Si le mémorialiste de l'Ancien Régime, en rapportant ce qu'il a vu personnellement, continue un discours autorisé et " public " qui repose sur des usages et valeurs d'un monde encore largement perçu comme statique, il y a virtuellement, pour l'autobiographe moderne, autant de mondes qu'il y a de " moi privés " qui les disent et qui semblent ne pouvoir s'affirmer qu'en s'opposant aux diktats de la société. Or, c'est le mémorialiste d'Ancien Régime qui écrit pour ses intimes ou pour un cercle restreint de semblables, tandis que l'autobiographe Rousseau s'adresse d'emblée aux lecteurs de tous les états et à la postérité tout entière. Ce paradoxe est au centre de l'interrogation de ce volume qui tente de mettre en évidence, au fil des siècles et à des époques où les césures ...
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Hermann KLEBER — L'émergence du moi privé dans les Mémoires du 16e et du 17e siècle
Eva KORMANN — Le moi et la famille : la conception de soi dans les autobiographies du 17e siècle dans les pays de langue allemande
Charlotte SIMONIN — " Madame la Péruvienne ", " la Grosse " ou " Maman " ? Les jeux du " je " dans la correspondance de Françoise de Graffigny
Nadège LANGBOUR — La dimension autobiographique des Salons de Diderot : l'émergence du " moi privé " derrière le " moi public "
Marie-Paule de WEERDT-PILORGE — Moi privé, moi public, moi idéal dans quelques mémoires du 18e siècle
Anne COUDREUSE — La servante au grand cœur. Les Mémoires de Madame Campan, première femme de chambre de Marie-Antoinette
Philippe LEJEUNE — Pourquoi Marie d'Agoult n'a pas publié ses Mémoires
Jean-François LAPLÉNIE — L'individu et le cas. Écrire le moi privé avec ou contre la psychanalyse
Konrad HARRER — " Moi public " et " moi privé " sous l'angle de la systémique
Frédéric TEINTURIER — Les écritures du moi chez Heinrich Mann. Entre effacement de la subjectivité et mise en scène d'un je(-u) auctorial : Ein Zeitalter wird besichtigt et Zur Zeit von Winston Churchill
Florence BANCAUD — Du je au nous : le journal " extime " de Victor Klemperer
Patrick FARGES — " Mon histoire est une note de bas de page, sauf pour moi, parce que je l'ai vécue ". La mise en récit d'une vie d'exil chez les exilés germanophones au Canada
Christine MEYER — L'écriture du moi dans Les années anglaises d'Elias Canetti
Barbara AGNESE — " Infin che 'l mar fu sopra noi richiuso " [Jusqu'à ce que la mer fût refermée sur nous]. Les langues du moi privé, voix de la représentativité ? Primo Levi, Jorge Semprun
Ruth VOGEL-KLEIN — Le Refus de témoigner de Ruth Klüger, professeure de lettres et rescapée d'Auschwitz
Jean-Claude VIMONT — La " brutalisation " du journal intime d'une internée civile pendant le second conflit mondial
Corinne BOUILLOT — Vision individuelle et collective de l'effondrement du nazisme à travers les journaux personnels de quatre journalistes berlinoises
Ingeborg RABENSTEIN-MICHEL — Du Moi privé au Moi public : l'autobiographique au service de la transmission chez Ilse Aichinger
Michelle-Irène BRUDNY — Hannah Arendt en ses " moi "
Jean-Louis JEANNELLE — Les " récits de désaveu " ou comment faire son autocritique de manière critique ?
Karine WINKELVOSS — Privée de moi. Le malheur indifférent [Wunschloses Unglück] de Peter Handke
Hélène FRANCOUAL Les avatars du moi : l'autobiographie bernhardienne et ses prolongements parodiques
Jean-Marie WINKLER — Théâtre autobiographique/autobiographie théâtralisée. Réflexions sur Thomas Bernhard dramaturge ou la tromperie par les apparences
Anne-Marie CORBIN — Ostalgie ou véritable travail de retour sur le passé : les écrits autobiographiques récents dans l'Est de l'Allemagne
Carola HÄHNEL-MESNARD — La représentativité malgré soi. La littérature du souvenir de la jeune génération des " derniers Allemands de l'Est "
Eva WERTH — " Westalgie " : la réception autobiographique de la chute du Mur en Allemagne de l'Ouest
Marie-Françoise LEMONNIER-DELPY — Les écrivains par eux-mêmes dans les notices biographiques autographes du 20e siècle
Si le mémorialiste de l'Ancien Régime, en rapportant ce qu'il a vu personnellement, continue un discours autorisé et " public " qui repose sur des usages et valeurs d'un monde encore largement perçu comme statique, il y a virtuellement, pour l'autobiographe moderne, autant de mondes qu'il y a de " moi privés " qui les disent et qui semblent ne pouvoir s'affirmer qu'en s'opposant aux diktats de la société. Or, c'est le mémorialiste d'Ancien Régime qui écrit pour ses intimes ou pour un cercle restreint de semblables, tandis que l'autobiographe Rousseau s'adresse d'emblée aux lecteurs de tous les états et à la postérité tout entière. Ce paradoxe est au centre de l'interrogation de ce volume qui tente de mettre en évidence, au fil des siècles et à des époques où les césures historiques et les ruptures idéologiques favorisent la redéfinition des quêtes identitaires collectives et personnelles, les multiples possibilités d'agencement et les frontières plus ou moins marquées entre " moi public " et " moi privé ".