Cimabue et la Toscane à la fin du XIIIe siècle : techniques, matériaux et restaurations
Suite à la restauration de la grande Maestà et de la Dérision du Christ, le musée du Louvre organise une exposition autour de ces chef d'œuvres de l'artiste (janvier-mai 2025). Ce numéro de Technè accompagne cette manifestation en réunissant des contributions relatives à la matérialité des œuvres peintes de la deuxième moitié du XIIIe s en Toscane.
Des choses et des mots : dire, penser, analyser la matérialité
D'un côté des choses faites de matières, de l'autre des mots exprimant la façon dont celles-ci sont pensées et perçues. Mais comment relier les mots aux choses et inversement ? Ce numéro explore les discours sur la matière et la diversité des relations entre ces deux réalités. Il souligne les bénéfices de leur confrontation et les difficultés méthodologiques rencontrées quand historiens, historiens d'art, archéologues, conservateurs, restaurateurs, chimistes et physiciens se rencontrent autour des choses : parchemin, papier, encre, pigment, métal, albâtre, vernis de lutherie, etc. Il s'adresse à tous ceux qui s'intéressent aux matériaux du patrimoine et au croisement des documentations.
Les textes réunis dans "Léonard de Vinci. L'expérience de l'art" constituent une version augmentée des actes d'un colloque qui s'est tenu au Musée du Louvre à l'occasion de l'exposition célébrant le 500e anniversaire de la mort de l'artiste en France. Le colloque rassemblant la plupart des institutions possédant des œuvres de Léonard a fait une place importante aux découvertes récentes sur sa manière de peindre et de dessiner grâce à des techniques innovantes d'imagerie. L'expérience de l'art ici est ici celle qui pour Léonard permet de comprendre le monde et de le représenter, et aussi l'expérience sur l'art qui révèle des pans cachés de la technique et de la pratique de l'artiste florentin.
Second volet d'un diptyque consacré aux matières noires, ce numéro de Technè conduit dans des chemins de traverse. Il y est d'abord question de l'odeur du noir et du rôle de cette couleur et de ses teintes sur notre perception. Y sont ensuite abordées les matières noires obtenues par transformation, intentionnelle ou non.
Cet ouvrage a pour thème la matérialité des œuvres d'art patrimoniales et vise à identifier et à mettre en exergue les matériaux et les substances derrière la dénomination générique " matière noire ou patine noire ou couleur noire " souvent évoquée sur les cartels, les fiches d'objets et dans les interrogations des chargés de collections. Ses articles questionnent sur la corrélation entre couleurs noires et matières : quelles matières pour représenter le noir ou plutôt leS noirS ? Si cet ouvrage ne correspond pas spécifiquement au programme d'un concours, son contenu permettra d'enrichir les connaissances d'étudiants de l'Ecole du Louvre ainsi que celles de candidats présentant les concours du Ministère de la Culture. Cette recherche s'inscrit dans la discipline interdisciplinaire des sciences du patrimoine culturel. L'aura de cette couleur si particulière a déjà beaucoup fait parler d'elle au travers de débats et ouvrages mêlant physique, société et langage. En effet, le noir a été étudié dans de nombreux ouvrages sans que sa matérialité ait toutefois été abordée en détail et ainsi que nous le proposons. Des chercheurs de renom dont Michel Pastoureau contribuent à ce numéro. La couleur noire a récemment fait l'objet d'expositions temporaires comme Le modèle noir de Géricault à Matisse (2019), Soulages, le maître de l'Outrenoir (2019) et Soleils noirs (2020/2021). Ces deux numéros de Technè visent à aller plus loin en approchant cette couleur non pas comme un simple revêtement de surface mais comme partie intégrante de l'objet qui interrogent notre rapport aux matières noires. Quelles matières, quelles substances colorantes et quelles techniques les artistes ont-ils utilisées pour traduire les infinies variétés de cette couleur car, si certaines couleurs ne prennent pas de pluriel, le noir assume bien le sien : il est des noirS et des matièreS noireS. L'organisation de cet ouvrage est thématique et offre une vision matérielle et interdisciplinaire aussi exhaustive que possible des matières noires présentes en contexte patrimonial. Il traite des thèmes en relation avec les artistes et le noir et La fabrique du noir. Ces thèmes seront complétés par un ouvrage qui lui fera suite et qui abordera la Perception et réception des corps et matières noires ainsi que les Transformations du noir. Ils proposent des articles rédigés en français et en anglais. Différents niveaux universitaires, depuis la 1ere année jusqu'au doctorat. Ces numéros intéresseront des étudiants et des professionnels des champs disciplinaires relevant des sciences humaines et des sciences analytiques.
Dans la dynamique de l'année de la minéralogie en 2022, Technè explore le thème foisonnant de l'utilisation des minéraux dans les parures depuis la préhistoire jusqu'aux périodes les plus récentes. Le mot " parure " est entendu sous une définition large, c'est-à-dire tout ce qui contribue à orner, à parer : bijoux, objets de parade, etc.
Le numéro 53 de la revue Technè est consacré à "Goya peintre". Ce thème est novateur, car les publications qui s'intéressent à la technique de ce grand maître tout en s'appuyant sur les techniques d'examen et d'analyse de laboratoire sont assez rares et ne concernent, le plus souvent, que des œuvres isolées. Il souhaite ainsi élargir la connaissance de la technique de ce maître à une large partie de son œuvre, en s'appuyant sur une série de douze articles rédigés par des chercheurs de diverses spécialités. Plusieurs textes sont consacrés aux études de laboratoire menées par les équipes du C2RMF sur trente tableaux de Goya et de son entourage conservés dans les musées français et dans une collection privée. D'autres textes s'intéressent à la constitution de la collection de tableaux de Goya au musée du Louvre, aux œuvres peintes par le jeune maître dans sa province natale d'Aragon ainsi qu'à l'étude et à la restauration de tableaux conservés au Courtauld Institute de Londres et au musée national de Budapest. L'ensemble voudrait aider à constituer un socle d'observations techniques solide destiné à mieux assoir les débats qui divisent encore les spécialistes sur l'attribution de nombreux tableaux célèbres à Goya lui-même ou à des artistes de son entourage.
L'apport de la science à la datation des œuvres est une étape relativement récente dans leur connaissance, à la différence de l'imagerie scientifique marquée notamment par l'utilisation de la radiographie à partir du début du XXème siècle.Hormis pour la dendrochronologie, ce n'est qu'à partir des années 1960 que des méthodes se font jour telles que la datation par le carbone 14 ou encore la thermoluminescence. En 1980, le catalogue La vie mystérieuse des chefs-d'œuvre. La science au service de l'art consacrait un chapitre complet à ce domaine et soulignait l'importance de ces innovations dont certaines étaient encore expérimentales. Il montrait également que ces techniques analytiques ne prenaient pas en compte tous les matériaux, qu'elles s'avéraient pertinentes pour certains types d'objets et pour des périodes relativement reculées. Ainsi, furent-elles très utilisées et appréciées dans le domaine de l'archéologie. Malgré certaines limites, elles s'imposèrent comme méthode complémentaire confortant des données stratigraphiques, historiques ou stylistiques et enrichirent le corpus des données de connaissance. Elles furent aussi, à l'inverse, un outil d'authentification rectifiant des acquis, des traditions, s'immisçant aussi dans le monde des faux voire des trafics d'antiquités et d'œuvres d'art.De ces différents aspects - exceptée la thématique complexe et délicate des faux - Techné 52 esquisse un état des lieux et les enjeux des moyens d'investigations aujourd'hui communément utilisés, les avancées et les approches méthodologiques qu'ils ont suscités. A travers la présentation de recherches récentes menées sur des objets conservés dans les collections muséales, on montre comment le développement des techniques permettant de travailler sur de très petites quantités de matière et l'approche pluridisciplinaire peuvent répondre aux exigences déontologiques et ouvrir de nouveaux champs d'investigations. Enfin, une place particulière est accordée aux nouvelles techniques d'analyse ou de traitement des données laissent présager des perspectives plus larges tant au niveau des matériaux étudiés que des sujets d'étude.
Poser un regard neuf sur les productions sérielles en plâtre et révéler à un large public la richesse de ces œuvres souvent dédaignées, tels sont les enjeux du dossier thématique de ce numéro 51 de Technè, qui traite des modèles des plus grands maîtres de la Renaissance florentine: Donatello, Desiderio da Settignano, Antonio Rossellino et Della Robbia. Après les numéros consacrés par la revue à la terre cuite émaillée (n° 20) et à la terre cuite polychromée (n° 36), le lecteur y trouvera d'abord matière à réfléchir sur la notion d'œuvres sérielles, d'œuvres plurielles, mais aussi sur la place du "stuc", parmi les matériaux à disposition des artistes du quattrocento. Matériau pauvre et bon marché seulement? Ou bien matériau de prédilection pour diffuser l'œuvre des maîtres fidèlement restituée et par la même l'esprit de la Renaissance comme l'exigent les changements culturels et religieux de la société de l'époque? Ce lecteur verra aussi que, pour paraphraser la phrase malicieuse de Falconet en 1681, "le plâtre est babillard qui ne cache aucun secret". Cette matière porte en elle, pour qui sait étudier ses minéraux, même les plus rares, ses compositions chimiques précises, ses microstructures, ses constituants organiques, une multitude d'informations sur les recettes mises en œuvre, l'origine des matières premières, leur préparation. Autant d'indices qui suggèrent la localisation géographique de certains ateliers, voire leur "signature technique". Ce numéro révèle surtout, grâce à des restaurations d'ampleur et à des analyses approfondies de la couleur, la richesse insoupçonnée d'une polychromie exceptionnelle qui individualise et magnifie ces reliefs et rejette définitivement l'hypothèse de productions de second ordre. Les articles réunis témoignent des progrès réalisés dans les technologies mises en œuvre pour l'étude de ces reliefs de dévotion que ce soit pour sonder la matière, y compris avec les techniques de pointe utilisées en biochimie, ou pour comparer plus finement à l'aide d'un scanner 3 D les différents exemplaires d'une même série, ou encore pour comprendre la mise en couleurs sans toucher l'œuvre. Ce dossier volontairement pluridisciplinaire et international est en grande partie alimenté par le programme ESPRIT (Etude des Stucs polychromés de la Renaissance Italienne) conduit par le musée du Louvre et le C2RMF et marque le début de recherches nouvelles. Les œuvres décrites rejoignent petit à petit les cimaises des musées. Il faudra maintenant les regarder avec un œil nouveau et averti!