Bien avant le théâtre de l'" après Auschwitz " et le plateau ultraviolent du XXIe siècle, meurtres, viols, tortures et autres inhumanités envahissent les répertoires dramatiques des scènes européennes de la première modernité et saisissent d'effroi les spectateurs des théâtres français, espagnols et élisabéthains. Dans le contexte des guerres de religion, cette irruption de la violence, que donnent à voir les dramaturges de l'après 1590 propose une forme de sidération face à des situations tantôt narrées par des personnages, comme dans le théâtre sénéquéen, tantôt représentées sur la scène. L'image joue un rôle prépondérant dans l'écriture de la sidération mais aussi dans sa réception par l'expérience de la représentation théâtrale ou de la lecture. Quelle est la postérité de ce " théâtre de la sidération "? Les travaux réunis ici se situent dans le sillage des recherches menées par Christian Biet autour de cette " sidération des sensations " que les spectacles sanglants du théâtre contemporain ont héritée des scènes de la première modernité. Huit spécialistes des littératures anglaise, française et espagnole du XVIIe siècle sondent les ressorts esthétiques et psychologiques de ce théâtre du faire-retour dans une perspective à la fois comparatiste et diachronique, avec le contrepoint de dramaturges de la scène contemporaine.
En exhumant un texte difficilement accessible, L'Oncle curé de Victorine Miller, créé au Théâtre du Parc à Bruxelles en clôture de la saison 1913-1914, la présente édition espère lui donner la destinée du Mariage de Mademoiselle Beulemans, succès retentissant de la même décennie. Les deux comédies ont été interprétées notamment par Ambreville et Nélès connus pour maîtriser à la perfection la zwanze. Notre édition retrace à cette occasion les carrières de ces deux comédiens bruxellois, permettant, grâce à des documents d'archives inédits, de compléter les données sur Ambreville et de découvrir celles sur Nélès, les arrachant à l'oubli dans lequel la postérité tient souvent les acteurs comiques.
Théâtre et société : réseaux de sociabilité et représentations de la société
Le théâtre de société correspond à une pratique théâtrale particulière, caractérisée entre autres par l'amateurisme de ses participants. Sociabilité, partage et connivence y sont à l'honneur entre membres de groupes réunis par la passion du théâtre. Entre les scènes montées chez des particuliers et les scènes institutionnelles, entre les "petites sociétés" et la société civile, se tisse une trame complexe de réseaux sociaux, de jeux de pouvoir et de regards critiques. Que disent du monde ces théâtres de société? À quels besoins répondent-ils?Avec pour cadre celui de l'Europe francophone du "long XVIIIe siècle", ce volume se propose de répondre à ces questions en éclairant le phénomène sous des jours variés allant de la microsociologie à l'esthétique des spectacles, avec une attention portée aux carrières féminines, aux valeurs identitaires et politiques assumées par les pièces, aux représentations de types sociaux ou encore aux mises en abyme métathéâtrales de pratiques spectaculaires.Son but est de mettre en lumière l'importance du théâtre de société dans la formation des réseaux de sociabilité et des représentations culturelles.
En 1793, quelques Allemands décident de soutenir avec enthousiasme la Révolution française et tentent de fonder sur leur sol une République. Mais de l'idéal à la pratique, les embûches se multiplient et l'expérience avorte. À la fin des années 1920, Stefan Zweig met en scène cet échec à travers une figure méconnue de l'histoire allemande, Adam Lux. Celui-ci affronte Marat et Robespierre, puis, écœuré par les excès de la Révolution, finit par se rallier à Charlotte Corday.À une époque où la révolution russe suscite de multiples interrogations, Zweig, auteur de biographies sur Marie-Antoinette et Fouché, propose ici une présentation singulière et originale de la Révolution commencée en 1789. Du rêve d'union franco-allemand à l'espoir d'un monde libéré des différentes oppressions en passant par les excès de la "Terreur", le célèbre écrivain suggère une réflexion sur les espoirs et désillusions que suscite une révolution.
Interrogeant l'articulation entre sexe, genre et sexualité, faisant la critique des processus de normalisation et d'exclusion, le queer a par excellence partie liée avec la scène. Par des études des scènes française, espagnole, latino américaine, des entretiens d'artistes tel Steven Cohen, et un Manifeste pour une lesbianisation du théâtre (Mag De Santo), le dossier central offre un parcours riche des formes scéniques contemporaines renouvelées. Le Cahier de la création médiatise la naissance d'Aux corps prochains de Denis Guénoun et s'ouvre à la dramaturgie de Zeca Ligiero. Les entretiens du Cahier des spectacles reviennent sur l'édition des œuvres dramatiques de Dumas et sur Les Idoles de Christophe Honoré.
Augusto Roa Bastos est né en 1917 au Paraguay et y décède en 2005. Il publie toute son œuvre en exil. Yo el Supremo / Moi, le Suprême (roman de la dictature) est son œuvre la plus connue (1974, Buenos Aires). De 1976 à 1996, Roa Bastos vit à Toulouse. Il reçoit le Prix Cervantès, la plus haute distinction littéraire en langue espagnole, en 1989. La première version de la pièce de théâtre Moi, le Suprême, variation de son roman de la dictature, est de 1991. En 1998, l'auteur la remanie et c'est cette œuvre totalement inédite en France qui fait l'objet de cette édition annotée. Le livret de la pièce jouée à Asunción en 1991 constitue un véritable exemple d'écriture de plateau, élaborée par Gloria Muñoz Yegros et Agustín Nuñez, au fur et à mesure que la mise en scène se définissait. Il est également ici mis à disposition du public français.
Histoire d'une résistance politique, culturelle et esthétique sous le franquisme tardif
Le Nouveau théâtre espagnol est apparu dans le panorama scénique espagnol à la fin des années 1960, alors que le régime franquiste commençait à montrer ses premiers signes d'agonie. Ce courant dramatique contemporain du réalisme social ne constitue pas une école définie mais se compose d'une diversité d'auteurs alors jeunes et inconnus, présentant des similitudes dans leur production, fruits d'une époque particulière. Par la mise en regard de 168 pièces – dont de nombreuses toujours inédites à ce jour –, cette étude fait revivre ce courant dramatique et scénique qui s'est développé en Espagne pendant le franquisme tardif et le début de la Transition (1967-1978), un mouvement artistiquement expérimental, culturellement anticonformiste, esthétiquement anti-conventionnel et politiquement antifranquiste. Elle met en lumière des oeuvres méconnues – voire inconnues – qui furent marginalisées de la scène en leur temps et apporte un éclairage sur le concept alors novateur du Nouveau théâtre espagnol, sur ses caractères stylistiques définitoires, ainsi que sur sa diffusion minoritaire liée à son contexte socio-culturel et politique – notamment à la censure, particulièrement sévère à l'encontre de ce théâtre critique.
Langue, réécriture et traduction dans le théâtre d'Aimé Césaire
Les Éclats de la traduction est une lecture du théâtre d'Aimé Césaire au prisme de la fluidité textuelle, à travers une analyse de la révision, de la réécriture et de la traduction des pièces de l'auteur martiniquais. Après une présentation détaillée de l'œuvre théâtrale de Césaire, qui tient compte de toutes les versions publiées et inédites de ces textes, en français, anglais, allemand, espagnol, italien et créole, et avec un intérêt particulier au rôle que les langues jouent dans cette œuvre, l'essai montre l'importance de la collaboration directe de Césaire avec des traducteurs et des metteurs en scène et l'influence de la traduction dans l'évolution et la réception des textes littéraires. Cela ouvre à une vision plurielle et instable de tout texte littéraire, ainsi qu'à une vision de la littérature en tant que système en évolution constante, basé sur la variation, la révision et la fluidité, plutôt que sur l'origine et l'originalité.
Comment écrit-on pour le théâtre? Ou, plus précisément, comment le texte de théâtre investit-il l'espace de la page? Comment se dispose-t-il sur le papier? Quelle forme emprunte-t-il?L'objectif de ce volume collectif est d'étudier la question de la disposition du texte dramatique sur un large empan, de la fin du XIXe siècle à aujourd'hui, dans ses multiples enjeux. Cette perspective paraît essentielle pour aborder une période extraordinairement riche du théâtre. En dépassant à ses débuts la traditionnelle opposition du vers et de la prose, elle a permis de définir de nouveaux horizons d'écriture – et donc de lecture et de représentation. Actuellement, comme en écho, on ne compte plus les exemples d'auteurs dramatiques qui exploitent, dans l'édition de leurs œuvres, les possibilités typographiques disponibles avec la généralisation des traitements de texte.Le volume, principalement composé d'études monographiques centrées sur des exemples français, propose un parcours problématisé sur cette riche matière jusque-là peu explorée.
Comme chaque année, les Éditions Universitaires d'Avignon publient une sélection des Leçons du précédant Festival. Cet été sont publiées celles de Julien Gosselin, Thomas Jolly et Madeleine Louarn. Parmi les autres Leçons: Alain Badiou, Edward Bond, Emma Dante, Gérard Gelas, Jacques Lassalle, Angélica Liddell, Marie-José Malis, Wajdi Mouawad, Tiago Rodrigues, Christian Schiaretti, Max Von Sydow...Dans cette seconde Leçon de Madeleine Louarn publiée par les EUA, le propos se centre sur les corps, avec un regard appuyé sur le handicap. À l'opposé de toute idée d'arthérapie, l'acteur souffrant de handicap ouvre des perspectives uniques. Les années de présidence du SYNDEAC, le travail sur Kafka renforcent une démarche valorisant le collectif.
@page { margin: 2cm }p { margin-bottom: 0.21cm; so-language: zxx }Julien Gosselin, jeune metteur en scène de 32 ans, est invité régulièrement au Festival d'Avignon: Les Particules élémentaires en 2013, 2666 en 2016 puis Joueurs | Mao II | Les Noms en 2018.En publiant une deuxième Leçon de l'université, après Fracas et poétique du théâtre en 2017, les Éditions Universitaires d'Avignon permettent , chose rare, de suivre l'évolution d'un artiste qui continue à construire son positionnement esthétique.De nouveaux thèmes apparaissent, de nouvelles influences, d'autres s'approfondissent. Grâce à ce livre il devient possible d'approcher les motivations et les doutes d'un créateur qui connaît déjà le succès et qui, en même temps, réserve de nombreuses surprises.
" La cité, ce sont les hommes ": toute la tragédie d'Œdipe pourrait s'interpréter dans ces paroles emblématiques prêtées par Thucydide à Nicias. Œdipe menant son enquête sur la mort de Laïos n'a d'abord pas voulu comprendre que c'est dans la continuité de la parole échangée, dans les échanges qu'énonce la langue, que les hommes construisent à la fois la cité et leur propre identité.Œdipe l'errant, le Thébain non thébain, le citoyen non-citoyen, n'offre pas au début d'Œdipe roi – ou plutôt Œdipe le tyran – l'image qu'on lui a longtemps accolée du bon roi plaçant toute son intelligence dans la recherche du salut de son peuple.Bien plutôt, la pièce s'ouvre sur le spectacle terrifiant de l'homme qui croit, dans un délire ipséiste, maîtriser à lui seul les mots au cœur desquels gît la vérité de la cité, lui qui énonce le contraire de ce qu'il croit dire, entend le contraire de ce qu'on lui dit. Il lui faudra s'astreindre à écouter, aller à la rencontre des mots de la cité – carrefour plus fatal que celui où il tua son père – pour apprendre – dans un drama collectif entraînant le poète, le chœur et les spectateurs –, ce que parler veut dire. Si la tragédie sophocléenne est apprentissage, Œdipe roi est bien la tragédie de la langue.