L'étude du système sociopolitique des Saman du Mali invite à une relecture du paradigme "dogon", faisant émerger des questions liées à la construction identitaire, à l'islam, à la guerre ou à l'esclavage, au mode de vie urbain ou au pouvoir d'État, qui conduisent à appréhender autrement cette région sanctuarisée. Mais les Saman témoignent aussi d'une politie originale que le livre tente d'illustrer autour du concept de cité-État, hérité de l'histoire comparée des institutions politiques. S'inspirant du modèle de Djenné – la prestigieuse métropole musulmane du Delta intérieur du Niger –, mais se réalisant au cœur de l'univers chthonien défini par et pour des chefferies villageoises dogon, la cité-État sama n'est ni une Médina sahélienne, ni un État local, ni même une Black Athena. Conçu sur le principe de la force incarnée par un roi sacré, exercée par une assemblée politique et exécutée par un corps de captifs publics, l'État sama s'inscrit dans les limites strictes de l'espace civique défini par une enceinte et met ainsi en œuvre une souveraineté politique plutôt que territoriale. Adoptant l'angle de la conjoncture, l'auteur prolonge son analyse à travers les différents avatars de la cité idéale sama – émirat, chefferie de canton, chefferie de village –, dont il ne subsiste plus aujourd'hui qu'une citoyenneté sous-jacente, coincée entre sa propre genèse, l'impératif ethnique et le processus démocratique récemment inauguré par l'État malien.