À l'issue du premier tome du Pouvoir en chantant, consacré à la Chine contemporaine, l'hypothèse était formulée qu'il pouvait exister une certaine continuité historique entre l'ancienne Chine et la Chine contemporaine concernant la musique et ses institutions.Afin de valider ou d'infirmer cette hypothèse, l'auteur s'appuie sur une démarche pluridisciplinaire mêlant la philosophie, l'anthropologie et l'acoustique. Elle livre ainsi au lecteur la traduction d'un traité confucéen du 2e siècle av. J.-C. consacré à la musique, qui permet d'appréhender la place de celle-ci dans la pensée de la Chine ancienne. Elle cherche également dans les annales historiques les mentions ayant trait à la musique et aux institutions musicales, avant d'illustrer par quelques exemples la réalité du travail musical dont était chargées lesdites institutions : élaboration de la musique impériale, travail préparatoire de la musique rituelle, organisation des collectes musicales, modification des étalons sonores, réglage des instruments...Fort de ses deux tomes, Le pouvoir en chantant met clairement en évidence la place et le rôle tenus par les affaires musicales au sein de l'organisation politique globale de l'État chinois tant impérial que communiste.
L'étude du système sociopolitique des Saman du Mali invite à une relecture du paradigme "dogon", faisant émerger des questions liées à la construction identitaire, à l'islam, à la guerre ou à l'esclavage, au mode de vie urbain ou au pouvoir d'État, qui conduisent à appréhender autrement cette région sanctuarisée. Mais les Saman témoignent aussi d'une politie originale que le livre tente d'illustrer autour du concept de cité-État, hérité de l'histoire comparée des institutions politiques. S'inspirant du modèle de Djenné – la prestigieuse métropole musulmane du Delta intérieur du Niger –, mais se réalisant au cœur de l'univers chthonien défini par et pour des chefferies villageoises dogon, la cité-État sama n'est ni une Médina sahélienne, ni un État local, ni même une Black Athena. Conçu sur le principe de la force incarnée par un roi sacré, exercée par une assemblée politique et exécutée par un corps de captifs publics, l'État sama s'inscrit dans les limites strictes de l'espace civique défini par une enceinte et met ainsi en œuvre une souveraineté politique plutôt que territoriale. Adoptant l'angle de la conjoncture, l'auteur prolonge son analyse à travers les différents avatars de la cité idéale sama – émirat, chefferie de canton, chefferie de village –, dont il ne subsiste plus aujourd'hui qu'une citoyenneté sous-jacente, coincée entre sa propre genèse, l'impératif ethnique et le processus démocratique récemment inauguré par l'État malien.
En Chine, la place accordée à la musique est étonnante. À la fois ferment de la légitimité politique et symbole du pouvoir, la musique est étroitement liée au domaine politique. Les dirigeants y veillent, aidés par un formidable réseau d'institutions musicales. Appelés à collecter les musiques de Chine, la dizaine de milliers de fonctionnaires qui y travaillent œuvrent à la fabrication d'une musique nationale chinoise. La tradition laisse alors place au traditionalisme d'État. C'est au travers de la musique ouïgoure que cette incroyable alchimie a été comprise. Musique heptatonique jouée principalement sur des vièles et des luths, elle s'inscrit dans le monde musical irano-arabo-türk. Pourtant elle aussi a été intégrée dans cet extraordinaire florilège qu'est la musique de Chine. Au terme du livre, force est de constater que si, en Chine, le pouvoir s'exerce en chantant, chanter peut aussi avoir autorité sur le pouvoir.
Que se passe-t-il quand une basse caste d'artisans hindous se convertit à l'islam ? Le système des castes est-il mis en cause ? La présente enquête sur des bijoutiers musulmans montre qu'il n'en est rien : système des castes et système de parenté sont pour l'essentiel conservés. La conversion a des effets plus subtils : elle entraîne la disparition des rôles rituels des Brahmanes et des alliés preneurs de femmes (honorés tels des Brahmanes) ; elle conduit au refus du culte des ancêtres et, partant, de la sacralisation du pouvoir.
Les Aborigènes australiens sont célèbres pour la complexité de leurs rites d'initiation au cours desquels se pratiquent non seulement la circoncision mais aussi l'opération beaucoup plus effrayante de la subincision. À la fin du siècle dernier, Spencer et Gillen ont été chez les Aranda les derniers témoins de l'ensemble de ces rites dont certains ne devaient plus jamais être accomplis par la suite. Le présent essai se propose d'analyser en détail ce témoignage unique et s'achève par une réflexion d'ensemble sur ces religions australiennes si différentes des nôtres.
Quel phénomène déroutant que le chamanisme. Religieux certes, mais sans dogme ni clergé ni liturgie, et variant avec chaque chamane. Archaïque, mais en perpétuelle résurgence et adaptable autant que vulnérable aux influences. Une plongée dans la forêt sibérienne permet de mettre au jour son lien avec la chasse, en tant que mode de vie dépendant directement des ressources de la nature : nul n'a accès à ces ressources sans entretenir de relations avec les esprits qui les animent, les êtres surnaturels. Ces relations sont marquées du sceau de l'alliance et de l'échange, chaque monde étant le gibier de l'autre.
Devenir des lignées et destins des patrimoines dans les paysanneries européennes
Les mécanismes de transmission des patrimoines entre générations intriguent depuis toujours ethnologues et historiens du droit. Relevant en effet tantôt du droit, tantôt de la coutume, ils se présentent tout à la fois comme des règles intangibles et des pratiques plus ou moins avouables. Soumis à quelques grands principes, ils apparaissent sous les formes les plus diverses... L'auteur propose d'admettre que leur propriété essentielle est de régir des devenirs collectifs en même temps qu'ils modèlent des destinées individuelles.