Durant le Moyen Âge, les sociétés de l'Orient et de l'Occident chrétien tout comme celles de l'Islam sont marquées par l'influence d'hommes et de femmes ferventes, qui firent le choix d'une vie à l'écart, faite de privations et de discipline du corps et de l'esprit. Ces " expériences ascétiques " rassemblent les diverses modalités de contrainte exercée sur les corps, qu'il s'agisse de pratiques, de modèles ou de règles que s'imposent des individus ou des collectifs en rupture avec les normes communes et les traditions, à des fins de purification, de sélection, de détachement ou encore d'exemplification. Ces différentes formes de discipline s'expriment dans les comportements, notamment alimentaires, sexuels et vestimentaires, mais aussi dans les modes de vie et les usages de la violence, dans le rapport à la culture écrite et au savoir et dans certaines formes de la culture matérielle.Les actes du LVe congrès de la SHMESP et du XIe congrès du CERCOR abordent une grande variété de ces modèles et expériences en convoquant l'histoire du religieux, du politique, de l'économie, des groupes sociaux, l'archéologie, la littérature et l'anthropologie historique, tout en s'appuyant sur des sources très diverses, pour offrir ainsi un regard renouvelé et pluridisciplinaire sur les pratiques ascétiques dans les sociétés médiévales chrétiennes et musulmanes.
Trente-trois auteurs et autrices se sont, depuis 2017, prêtés au jeu du Livre en question à l'invitation conjointe de la Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne et de la Maison des écrivains et de la littérature, restituant dans un texte leur visite et leur vision de la bibliothèque et de ses collections. Cette année, Pauline Delabroy-Allard, Thierry Magnier, Jane Sautière, Christine Montalbetti et Virginie Poitrasson dévoilent leur relation à la bibliothèque, et en particulier à Marguerite Duras, à qui est consacré ce volume, le septième et dernier de la série.
Largement ancré dans des enjeux contemporains, ce numéro varia - le premier depuis six ans - offre une tribune à de nouvelles plumes sur un enjeu essentiel de l'histoire des sciences (humaines) : la réappropriation. Qu'il s'agisse de réinventer le séminaire à l'allemande dans une université strasbourgeoise redevenue française en 1918, de modifier les positions d'un best-seller des études sur la science (La Vie de laboratoire) en fonction de ses éditions, d'établir un panthéon de " penseurs du vivant " ou de remonétiser la " mythologie comparée ", l'histoire des sciences que la RHSH accueille fait la part belle aux réagencements, aux déplacements, aux réordinations, loin des visions " éternelles " et figées. On découvrira aussi dans ce numéro un Bourdieu philosophe-potache ; l'ancienneté des luttes des entrepreneurs de morale contre les sociologues en France ; la trajectoire de Régine Plas, historienne exemplaire de la psychologie ; ou encore une réflexion aiguë sur la place intenable des sciences sociales dans la théocratie iranienne. Maints auteurs canonisés apparaissent au sein de ces contributions, de Dumézil à Latour et du tandem Febvre-Bloch à Bourdieu, mais ils sont ici replacés dans des tableaux plus larges ou suivis dans la contingence d'un moment de leur existence.
Ce numéro explore ce que les émulsions et les brusques émissions de lumière artificielle, provoquées par différents moyens techniques allant du magnésium au stroboscope électrique, en passant par les flashbulbs, font à la photographie. Cette archéologie du flash entend échapper au récit trop étroit qui fixe une succession d'innovations technologiques, pour prendre le flash, entendu ici en opposition à l'utilisation de la lumière artificielle en continu, non seulement comme une technique, mais aussi comme un point d'articulation possible entre différentes écritures de l'histoire de la photographie. Les dispositifs socio-techniques que sont l'éclair au magnésium et le flash ont contribué à conférer à la photographie une perspective distincte sur le monde, cet " inconscient optique " cher à Walter Benjamin, capable de faire apparaître ce qui échappe à la vue humaine. Depuis ses premiers développements dans les années 1860, la maîtrise de la fulguration s'inscrit dans une histoire longue de la figuration du monde photographiable, dont ce numéro propose l'histoire, envisagée dans ses imaginaires et ses usages sociaux, ainsi que dans les cultures visuelles qui en découlent.
BdS, ces trois lettres apparaissent, en guise de nom d'auteur, sur la couverture des Opera Posthuma publiées en 1677, un an après la mort de Spinoza ; il s'agissait d'un recueil d'écrits alors inédits au nombre desquels figure l'Éthique, dans laquelle Spinoza avait consigné et mis en forme démonstrative l'essentiel de sa démarche philosophique. Cette signature énigmatique représentait une sorte de compromis entre la grande formule " Benedictus De Spinoza (amstelodensis) " et le complet anonymat sous lequel avait paru, en 1670, le Tractatus Theologico-Politicus. Elle résonne à présent comme une sorte de signal et traduit l'extrême singularité d'une démarche philosophique qui, depuis 350 ans, n'a pas encore livré tous ses secrets.Cet ouvrage revient sur certaines des difficultés que soulève aujourd'hui encore la compréhension d'une pensée déroutante entre toutes. Se confronter à ces résistances fait mesurer à quel point la philosophie de Spinoza reste vivante et agissante, à la fois active et d'une grande actualité.
Photomontage et culture de l'imprimé dans la france des années 1930
Le photomontage peut être défini comme une technique graphique qui permet de réaliser des images composites à partir de plusieurs fragments de photographies. S'il n'est pas une invention du XXe siècle, ce procédé, à l'intersection entre culture de masse et avant-gardes artistiques, connaît un essor particulier dans la période de l'entre-deux-guerres, sous l'influence des dadaïstes berlinois et des constructivistes russes. Que ce soit dans la presse illustrée, dans la production des éditeurs communistes, ou plus généralement dans le milieu de ce que l'on commence à appeler le " graphisme ", le contexte français s'est révélé propice à de multiples expérimentations photo-graphiques. Explorant les croisements entre réseaux militants, artistiques et éditoriaux, Max Bonhomme propose dans cet ouvrage une contribution à l'histoire sociale du graphisme, et montre comment le photomontage a été pensé comme une tentative de politisation de l'art par les moyens du graphisme, dans un contexte de lutte contre la montée du fascisme.
Étudier les qualités morphologiques des figurines néolithiques de la Thessalie implique d'aborder un aspect constamment négligé, celui de leur fabrication. Fondé sur les principes de la technologie culturelle, cet ouvrage vise non seulement à reconstituer les processus techniques de la fabrication des figurines depuis la préparation des matières premières jusqu'au produit fini, mais aussi à repenser les significations imaginaires sous-jacentes à ces procédés et leurs implications culturelles multiples. Chemin faisant, l'identification de la mise en oeuvre de chaînes opératoires particulières permet de circonscrire la physionomie et l'organisation de la production idoloplastique pendant le Néolithique thessalien (6700-3500 av. J.-C.).
Chercher l'image rare dans la France fin de siècle
Cet essai entend déchiffrer l'art du nombre qui se déploie dans la pratique des collectionneurs d'estampes à la fin du XIXe siècle. L'estampe est un multiple : contrairement à un tableau ou à un dessin, elle recourt à une matrice permettant d'imprimer l'image en n exemplaires. Or, les amateurs fin de siècle - nombreux en cette période où l'estampe connaît un âge d'or - cultivent avec un raffinement frisant l'ésotérisme les critères de différenciation entre chaque exemplaire d'une série. Ce que l'on pourrait réduire à une stratégie commerciale de raréfaction, mérite une analyse prenant en compte l'imaginaire du nombre en cette fin de siècle.Emmanuel Pernoud opère des rapprochements entre le vertige des grands nombres qui étreint les contemporains - étoiles, microbes, distances astronomiques, foules modernes, produits industriels - et l'attrait des nombres infimes chez les collectionneurs d'estampes et les bibliophiles. Il interroge l'expression paradoxale d'" exemplaire unique " dont le prestige conduit certains amateurs à s'assurer qu'une matrice, instrument de la reproduction, n'aura livré qu'une seule impression - au prix de sa destruction volontaire -, détournement du principe de l'imprimé vers la pièce unique que l'on retrouve dans le monotype, procédé affectionné de Degas et de ses contemporains. Ces usages traduisent l'angoisse d'un empire sans partage de la machine industrielle, imposant la loi du nombre indistinct à la création, et la recherche d'un nombre alternatif qui conserve les propriétés du dissemblable au sein même du processus reproductif.