Se souvenir de la guerre permet-il d'en sortir? La mémoire collective est sélective et toutes les guerres ne laissent pas les mêmes traces. Le Centre-Val de Loire, formé à partir des provinces du Berry, de l'Orléanais et de la Touraine, entretient avec les mémoires des guerres une relation certes singulière, née de sa situation au cœur du domaine royal, mais aussi archétypale. De la Délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc en 1429 aux occupations de 1814-1815, 1870-1871 et 1940-1944, les traces locales de sa mémoire participent à la construction de son identité régionale, tout en ayant des résonances nationales. Les acteurs régionaux du "devoir de mémoire" y ont combattu pour exhumer des oubliettes des souvenirs longtemps occultés, telle l'existence des camps d'internement du Loiret. Pour autant, quels "lieux de mémoire" émergent dans la région? Les monuments aux morts de la Grande Guerre semblent dominer au point que l'on peut s'interroger sur l'effacement de la mémoire de 1870 ou de celle des crimes de guerres de l'été 1944. De même, au côté de Jeanne d'Arc, instrumentalisée à chaque conflit, il faut attendre 2015 pour que Jean Zay rejoigne au Panthéon le préfet de Chartres, Jean Moulin. Et qu'en est-il de la fête johannique du 8 mai à partir de la Victoire de 1945? Étudier les usages des mémoires des guerres sur la longue durée, de la guerre de Cent ans à l'Occupation, en passant par les guerres de Religion, éclaire ainsi les crises d'identité qui empoignent la nation française de manière récurrente. Les regards croisés, enfin, de l'anthropologue sur la mémoire des occupants, et du littéraire sur la mémoire immédiate de Charles Péguy, contribuent à une histoire comparée des pratiques mémorielles. Si la Seconde Guerre mondiale a fait écran en recouvrant la mémoire des occupations précédentes, c'est toute la strate mémorielle accumulée de conflit en conflit que cet ouvrage entend déconstruire.