Comment les hommes pensent-ils effectivement, tel est le problème dont traite ce livre. Il veut examiner, non comment la pensée se présente dans les manuels de logique, mais comment elle fonctionne effectivement, dans les affaires publiques et la politique, comme outil d'action collective ". Avec ces mots, Karl Mannheim ouvre Idéologie et utopie, le livre qui a fait sa réputation et lui a valu la chaire de sociologie de l'université de Francfort. Dès sa publication en 1929, l'ouvrage suscite un vif débat scientifique, au sein duquel interviennent notamment Max Horkheimer, Theodor Adorno, Hannah Arendt et Ernst Robert Curtius. Traduit en 1936 en anglais, la controverse s'étend alors aux États-Unis où Mannheim s'impose rapidement parmi les auteurs de référence d'une discipline en pleine expansion. Plus de soixante-quinze ans après sa parution, ce texte fondateur de la sociologie de la connaissance reste encore méconnu du public français. Présenté ici pour la première fois dans sa traduction intégrale, le lecteur pénètre au cœur des débats sociaux et intellectuels des années 1930, juste avant l'effondrement des démocraties européennes. Témoignage et analyse lucide des transformations politiques et intellectuelles d'une époque, il reste d'une grande actualité. Il montre, en effet, comment idéologies et utopies naissent de l'interaction sociale et comment celle-ci, à son tour, oriente les dispositions d'esprit, Mannheim révèle très précisément la situation existentielle de l'homme moderne.