Au premier plan de l'actualité nationale, les sept millions de Kikuyu, principal groupe bantou du Kenya, sont connus depuis l'insurrection mau-mau de 1952 qui aboutit en 1963 à l'indépendance de cette ancienne colonie britannique. Près d'un demi-siècle plus tard, Michel Adam fait une incursion dans l'intimité de l'obscur chez les habitants paisibles de la circonscription d'Othaya, au pied du célèbre mont Kenya. Évoquant la mémoire toujours vivante d'un passé récent, l'auteur s'attache à décrire les transformations de la modernité : des rituels qui s'effacent, un patrimoine festif dissous dans les antiennes des nouvelles Églises, les tressaillements des conflits sociaux contemporains. Mais il laisse avant tout la parole à la nuit : l'amour et les contes, la chasse et la collecte du miel, les fantômes et les sorciers. L'aube et le crépuscule sont de faibles frontières entre soleil et lune qui se livrent un éternel combat. Accompagné par les illustrations de l'auteur, et guidé par un texte qui fourmille de notes précises et passionnantes, le lecteur voit la gazelle dik-dik, écoute l'engoulevent au crépuscule, sent le parfum des fleurs mellifères, goûte la garbure et (comme le disent les Kikuyu dans leur langue) " caresse les vaches " (guthathaya). Tout est dit avec la discrétion qui nous permet d'écouter chuchotements, non-dits et silence de cet " autre monde ".
Cet ouvrage consacré à la partie méridionale de Madagascar se veut novateur et adapté à la demande simultanée de différents types de lecteurs: résidents, opérateurs économiques et environnementaux, voyageurs, étudiants, érudits ou simples curieux. Il s'agit d'une encyclopédie à classement alphabétique où apparaissent des termes en français, d'autres en langue malgache, sans parler de nombreux noms propres, principalement des toponymes. Aux plus de 2 200 entrées alphabétiques s'ajoute une abondante illustration: plus d'une centaine de figures couleur réalisées par l'auteur lui-même et de nombreuses photographies. Cette synthèse rédigée sur plusieurs années repose à la fois sur une excellente connaissance du terrain et l'exploitation de nombreuses publications scientifiques: environ 350 références bibliographiques. Le pari est fait ici que l'on puisse intéresser un grand nombre de lecteurs à un " bout-du-monde " pauvre et peu connu. La composante naturelle tropicale y est en effet d'une extrême richesse. Y survivent de vieilles civilisations rurales menacées par la mondialisation. Il y a donc là une façon nouvelle de faire de la géographie régionale et, en vulgarisant une grande masse de connaissances, de travailler au développement. Cette encyclopédie a été conçue par un spécialiste de géographie. Une large place y est donc accordée à la connaissance des paysages, des territoires et des lieux, sous l'éclairage de diverses autres disciplines: l'histoire coloniale et précoloniale avec les personnages qui les ont marquées, l'anthropologie, les sciences de la terre et de la vie. L'environnement naturel et sa gestion tiennent une place de premier plan, de même que tout ce qui est révélateur de la vie au quotidien.
Mais ils ont rarement adopté explicitement un cadre d'analyse en histoire environnementale, attentif à articuler l'étude des contraintes et des transformations de l'environnement avec celle, plus large, de la manière dont les sociétés s'approprient, façonnent et interprètent ce qui les entoure. Cette rematérialisation des dynamiques politiques, sociales et culturelles permet de revisiter l'histoire du continent africain.À ce titre, la place de l'Éthiopie est particulière car la colonisation européenne, qui a été la matrice de l'histoire environnementale de langue anglaise, n'a pas joué le même rôle que dans les autres pays. C'est une invitation à relativiser le moment colonial dans l'histoire environnementale de longue durée des sociétés africaines.Ce dossier, le premier de son genre, souhaite donc poser les jalons d'une histoire environnementale de l'Éthiopie qui est encore à construire, en s'appuyant sur une tradition savante attentive à la géographie et à l'histoire rurale, et sur quelques travaux pionniers plus récents. Les articles réunis ici, qu'ils viennent ou non d'historiens de l'environnement, interrogent donc tous un terrain à partir de l'environnement comme catégorie d'analyse. Du monde médiéval des seuils à l'invention contemporaine du patrimoine, se dessinent la diversité d'un territoire, des hauts plateaux chrétiens du Nord aux basses terres musulmanes de l'Est, mais aussi la continuité des rapports de pouvoir et de la violence qui se nouent autour de l'environnement.
Plusieurs points de vue sur les îles du Sud-ouest de l'océan Indien sont abordés. À côté d'une caractérisation des environnements écologiques et socio-économiques de la production piscicole continentale à Madagascar (Samuel Rakotoambinina, Damien Desprez, Gilbert David, Pierre Bosc Et Yannick Le Roux), Olivier Bensoussan pose la question du rôle de la mer (menace ou espoir de développement) à Mayotte. Yann Gérard étudie la transformation de la structure urbaine de Moroni et Mutsamudu (Comores). Trois articles méthodologiques suivent alors : Alexandre Magnan fait une approche comparative des systèmes insulaires, représentations pyramidales et soutenabilité des îles de l'océan Indien et des Petites Antilles, tandis que Émilie Mirault et Gilbert David étudient les fonctions et logiques d'interface des récifs coralliens sur le littoral de la Réunion, et que Gilbert David, Martine Antona, Aurélie Botta, William's Dare et Aurélie Thomassin présentent les résultats d'une recherche action au service de la gestion intégrée du littoral à la Réunion à partir de l'utilisation des données satellitaires.
Si le passé colonial est tout particulièrement le sujet de ces controverses, comme en témoignent les débats qui se déploient en Afrique du Sud, au Kenya, ou encore en Namibie, toutes les périodes de l'histoire des pays africains sont sujettes à des réappropriations destinées à légitimer les intérêts défendus. Articulant analyses des discours institutionnels et perspectives sur les productions oppositionnelles, les contributions appréhendent les opérations mémorielles comme des rapports de pouvoir qui concentrent des enjeux multiples. La question n'est donc pas de s'interroger sur le rapport entre mémoire et histoire, encore moins de vérifier l'exactitude historique des représentations qui sont proposées du passé, mais au contraire d'explorer la dimension politique des usages de la mémoire et des enjeux qui lui sont attachés. Les études sur les stratégies actuelles de légitimation de l'Etat révèlent qu'au-delà de la diversité de leurs modalités concrètes d'effectuation, un ensemble de procédés mémoriels sont repérables d'un pays à un autre.Le volume souligne la complémentarité entre oppression et valorisation mémorielle.
Dans les sociétés civiles des nations concernées, on assiste à une recomposition des affiliations tribales au sein de réseaux financiers, commerciaux, mutualistes et autres. Étudiant le vote tribal, les analystes constatent que les tribus font et défont les positions politiques. En appeler au tribalisme pour le condamner renouvelle les représentations d'un monde tribal qui s'oppose à l'État, à la modernité. Les stratégies de la mondialisation renouent avec " le grand jeu tribal " des empires coloniaux, source de conflits violents et fortement médiatisés, de la Somalie et du Soudan à l'Afghanistan et au Pakistan... Jusqu'à présent, pour construire leur modèle, les sciences sociales n'ont retenu qu'un trait exclusif de la tribu : le développement des rapports de parenté en fonction de la filiation unilinéaire. Les recherches de terrain présentées ici invitent à une relecture critique de " la tribu des anthropologues ". Elles soulignent la permanence de valeurs relevant non seulement de pratiques communautaires mais aussi du genre, de la compétition et de l'honneur, valeurs qui commandent les comportements tribalistes et qui s'observent aussi bien là où la tribu voit son rôle décliner que là où elle n'existe pas même institutionnellement.
Le mythe d'Aura Poku (Côte d'Ivoire) - Réforme des paroisses orthodoxes (Éthiopie) - La cosmologie igbo ppendant l'esclavage (Nigéria) - Diffusion de l'islam et enseignement (Burkina Faso)
Le Cahier d'Outre-Mer n° 245 est consacré aux Mascareignes, patronyme qui réunit les îles de la Réunion, de Maurice et de Rodrigues et a été coordonné par l'Institut de Géographie (J.M. Jauze) de l'Université de la Réunion.Le tourisme, l'aménagement et le développement local en sont les thèmes principaux, avec les articles ou notes de F. Folio (Réalités et singularités du tourisme réunionnais : entre utopie et motifs d'espoirs), de J.-M. Jauze (Integrated Resort Scheme (IRS) : nouveau souffle pour l'économie mauricienne ou enclaves dorées pour résidents fortunés ? ; Bel-Ombre (Maurice) : un village sucrier à l'ère du tourisme intégré), de C. Germanaz (Sur les pas de Jean Defos du Rau : Cilaos (1956 - 2008), de R. Cally (L'origine géographique, quel atout pour les produits de La Réunion ?), de T. Simon (Rodrigues " par les textes " : paysages écrits et perçus), de T. Simon et J.-C. Notter (Les " îlets " : enjeux pour un " archipel " au coeur de La Réunion) et de G. Baronce (Saint-Denis de La Réunion, l'éléphant urbain). Un Compte-rendu sur " L'île Maurice face à ses nouveaux défis " complète ce numéro.
Tourismes. La quête de soi par la pratique des autres
Depuis les Indépendances, le tourisme en Afrique a été appréhendé par les chercheurs tour à tour comme une forme de néo-colonialisme, un facteurde développement, comme destructeur des sociétés traditionnelles locales, puis comme facteur de paix et de rencontre entre les peuples. La figurenéo-coloniale du touriste blanc, riche et puissant, tant décriée par les chercheurs des années 1970, laisse de plus en plus la place à celle du touriste culturel, solidaire ou équitable, en quête de rencontre avec l'autre.La vingtaine de contributions réunies dans ce numéro visent à déplacer la réflexion d'une problématique trop souvent basée sur l'impact du tourisme enAfrique à un questionnement sur les imaginaires touristiques portés sur ce continent, sur la manière dont les acteurs locaux et les autorités publiques participent à leur création, se les approprient ou les contestent.
Ce numéro des Cahiers d'Outre-mer vient en complément du numéro 180 de la revue Études rurales (2008) sur " Cafés et caféiers : singularités et universalité d'une production mondialisée ", et veut mettre un point de suspension au projet entrepris depuis bientôt vingt ans par le groupe MOCA(Montagnes et Cafés) et dont l'objectif initial était, après la suppression de l'accord de l'Organisation Internationale du Café (OIC) en juillet 1989, d'analyser la façon dont les producteurs réagissaient à la libéralisation des filières, au caractère erratique de l'évolution des cours mondiaux et globalement à une crise profonde des systèmes de production et des systèmes d'encadrement. Cette crise n'est pas la première qu'ait connue le monde du café mais son extrême gravité a marqué durablement le secteur de la production familiale et ses conséquences structurelles sur le long terme restent encore largement à évaluer. Certes les situations sont très contrastées, d'un continent à l'autre en particulier, et sans doute la crise n'a fait que les accentuer : ainsi d'un côté, en Amérique latine comme le souligne ici Jean-Christian Tulet, la crise " n'a pas provoqué de situation réellement nouvelle ", alors que, d'un autre, l'Afrique, il semble bien qu'elle marque la fin des modèles colonial et néocolonial de développement.
Les interfaces sont apparues comme des lignes fluctuantes dans le temps et l'espace. Les dynamiques côtières, celles des écotones ou des vecteurs de maladies, celles qui président à la construction du fait urbain ressortissent de l'impermanence spatio-temporelle. D'irrémédiables ruptures ou de possibles cicatrisations. Les guerres et les catastrophes figurent parmi ces ruptures. Mais certains conflits, tels ceux de l'Afrique de l'Est, n'augurent pas de possibles résolutions durables. Des catastrophes naturelles peuvent aboutir à des mesures de relèvement et préventives efficientes, grâce à l'utilisation d'outils appropriés. Provenant de dissemblances exacerbées, atténuées ou aux formes nouvelles. Des contrastes socio-économiques entre des lieux géographiques au déterminisme physique s'estompent ou se modifient. C'est le cas dans les massifs d'Afrique de l'Est, dans la péninsule indochinoise et dans les petites îles tropicales. Les lieux touristiques sont des interfaces édifiées à partir de l'altérité. Elle y est émoussée, exploitée ou mise en scène. Sources de flux, d'échanges et de néo-constructions. Le franchissement légal ou non des frontières politiques, celui des barrières spécifiques (maladies), des hommes, des marchandises et des capitaux, naissent de l'interface. Les mécanismes, déclencheurs des migrations et leur nature, sont très divers. Ils trouvent leur source dans le contraste entre les entités en confrontation. Avec une édification en devenir. Objet de l'application de stratégies variées dans le temps et l'espace, l'interface est un système qui ne se fige pas. Le littoral en est l'un des exemples les plus probants. Les îles le sont aussi.