Jean-Pierre Albert et Guillaume Rozenberg, " Des expériences du surnaturel. Argument " ;
Christophe Pons, " L'intériorisation du surnaturel. Identité individuelle et mysticisme en Islande " ;
Bénédicte Brac de la Perrière, " "Les naq sont là !" Représentation et expérience dans la possession d'esprit birmane " ;
Anne Bouchy, " Des expériences autres du monde. Appréhender le vécu des oracles dans la société japonaise " ;
Marine Carrin, " L'expérience du surnaturel au Sud-Kanara. Son énonciation et sa légitimation " ;
Grégoire Schlemmer, " Jeux d'esprit. Ce que sont les esprits pour les Kulung " ;
Élisabeth Claverie, " Parcours politique d'une apparition. Le cas de Lourdes " ;
Guillaume Rozenberg, " L'invraisemblance du surnaturel. Fiction et réalité dans un culte bouddhique birman " ;
Jean-Pierre Albert, " Postface : le surnaturel, un concept pour les sciences sociales ? ".
Rencontrer un esprit au détour d'un chemin, être possédé ou visité par une divinité, assister collectivement à l'apparition de personnes selon toute vraisemblance invisibles, voir son corps ou celui d'un tiers manifester des capacités inexplicables par la science " normale " : autant d'expériences qu'on dira " surnaturelles " parce qu'inscrites, aux yeux des sujets, dans un ordre distinct de la réalité ordinaire, impliquant l'idée d'êtres ou de forces invisibles en mesure d'infl uer sur le cours du monde et des existences.Loin d'appartenir à une forme archaïque du religieux, l'accès à ce genre d'expériences est au contraire très présent dans l'ensemble des manifestationsreligieuses contemporaines.Ce numéro se concentre sur ces expériences intimes ou spectaculaires du religieux pour examiner la manière dont elles sont à la fois vécues sur le mode de l'évidence sensible et socialement construites. De telles expériences ont en effet pour principe de se présenter comme immédiates et d'être néanmoins toujours médiatisées. Le contact avec le surnaturel prend forme et réalité sous l'effet de représentations collectives et de relations humaines, de mises en scène gestuelles et de paroles énoncées, de façons de penser et d'agir qui donnent sens à l'événement. Les uns y participent en tant qu'officiants, les autres en tant que bénéficiaires, instigateurs, spectateurs, témoins, glossateurs, censeurs. Les émotions et les évidences du surnaturel sont produites autant qu'elles se produisent. La fabrication de l'épreuve du surnaturel soulève la question de la " croyance " et des régimes du croire. Comment croire à des choses invraisemblables et contradictoires ? Comment ce qui est pensé et rapporté par les intéressés comme un phénomène anormal et difficilement croyable revêt en définitive l'aspect d'une réalité éprouvée, objective, admise collectivement ? En un mot, comment une fiction devient, pour certains, une réalité ?