, du blues et du gospel, mais aussi lieu d'effervescence et de créativité religieuse extraordinaire. Parmi les centaines d'églises existantes certaines sont connues sous le nom d'églises spirituelles. Fondées dans les années 1920 par des femmes, elles présentent des caractéristiques très originales dans le paysage religieux des États-Unis. Ce sont des églises noires dont le clergé est toujours majoritairement féminin. On y connaît la transe, la possession et la divination. Elles sont officiellement chrétiennes, mais on y voue pourtant un culte à des esprits combattants amérindiens. Toutes ces traits font des églises spirituelles une voie d'accès privilégiée à la compréhension de la ville elle-même. En fin de volume est encarté un dévédé documentaire (DVD, 48 mn, sous-titres français) réalisé par l'auteur en 2002 à Chicago, lors de la convention annuelle d'une église spirituelle, Israel Universal Spiritual Churches of Christ.
Le point de départ de l'anthropologie psychanalytique est la prise en compte de la réalité fantasmatique dans les constructions réciproques du sujet et des œuvres de culture. Le corps physique et psychique des deux sexes constitue la voie de passage entre l'universel du désir humain et la singularité des civilisations. Cette relation de connivence profonde entre l'individu désirant et l'instauration des règles sociales est le leitmotiv des auteurs du volume. L'anthropologue, partant de la surface des choses, remonte les chaînes causales, guidé par le fil rouge de la sexualité. Le psychanalyste reconnaît dans les matériaux des ethnologues un travail psychique qui lui est familier sous d'autres formes. C'est à cet échange de regards entre anthropologie et psychanalyse qu'invite l'ouvrage, conçu par des spécialistes des deux disciplines.
Le pays dogon a fait l'objet — un siècle durant — d'une intense activité scientifique, littéraire, voire journalistique, au point que la population qui l'occupe est devenue un repère obligé dans l'histoire de l'anthropologie. Aujourd'hui, l'héritage dogon semble avoir intégré, tant dans les cadres sociaux que dans les comportements individuels, l'hégémonie d'une tradition savante promue au rang de référence institutionnelle. La vulgate que les habitants du pays dogon - impliqués dans le marché de l'exotisme, du tourisme et de la muséologie -, sont censés devoir restituer aux autres aussi bien qu'à eux-mêmes, signale l'élaboration et l'extrapolation des données que la situation de l'échange ethnographique a permis de recueillir dans l'entre-deux-guerres.
Au croisement de l'histoire des religions et de l'anthropologie, la réflexion méthodologique prolonge et éclaire ici celle élaborée par l'école italienne. Le lecteur trouvera notamment une analyse des origines et du développement de la pensée de De Martino, à partir de la distinction entre expérience religieuse et réflexion critique sur la religion. Le second itinéraire de la recherche s'appuie sur une documentation anthropologique relative à la Nouvelle Guinée. Le problème de la délimitation entre le sacré et le profane et de la nature de l'altérité induit - à travers l'étude de pratiques festives assignant à l'animal un statut culturel - l'interrogation fondamentale sur la notion de "frontières".
En partant du constat de l'insuffisance des catégories de l'anthropologie politique des sociétés africaines "sans État" et de la nécessité de les approcher de manière relationnelle, cette étude analyse les organisations socio-politiques du haut plateau nigérian. Elle contribue à l'étude comparative des systèmes politiques et des idéologies sur une base régionale.
De Durkheim à Lévi-Strauss, en passant par Mauss et bien d'autres, les textes fondateurs de l'anthropologie française se sont profondèment inspirés de l'ethnographie d'un groupe aborigène d'Australie, les Aranda, tout particulièrement en ce qui concerne la religion, la parenté et le totémisme. L'auteur présente ici une analyse détaillée du matériel ethnographique aranda légué par ces auteurs, enrichie par les données plus actuelles portant sur des communautés voisnes. Elle rénove ainsi certaines conceptions classiques, quelque peu figées, que le public français adopte trop souvent pour considérer l'organisation sociale et la cosmologie des Aborigènes australiens. Elle démontre aussi que le "rêve" aborigène renvoie moins aux temps passés et mythiques qu'à une entité dynamique se référant à l'espace, au paysage singulier du continent australien. De même les catégories de parenté et le totémisme répondent moins à une nécessité exclusivement classificatoire qu'à une logique relationnelle exigeant le renouvellement des liens d'une génération à l'autre.
Réalités du célibat et fantasmatique de l'inceste dans le Magne (Grèce)
Mariez vos filles au plus vite, et que leurs frères puissent enfin convoler ! Les donner, oui mais à qui ? Problème crucial posé dans le Magne, rude contrée du Péloponèse dont la culture bientôt s'éteindra avec quelques anciens et les "grands-mères" qui sont la mémoire des traditions. Naguère, les concurrences, les affrontement et de sanglantes vendettas entre groupes de parents rendaient parfois le problème insoluble. Puis l'émigration des jeunes hommes a remplacé lames, carabines ou les effets pervers des stratégies matrimoniales dans la production de célibataires. Celle-ci tient ses modalités d'un exercice particulier de la parenté ; dans le Magne, l'imaginaire comme les pratiques l'associent à la relation privilégiée entre frère et sœur.