" Je suis un ouvrier du théâtre. Le côté artisanal du théâtre me ravit ", déclare Jean Anouilh (1910-1987). Auteur à succès d'une cinquantaine de pièces représentées, ce dramaturge se vante, non sans provocation, d'avoir du métier, de connaître les ficelles de son art – qu'il exhibe à plaisir dans des arabesques métadramatiques. Cette posture lui a valu une réputation de faiseur, de boulevardier, utilisant inlassablement les mêmes trucs pour produire des pièces " bien faites ". Or le savoir-faire d'Anouilh est loin de se limiter à un ensemble de recettes éprouvées qui produiraient un succès facile : il est mis au service d'une oeuvre personnelle et d'une dramaturgie joyeusement et effi cacement bancale. Ce volume, qui constitue les actes du premier colloque consacré à l'oeuvre de cet auteur, est une plongée dans l'atelier du maître, une exploration des coulisses de sa création, une traversée de son répertoire. Quant à la façon elle- même, Anouilh apparaît comme un couturier dramatique : il taille, il coupe, il rapièce. De patrons connus, il fait des modèles neufs. L'étude de la " griffe " dramatique d'Anouilh, ici entreprise, passe d'abord par la redécouverte des maîtres qui ont inspiré et façonné son oeuvre : la mémoire du métier et son réemploi. Elle se poursuit par l'analyse du " bâti " : Anouilh ne cesse de varier les tons, d'hybrider les genres, de marier les imprimés, de changer de mode ; il se renouvelle en restant fi dèle à lui-même. Elle se termine par un retour sur les représentations de l'artisan dans son théâtre et ailleurs : Anouilh au miroir. En abordant cette oeuvre multicolore avec un nouveau regard, ces articles permettent de vérifier des acquis sur l'art d'Anouilh mais aussi de nuancer certaines idées reçues et peut-être de leur tordre le cou. Haute couture, basse couture ? Au lecteur d'en décider. Les actes du colloque sont complétés par deux inédits : La Traversée et Charlemagne.