Comment envisager les effets subjectifs et corporels produits par le sexisme et le racisme? En quoi les catégories de race et de genre organisent-elles l'expérience ordinaire – y compris dans ses dimensions non réflexives, affectives ou intimes – et dans quelle mesure configurent-elles le rapport au monde, aux autres et à soi? Quelles implications normatives et politiques sont mises au jour dès lors que les rapports de race et de genre sont envisagés, non comme des événements ponctuels dont la violence serait paroxystique, mais comme des structures de l'expérience quotidienne ou banale?En élucidant l'expérience vécue des rapports de race et de genre depuis le point de vue des personnes concernées, la phénoménologie critique s'affirme depuis plusieurs années comme un renouvellement radical des problématiques qui guident la philosophie politique et sociale. Elle prend appui sur les travaux fondateurs de Simone de Beauvoir et de Frantz Fanon, pour proposer une relecture du canon phénoménologique – ses modes de description, ses objets, méthodes et concepts – et envisager les déplacements que les expériences minoritaires induisent.Elle redéfinit ainsi les outils de l'épistémologie sociale en comprenant les rapports sociaux de genre et de race au prisme des expériences qu'ils constituent: la manière dont ils configurent les corps et subjectivités, orientent le rapport au monde et aux autres ou modèlent la perception. Par un double diagnostic – la race et le genre produisent des effets réels et matériels dans l'expérience vécue, mais cette réalité n'implique aucun fondement nécessaire – la phénoménologie critique articule transformation sociale et transformation de soi en dessinant d'autres expériences politiques possibles.Alors que la phénoménologie critique est encore peu connue en France, cet ouvrage collectif témoigne de la fécondité d'une telle approche, tout en reconnaissant la pluralité des démarches qui s'en revendiquent. Il réunit des travaux de philosophes pour interroger la transformation de la phénoménologie par la critique sociale, les dimensions politiques de l'expérience personnelle, et les possibilités de faire de l'expérience de la domination la matière même de sa transformation.CONTRIBUTIONS DEMarion Bernard, Magali Bessone, Alexandre Féron, Camille Froidevaux-Metterie, Marie Garrau, Mona Gérardin-Laverge, Johanna Oksala, Mickaëlle Provost, Matthieu Renault
Une contribution à l'histoire de la phénoménologie
En quoi l'horizon est-il un concept central de la phénoménologie husserlienne? Si elle n'est pas neuve, cette thèse n'a, chez les commentateurs successifs, cependant pas encore reçu de véritable justification. Ce livre veut montrer qu'elle ne la recevra qu'en embrassant simultanément le problème de l'horizon et celui de la phénoménologie husserlienne comme telle. Car comment justifiera-t-on la centralité d'une notion dans une philosophie, sans déterminer le centre d'une telle philosophie – centre à partir duquel seulement on peut fixer de façon motivée l'importance de cette notion? Et comment apprécier le sens et la fonction de l'horizon dans la phénoménologie de Husserl sans avoir défini le principe de cette dernière? L'horizon comme problème ne peut donc être déterminé que dans le cadre d'une entreprise phénoménologique dûment définie. En retour, on verra comment l'histoire de ce concept contribue à porter un regard neuf sur l'histoire de la phénoménologie husserlienne elle-même.
Cet ouvrage s'inscrit dans la continuité des réflexions de l'auteure sur la sémiotique de la perception et la communication du sensible. S'appuyant sur les propositions formulées en phénoménologie, en design sonore et en sémiotique, cette étude se structure en trois axes qui tracent le parcours du sens sonore, de la perception des sons à leur conceptualisation, en passant par leur mise en discours.Les sons étudiés se distinguent des objets musicaux. Il s'agit des sons du quotidien isolés en écoute réduite ou intégrés au sein de paysages sonores naturels ou construits par une activité de design.Objets sensibles parmi les plus invasifs, les sons s'avèrent pourtant les moins familiers pour la culture occidentale. Ils soulèvent de nombreux problèmes communicationnels, essentiellement liés à la pauvreté du lexique ordinaire et à un manque de connaissance du sonore. Communiquer sur les sons, ce n'est pas se référer à ce qui les origine ni aux effets qu'ils produisent sur le sujet mais les décrire pour ce qu'ils sont.Ancré dans la tradition structuraliste, ce travail montre ainsi comment les phénomènes sonores se configurent en structures signifiantes dotées de propriétés à partir desquelles il est possible de proposer de nouvelles pistes de conceptualisation et de catégorisation des phénomènes sonores.
Une présentation du débat entre Thomas Henry Huxley et William James
Nous croyons que notre esprit dirige notre corps, et par là même nos choix et notre destin. Mais si on en croit les épiphénoménistes, qui défendent la thèse de l'inefficacité causale de l'esprit, tout cela pourrait s'avérer n'être qu'une douce illusion. Le scientifique Thomas Huxley a popularisé cette thèse au XIXe siècle, prenant appui sur les sciences du cerveau. Depuis, l'épiphénoménisme est resté une thèse sulfureuse, mais incontournable en philosophie de l'esprit.Ce volume permet, pour la première fois en français, de reconstituer l'origine du débat suscité par l'épiphénoménisme à partir du texte original de Huxley et de l'une de ses principales réponses. Huxley demande: dans un univers intégralement régi par des lois de causalité physico-chimiques, comment imaginer qu'un esprit invisible et immatériel pourrait agir sur la matière, c'est-à-dire sur notre cerveau? Chaque action volontaire devrait alors être considérée comme une rupture ou suspension temporaire de la loi de causalité matérielle. Ou alors, c'est le cerveau qui dirige notre corps, et les décisions qui y sont prises arrivent à notre conscience dans un second temps, accompagnées de l'illusion d'un choix. Cette option, résolument déterministe et difficilement acceptable pour tout un chacun, s'impose comme étant la seule compatible avec les lois de la nature.Le philosophe William James n'accepte pas cette définition de l'humain comme automate, pourvu d'une conscience réduite au rôle de spectateur. Il entreprend ainsi de répondre à Huxley et propose une autre thèse, avec une conscience résolument agissante tout au long de l'évolution.La querelle de l'épiphénoménisme propose la traduction et la présentation de ces deux textes pionniers, aux enjeux toujours actuels.
An exceptional collection of letters, postcards,original writings, and photographsThe First World Warwitnessed an unprecedented mobilization of philosophers: as soldiers at thefront, as public figures on the home front, as nurses in field hospitals; asmothers and wives, sons and fathers in wartime. In Germany, the war irrupted inthe midst of the rapid growth of Edmund Husserl's phenomenological movement –widely considered one of the most significant philosophical movements intwentieth century thought. Philosophersat the Front offers a documentary history of phenomenology in the FirstWorld War. Through an exceptional collection of primary source materials(letters, postcards, original writings, photographs) from the Husserl Archivesin Leuven, the Bayerische Staatsbibliothek, and the Archives of the Universityof Göttingen, the complex narratives of how the war affected the lives and thoughtof central figures in the phenomenological movement are charted. Key figuressuch as Edmund Husserl, his sons Wolfgang and Gerhart, Max Scheler, EdithStein, Adolf Reinach, Martin Heidegger, and others are included in thiscollection of materials.The volume includes reproductions of originalmaterial, as well as German transcription of all texts and their Englishtranslation.
Ce livre rassemble des articles que l'auteur a consacrés à la phénoménologie. Avec plusieurs autres textes publiés dans ses livres précédents, ils dessinent les linéaments d'une archéologiede la phénoménologie française.Si la phénoménologie a pu bouleverser la philosophie au vingtième siècle, c'est qu'elle est avant tout une méthode. Aussi, loin de se figer en un ensemble de thèses, s'est-elle développée dans une pluralité de directions et a-t-elle retourné vers, et parfois contre elle-même, sa réflexion critique. Les pensées analysées en témoignent, la phénoménologie française est en dialogue ouvert avec les grands systèmes philosophiques, mais aussi avec d'autres disciplines, parmi lesquelles prévalent peut-être l'esthétique et l'anthropologie. Aussi l'auteur s'est-il toujours, ici comme ailleurs, interdit de la refermer sur elle-même.La réception de l'héritage phénoménologique a été particulièrement féconde en France, où dans la brèche ouverte par Levinas, se sont déployées des pensées majeures telles que celles de Sartre et de Merleau-Ponty. Les essais réunis dans ce livre se présentent comme autant de lectures qui dégagent quelques-uns des moments qui ont prolongé ces grandes pensées: de Ricoeur et Thao à Derrida, de Dufrenne à Lyotard, de Granel à Janicaud. L'ouvrage laisse apparaître que les entreprises les plus audacieusement critiques à l'égard de la phénoménologie restent elles-mêmes, à des degrés divers, solidaires de l'héritage qu'elles ont reçu en partage.
Le pari de cet ouvrage est d'explorer les facettes multiples à travers lesquelles se donne le soi. Parler de soi plutôt que de moi implique une rupture franche avec les philosophies qui placent le sujet humain en position fondatrice. Le soi est moins une " chose " qu'un mode d'être ; le soi n'est pas une donnée mais une conquête dont le devenir est en partie indéterminé. C'est donc sous le signe des épreuves (authenticité, multiplicité…) qu'il faut penser les variations phénoménologiques et herméneutiques sur le soi. Si la philosophie reste la discipline dominante des réflexions qui parcourent les contributions du volume, l'originalité de cet ouvrage est d'offrir en même temps au lecteur d'autres variations (littéraires, historiques, sociologiques) par lesquelles se décline le soi.
Ce livre complète les analyses phénoménologiques des Horreurs du monde (2010, Éditions de la Maison des sciences de l'homme) qui concernait essentiellement l'univers " humain " sous son aspect affectif, esthétique et historique. Il s'agit ici de l'univers " naturel " envisagé sous l'aspect des transformations tant pratiques que théoriques que l'homme lui a fait subir. Sont considérées successivement, d'abord, l'humanisation comme devenir humain de la nature, dans la perspective d'une humanisation évolutive de la nature et de l'accès humain à la fonction symbolique; puis, l'humanisation technique de la nature, où les analyses métaphysiques de Bergson, ontologiques de Heidegger, sociales et économiques de Marx sont mises à contribution et évaluées; enfin, l'humanisation morale et juridique de la nature, est abordée en partant de la lecture par P.Tort de " l'effet réversif " de l'évolution attribué à la théorie morale de Darwin, pour en venir à l'éthique de la responsabilité humaine relative à l'environnement (H.Jonas) et au passage de l'humanisation morale à l'humanisation juridique de la nature dans les diverses théories " écologiques " qui font l'objet de nouvelles analyses critiques. L'hypothèse d'une interprétation unitaire et globale de ces trois dimensions de l'humanisation de la nature est proposée en conclusion.
Définie en 1848 comme science des milieux, la mésologie est née des travaux d'un disciple d'Auguste Comte, le médecin Charles Robin. Sous l'influence de la phénoménologie, elle a été refondée sur d'autres bases au xxe siècle par le naturaliste Jakob von Uexküll – précurseur de l'éthologie et de la biosémiotique – et par le philosophe Tetsurô Watsuji.Tous deux – Uexküll au niveau du vivant en général, Watsuji à celui de l'humain en particulier – introduisent un double principe: d'une part, dans sa relation à l'environnement, l'être n'est pas un objet, mais un sujet qui interprète activement l'environnement pour en élaborer son milieu propre; d'autre part, le milieu ne doit pas être confondu avec le donné brut de l'environnement. L'environnement fait l'objet de l'écologie, le milieu celui de la mésologie.Il y a urgence à réembrayer rationnellement l'existence humaine à l'environnement. À force de s'abstraire du monde-objet qu'il s'est donné par le dualisme, le sujet moderne en vient à risquer de se supprimer lui-même. Il a commencé à le faire en ravageant l'environnement qui fonde son propre milieu. Sans mésologie, notre glorieux Anthropocène pourrait bien être bref…
Le Phénomène et le sens. La phénoménologie comme science fondamentale et ses problèmes
Depuis quelques années l'oeuvre du philosophe russe Gustave Chpet est l'objet d'une réhabilitation et d'une reconnaissance internationale. Publié à Moscou en 1914 Le phénomène et le sens était destiné à présenter la phénoménologie husserlienne en
En retraçant, depuis les théories de Descartes et Spinoza, la généalogie des débats contemporains sur la nature et les causes premières des émotions, l'auteur élabore une théorie phénoménologique des vécus émotionnels dont le but consiste à dépasser l'alternative entre les théories somatiques, qui expliquent les émotions par leurs causes neurobiologiques, et les théories cognitives, qui les interprètent comme un type spécifique des évaluations que, du point de vue de nos attentes, nous faisons de notre situation.Au lieu de réduire les émotions à être des résultats de processus objectifs se produisant dans le cerveau et au lieu de les ranger parmi d'autres états mentaux, le présent ouvrage propose d'appréhender les émotions comme un type spécifique de conduites. Ainsi, les gestes ou les comportements ne sont pas des événements secondaires, succédant à une émotion qui les motive : ils font partie de l'émotion elle-même, de sorte que la fuite est constitutive de la peur comme l'agression de la colère.Tout en tenant compte des résultats empiriques obtenus aussi bien par les neurosciences que par les sciences cognitives, la Phénoménologie des émotions remet en question le cadre épistémologique dans lequel les théories actuelles s'affrontent et propose d'embrasser l'intentionnalité et l'incarnation des émotions dans un discours unifiant, qui exprime l'identité ontologique de l'esprit et du corps.
Selon Heidegger, la phénoménologie ne serait pas une école de pensée ni un mouvement philosophique, mais la pure possibilité de " répondre en son temps à ce qui est à penser ". Pourquoi s'occuperait-on dès lors de l'histoire des diverses doctrines qui en revendiquent le titre ?Mais peut-on parler de " la " phénoménologie ? Plutôt que de présupposer une telle identité, on s'attache ici à une reconstruction possible de l'homonymie des phénoménologies, en prêtant attention à l'incessant remaniement de la logique qu'elles opèrent en relation avec la question du langage. Ce qui se trame alors sous le double nom de " phénoménologie " et de " grammaire ", c'est l'histoire d'un motif qui, de Lambert à Husserl en passant par Kant, Hegel et Brentano, hante la philosophie moderne jusque dans ses " déconstructions ".S'ouvre ainsi la possibilité d'une lecture de la Recherche que Husserl consacre à " l'idée de grammaire pure logique ", attentive à la synonymie des diverses grammaires philosophiques qui traversent l'histoire. On suit alors un chemin indiqué par Platon et Aristote, qui conduit des Alexandrins à Frege, des grammaires spéculatives à Peirce, de Port-Royal à Russell. Non que la question grammaticale ait le même sens, se réfère à la même chose, prétende à la même vérité dans chacune de ces formes de pensée, mais parce que la question de la grammaire renvoie toujours à cette autre : à quelles conditions le sens, la référence et la vérité sont-ils possibles ?