Pourquoi les Américains jouent-ils à monter des taureaux furieux dans les rodéos ? Pourquoi cette technique spectaculaire, initiée et expérimentée par les vachers mexicains, est-elle devenue emblématique du cowboy et de l'impérialisme étasunien ? Que doit ce dernier à son voisin du sud, qu'il maintient par ailleurs dans une relation de dépendance économique et politique ? Et quelles sont les influences respectives de l'indigène et de l'homme blanc dans cette étonnante subversion de la tauromachie espagnole et de ses codes ?C'est en situant les choses dans leur contexte d'origine - le Mexique, laboratoire américain du métissage, de l'élevage extensif du boeuf et du cheval hispaniques - et en évitant l'argument essentialiste du " pur indien ", que Frédéric Saumade se prop ...
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Introduction : De la tauromachie en Amérique. L'autochtone et le contact ; Monte, corde, inversion et transformation tauromachique. I Monter et attacher les bêtes, de la technique à la métaphore. Dans le labyrinthe ; Pérégrinations d'une monte à l'autre et d'un volcan à l'autre ; La charreada, La fiesta nacional mexicaine ; Les règles de la charreada ; Esthétique de la corde, éthique du lien matrimonial : du charro à l'escaramuza ; Un morceau de féminité ; Choix d'animaux, choix de conjoints et hiérarchies sociales ; Le jaripeo, " walk on the wild side " ; Entre charreada et rodéo nord-américain ; La fusion des pôles ; Nier la race, ou le sort des bâtards ; Reproduire l'un avec L'autre : Les caprices indigènes de la raison créoLe. II les avatars de l'homme monté et de l'homme attaché. Le carnavaL et L'univers des anciennes haciendas ; Variations sur le mariage ; Charros et toreros de carnaval, ou les tensions du dedans et du dehors ; De la guerre à l'alliance ; Taureaux et saints, gringos et indiens : Le duaLisme aujourd'hui ; Système de rotation des charges festives entre les quartiers de San Juan Ixtenco ; La division du travail dans les mayordomías ; Inversion et principe de rivalité ; Les surprises de l'histoire locale, ou la relativité de la " tradition otomi " ; La cosmogonie otomi régénérée par une route à grande circulation ; Un changement en quête de permanence ; Quand le " quartier des riches " et son torito renouvellent la tradition ; Émigration et variations saisonnières chez les Otomi ; Du taureau au dindon ; Des oiseaux et des cordes. III Les conditions matérielles et imaginaires d'une adoption. AnimaL de rente, animaL de loisir ; De la monte de l'homme par l'homme et par les animaux ; La chasse-capture : une voie de l'élevage méso-américain ; Aux origines d'un spectacle du travail ; La domestication du chien sacré contre la race ; L'attachement du chevaL et du taureau par Le cerf ; Le cerf, parangon du dualisme et du pouvoir de transformation ; Les cornes comme opérateur sémantique ; De la dualité du cerf à celle de la corde ; La corde d'ixtle, des temps préhispaniques à nos jours ; L'origine de L'univers équestre mexicain ; Le mythe historique de la Conquête ; Du cheval au bateau ; Le démiurge omnipotent ; Qui mange quoi ? Qui mange qui ? L'Indien Cortés ; Cortés-Malinche et les exploits de la femme à cheval ; Le moine, le guerrier, l'éleveur et leur double féminin. ÉpiLogue. Le mexique et les autres ; La monte, vecteur de la transformation ; Du sacrifice humain aux jeux de l'arène : transformer l'altérité en identité ; Perspectives panaméricaines.
Pourquoi les Américains jouent-ils à monter des taureaux furieux dans les rodéos ? Pourquoi cette technique spectaculaire, initiée et expérimentée par les vachers mexicains, est-elle devenue emblématique du cowboy et de l'impérialisme étasunien ? Que doit ce dernier à son voisin du sud, qu'il maintient par ailleurs dans une relation de dépendance économique et politique ? Et quelles sont les influences respectives de l'indigène et de l'homme blanc dans cette étonnante subversion de la tauromachie espagnole et de ses codes ?C'est en situant les choses dans leur contexte d'origine - le Mexique, laboratoire américain du métissage, de l'élevage extensif du boeuf et du cheval hispaniques - et en évitant l'argument essentialiste du " pur indien ", que Frédéric Saumade se propose de répondre à ces questions. L'auteur étudie l'ethnographie des types mexicains de jeu d'arène, auxquels il associe une danse parodique - le torito - présente dans le rituel festif de nombreux villages et communautés. Son observation de terrain est approfondie par une perspective historique : le rôle du cheval et du boeuf dans la conquête et la colonisation espagnole est abordé, mais aussi une archéologie des techniques, du rituel et des représentations animales pré-hispaniques qui révèle les étonnantes prédispositions des Méso-Américains à faire face à l'histoire moderne en intégrant dans leur propre univers les deux animaux impérialistes, et avec eux le métissage lui-même.La monte ludique du taureau, qui confond en un même mouvement cheval et boeuf, équitation et corrida, et plus généralement les catégories de la raison hispanique, est le résultat de ce tour de force de la " culture des faibles " dont les effets se sont prolongés à travers tout le continent américain, en particulier dans le très médiatique spectacle de rodéo. Au-delà du caractère exotique de l'étude de cas, Maçatl offre une réflexion générale sur les ressorts de l'impérialisme et de la diffusion des savoirs, où sont mises en valeur les capacités dynamiques des sociétés qui reçoivent l'innovation et la transforment à leur image.