Trente-trois auteurs et autrices se sont, depuis 2017, prêtés au jeu du Livre en question à l'invitation conjointe de la Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne et de la Maison des écrivains et de la littérature, restituant dans un texte leur visite et leur vision de la bibliothèque et de ses collections. Cette année, Pauline Delabroy-Allard, Thierry Magnier, Jane Sautière, Christine Montalbetti et Virginie Poitrasson dévoilent leur relation à la bibliothèque, et en particulier à Marguerite Duras, à qui est consacré ce volume, le septième et dernier de la série.
Ce numéro explore ce que les émulsions et les brusques émissions de lumière artificielle, provoquées par différents moyens techniques allant du magnésium au stroboscope électrique, en passant par les flashbulbs, font à la photographie. Cette archéologie du flash entend échapper au récit trop étroit qui fixe une succession d'innovations technologiques, pour prendre le flash, entendu ici en opposition à l'utilisation de la lumière artificielle en continu, non seulement comme une technique, mais aussi comme un point d'articulation possible entre différentes écritures de l'histoire de la photographie. Les dispositifs socio-techniques que sont l'éclair au magnésium et le flash ont contribué à conférer à la photographie une perspective distincte sur le monde, cet " inconscient optique " cher à Walter Benjamin, capable de faire apparaître ce qui échappe à la vue humaine. Depuis ses premiers développements dans les années 1860, la maîtrise de la fulguration s'inscrit dans une histoire longue de la figuration du monde photographiable, dont ce numéro propose l'histoire, envisagée dans ses imaginaires et ses usages sociaux, ainsi que dans les cultures visuelles qui en découlent.
BdS, ces trois lettres apparaissent, en guise de nom d'auteur, sur la couverture des Opera Posthuma publiées en 1677, un an après la mort de Spinoza ; il s'agissait d'un recueil d'écrits alors inédits au nombre desquels figure l'Éthique, dans laquelle Spinoza avait consigné et mis en forme démonstrative l'essentiel de sa démarche philosophique. Cette signature énigmatique représentait une sorte de compromis entre la grande formule " Benedictus De Spinoza (amstelodensis) " et le complet anonymat sous lequel avait paru, en 1670, le Tractatus Theologico-Politicus. Elle résonne à présent comme une sorte de signal et traduit l'extrême singularité d'une démarche philosophique qui, depuis 350 ans, n'a pas encore livré tous ses secrets.Cet ouvrage revient sur certaines des difficultés que soulève aujourd'hui encore la compréhension d'une pensée déroutante entre toutes. Se confronter à ces résistances fait mesurer à quel point la philosophie de Spinoza reste vivante et agissante, à la fois active et d'une grande actualité.
Photomontage et culture de l'imprimé dans la france des années 1930
Le photomontage peut être défini comme une technique graphique qui permet de réaliser des images composites à partir de plusieurs fragments de photographies. S'il n'est pas une invention du XXe siècle, ce procédé, à l'intersection entre culture de masse et avant-gardes artistiques, connaît un essor particulier dans la période de l'entre-deux-guerres, sous l'influence des dadaïstes berlinois et des constructivistes russes. Que ce soit dans la presse illustrée, dans la production des éditeurs communistes, ou plus généralement dans le milieu de ce que l'on commence à appeler le " graphisme ", le contexte français s'est révélé propice à de multiples expérimentations photo-graphiques. Explorant les croisements entre réseaux militants, artistiques et éditoriaux, Max Bonhomme propose dans cet ouvrage une contribution à l'histoire sociale du graphisme, et montre comment le photomontage a été pensé comme une tentative de politisation de l'art par les moyens du graphisme, dans un contexte de lutte contre la montée du fascisme.
Étudier les qualités morphologiques des figurines néolithiques de la Thessalie implique d'aborder un aspect constamment négligé, celui de leur fabrication. Fondé sur les principes de la technologie culturelle, cet ouvrage vise non seulement à reconstituer les processus techniques de la fabrication des figurines depuis la préparation des matières premières jusqu'au produit fini, mais aussi à repenser les significations imaginaires sous-jacentes à ces procédés et leurs implications culturelles multiples. Chemin faisant, l'identification de la mise en oeuvre de chaînes opératoires particulières permet de circonscrire la physionomie et l'organisation de la production idoloplastique pendant le Néolithique thessalien (6700-3500 av. J.-C.).
Chercher l'image rare dans la France fin de siècle
Cet essai entend déchiffrer l'art du nombre qui se déploie dans la pratique des collectionneurs d'estampes à la fin du XIXe siècle. L'estampe est un multiple : contrairement à un tableau ou à un dessin, elle recourt à une matrice permettant d'imprimer l'image en n exemplaires. Or, les amateurs fin de siècle - nombreux en cette période où l'estampe connaît un âge d'or - cultivent avec un raffinement frisant l'ésotérisme les critères de différenciation entre chaque exemplaire d'une série. Ce que l'on pourrait réduire à une stratégie commerciale de raréfaction, mérite une analyse prenant en compte l'imaginaire du nombre en cette fin de siècle.Emmanuel Pernoud opère des rapprochements entre le vertige des grands nombres qui étreint les contemporains - étoiles, microbes, distances astronomiques, foules modernes, produits industriels - et l'attrait des nombres infimes chez les collectionneurs d'estampes et les bibliophiles. Il interroge l'expression paradoxale d'" exemplaire unique " dont le prestige conduit certains amateurs à s'assurer qu'une matrice, instrument de la reproduction, n'aura livré qu'une seule impression - au prix de sa destruction volontaire -, détournement du principe de l'imprimé vers la pièce unique que l'on retrouve dans le monotype, procédé affectionné de Degas et de ses contemporains. Ces usages traduisent l'angoisse d'un empire sans partage de la machine industrielle, imposant la loi du nombre indistinct à la création, et la recherche d'un nombre alternatif qui conserve les propriétés du dissemblable au sein même du processus reproductif.
Patrimoine afro-brésilien et tourisme mémoriel au Bénin
Ouidah, au Bénin, le douloureux passé de la traite des esclaves s'entrecroise avec l'héritage architectural transmis par les Afro-Brésiliens, ces descendants d'esclaves revenus du Brésil sur les côtes africaines au milieu du XIXe siècle. Ce patrimoine, qui a profondément marqué l'urbanisme, les savoir-faire et les dynamiques sociales locales, est toutefois porteur d'ambiguïtés historiques et se retrouve aujourd'hui au coeur de vastes projets touristiques.En valorisant l'architecture de cette communauté et les lieux de mémoire de la traite transatlantique, l'Etat béninois cherche à faire de la ville de Ouidah une vitrine du tourisme mémoriel. Or cette entreprise soulève des tensions au sein de la population : quelle mémoire valoriser ? Comment transmettre une histoire aussi complexe sans la simplifier, sans en occulter les aspects sombres, ni la marchandiser ?
Mises en scènes, en images et en récits (XIXe-XXIe siècle)
Ce numéro s'inscrit dans le prolongement de travaux visant à reconsidérer la place des femmes (peintres, danseuses, musiciennes, compositrices ou interprètes…) dans l'histoire de la création artistique, sur le temps long. Dans une perspective interdisciplinaire, il étudie la manière dont les musiciennes, envisagées comme figures, ont été mises en scènes, en images et en récits entre les XIXe et les XXIe siècles, en littérature, dans les arts visuels, la création musicale ou encore au cinéma.Représentée dans toutes les cultures depuis l'Antiquité et au sein de nombreux mythes et légendes, la musicienne possède un caractère protéiforme et des valeurs très diverses en fonction des contextes et des usages. Elle tient une place à part parmi les artistes femmes et les modalités de sa présence réelle ou fictionnelle continuent de poser question. Largement essentialisée ou réduite à des archétypes au cours des siècles, elle est dans le même temps celle qui porte une voix singulière, à la croisée de l'intime et du politique. Elle incarne aussi la voix de l'autre, une voix parfois assourdie, essentialisée ou au contraire subversive, voire émancipatrice. Par-delà la diversité des pratiques et des répertoires, ce dossier invite à réfléchir de manière critique aux possibilités de la représentation de la musicienne et à ses enjeux.