Mondes juifs en mouvement. Frontières, porosités, circulations
Des judaïcités laïques aux diverses ultra-orthodoxies, d'Istanbul à Buenos Aires, en passant par Jérusalem, New York, Paris ou Londres, les contributions réunies dans les "Mondes juifs en mouvement" explorent le rôle des multiples déclinaisons du judaïsme contemporain dans la production, la redéfinition ou la porosité des frontières spatiales et identitaires. L'étude des processus conjoints de brouillage et de réaffirmation de ces frontières entre les différents mondes juifs et leurs environnements éclaire les logiques de pluralisation, d'innovation et d'hybridation à l'oeuvre. L'effervescence de ces phénomènes pose enfin, dans des termes renouvelés, la très ancienne et vive question de l'unicité du fait juif. Dans les Varia de ce numéro, on trouve une comparaison méthodique des régimes de laïcité en Argentine et au Mexique, une enquête sur les processus de conversion dans les Églises chrétiennes de Chine aujourd'hui, et deux contributions à l'histoire de la circulation des reliques catholiques à l'époque moderne, l'une entre les églises missionnaires au Japon et l'Europe, l'autre au sein des Carmels de Lyon et Rouen.
Comment, face à la stigmatisation, une identité se constitue-t-elle? À travers le cas des marranes dans l'Espagne des XVIe-XVIIIe siècles, Natalia Muchnik montre que l'individu prend sens dans une unité sociale soudée par une mémoire et des pratiques partagées.Ces chrétiens, pour la plupart descendants des juifs convertis au xve siècle, accusés par l'Inquisition de judaïser en secret, ont développé une identité de groupe. Si la répression inquisitoriale et la clandestinité sont fondamentales pour sa cohésion, la société marrane a ses propres dynamiques. Fragilisée par sa diversité interne, sa mobilité spatiale et la labilité de ses pratiques religieuses, elle a multiplié signes et discours d'appartenance. Les codes qui caractérisent cette société secrète, l'hostilité au catholicisme ou les mythes de l'origine, sont autant d'éléments que le crypto-judaïsant mobilise et agence. Car plus que le contenu des rituels, c'est le processus de ritualisation extrême du quotidien qui forge la société marrane; le sacré semble partout.L'ouvrage, tel un kaléidoscope, multiplie les points de vue sur les modes d'affiliation. Le marrane dispose ainsi de plusieurs identités potentielles qu'il alterne selon les situations et les interlocuteurs. Plutôt qu'un déchirement entre deux religions, il révèle la fragmentation de soi et l'impossibilité de dissocier l'individu des rôles qu'il tient. Il témoigne, en somme, d'une pluralité inhérente à tout être humain et du caractère illusoire d'une identité homogène.
Filiations adoptives dans le judaïsme contemporain
L'adoption est au croisement des problématiques de la transmission familiale, de la mémoire, et de la religion. Que devient dans ce contexte la transmission matrilinéaire de la judéité ? Par quelles voies les parents adoptants introduisent des enfants non biologiques dans les canaux de la filiation et de la transmission mémorielle ou religieuse du judaïsme ? À partir de cas d'adoption dans des familles juives pratiquantes et non pratiquantes, en France et en Israël, l'auteur met en évidence les enjeux et les complexités autour de ce qu'est être ou devenir juif aujourd'hui, , rend compte du parcours de l'adoption et des questions qu'elle soulève aux divers acteurs : institutions religieuses, organismes d'adoption, travailleurs sociaux, enfants adoptés et parents adoptifs. Elle livre une analyse fine et sensible de la parenté en monde juif, décrit les différences des contextes juridique et légal des deux pays. Cette comparaison permet de comprendre comment dans deux contextes extrêmement différents du point de vue des rapports entre le politique et le religieux, travaille la définition de l'appartenance : qu'est-ce qu'être français, qu'est-ce qu'être israélien, qu'est-ce qu'être juif dans les deux configurations ?
Sans rien ignorer des spécificités de différentes aristocraties, anciennes et nouvelles, et des groupes qui les constituent, les très nombreux auteurs de l'ouvrage tentent plutôt de les confronter, de rechercher les caractères communs qui les soudent, les différences qui les séparent et, plus encore, les fondements de clivages souvent ambigus entre aristocrates et non-aristocrates. Leur ambition est tout à la fois de présenter des études de cas précises réalisées en France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Hongrie, Finlande et Suède, un état des lieux ainsi que des recherches sur les noblesses menées par historiens, anthropologues et sociologues et enfin de proposer une analyse critique et comparative des évolutions de ces noblesses. Quel est le poids du symbolique mais aussi des décrochements politiques dans les transformations : disparition, désagrégation et parfois recomposition des anciennes aristocraties et constitution de nouvelles aristocraties ? Comment appréhender le phénomène aristocratique dans son extension européenne ? Comment articuler étude des tensions entre appartenances contradictoire — nationale et européenne, nobiliaire et démocratique — dans lesquelles sont parfois enserrés les aristocrates, et analyse des modes de reproduction de ces groupes ? Ce sont quelques-unes des questions majeures abordées dans le livre.
"Qu'est-ce au juste qu'un écrivain juif aujourd'hui, comment, pour qui, et sur quoi doit-il écrire ?". Ainsi s'interrogent Philip Roth et bien d'autres auteurs juifs américains. Dans ses expressions les plus récentes et les plus réussies, la littérature juive américaine allie avec bonheur le scepticisme, l'ironie et l'audace des écritures les plus contemporaines avec un humanisme et une inquiétude théologique qui impriment au texte, à la lettre dans son sens le plus large, une puissance de vibration toute particulière. L'ouvrage porte sur sept écrivains (Saul Bellow, Bernard Malamud, Philip Roth, Cynthia Ozick, Grace Paley, Tillie Olsen, Henry Roth) dont la réflexion, qui s'exprime volontiers par le biais d'artistes fictionnels, s'inscrit dans un entre-deux imprévisible et fluctuant où l'identité et le sens doivent être sans cesse réinventés.
Les Lumières ont permis l'éclosion d'une société nouvelle, en modifiant profondément les rapports sociaux et les structures politiques. Si les loges et Grandes Loges se sont rarement impliquées de façon institutionnelle dans les révolutions, elles ont cependant offert à leurs membres un cadre privilégié, une structure à l'abri des regards des curieux, propice à l'échange d'idées et à la prise de parole, les incitant ainsi à prendre une part active à la vie de la cité. Justement parce qu'elles apparurent dans le sillage des Lumières, les loges attirèrent des hommes épris de progrès social et de tolérance religieuse. Pour traiter de l'engagement politique de la franc-maçonnerie à l'époque des Lumières, il fallait à la fois tenter une vision panoramique et braquer la caméra sur quelques personnalités marquantes, ainsi que sur certaines loges en particulier. Le lecteur est invité à parcourir le monde maçonnique, en passant par l'Angleterre, la France, l'Italie, la Belgique, la Suède, la Bavière, la Russie pour gagner les rives américaines du temps de Franklin et rejoindre le Saint Domingue de Toussaint l'Ouverture. Les thèses du complot, souvent évoquées, sont ici revisitées. Ni religion, ni politique ? On savait que la religion n'avait jamais laissé les francs-maçons indifférents, on soupçonnait qu'il en allait de même en politique. Nous en avons désormais la preuve.
Le volume accorde une grande place à la question des identités ethniques (nationales) au sein de l'espace public des sociétés démocratiques. Trois "situations" peuvent être mises en exergue. Dans l'histoire récente de la nation grecque "orthodoxe", les frontières de la communauté imaginée se construisent dans le rapport aux symboles. Les rituels funéraires sont un autre moment critique de la mise en scène des identités collectives. Les funérailles nationales en temps de guerre sont l'occasion de rendre hommage aux individus ordinaires transmués en héros nationaux. Le choix du lieu de l'inhumation dans les milieux de migrants constitue un moment de renégociation du lien ombilic avec la terre ancestrale. La conversion religieuse, autre rite de passage, s'accompagne d'un changement de vie lié à un cheminement individuel, mais elle est aussi le marqueur d'identité sociale, particulièrement au sein des religions communautaires ou ethniques. Le volume se referme sur un important bulletin bibliographique.
Les contributions d'historiens, de sociologues, de spécialistes de l'image et de représentants de sensibilités religieuses et philosophiques diverses retracent l'histoire et le présent de la laïcité, de la Révolution au 21e siècle, en France et en Limousin. Elles abordent les problèmes que cette histoire a rencontrés, les résultats auxquels elle est parvenue. Dans une partie prospective, l'ouvrage s'intéresse au devenir de la laïcité face à l'islam, à la construction européenne et à la mondialisation.
Fruit d'un dialogue entre littéraires et sociologues, le recueil prend également en compte la dimension psychologique, le plus souvent traumatique, de l'exil. Le déracinement, qu'il soit volontaire ou subi, peut provoquer une crise d'identité se traduisant par une altération dans la perception de l'espace, du temps, mais aussi des valeurs, du fait de l'interculturalité. À cela le vieillissement ajoute des difficultés intrinsèquement liées au sentiment d'irréversibilité, lequel aggrave de manière particulièrement douloureuse la distance, l'écart de soi à soi. Ainsi, "vieillir en exil, c'est vieillir deux fois". Le caractère dramatique, mais aussi la grande actualité de cette expérience complexe ont suscité ces regards croisés.
Histoire et iconographie des sociétés païennes et chrétiennes de l'Antiquité à nos jours. Mélanges en l'honneur de Françoise Thelamon
Quarante-quatre contributeurs rendent ici hommage à Françoise Thelamon, professeure d'histoire ancienne à l'université de Rouen. Les réflexions portent sur les thèmes qui ont toujours été au centre des recherches de cette enseignante : christianisme, sociabilités et lectures des images. Sont privilégiées les pratiques et les relations entre les hommes et leurs dieux dans différentes sociétés.
L'affaire Waldheim aura eu pour effet d'ouvrir le débat public en Autriche sur un passé auparavant vérouillé par la thèse du pays, première victime de l'Allemagne hitlérienne. Ce présent numéro apporte un complément à l'un des aspects les plus occultés, jusqu'à un passé récent, celui du sort des juifs dans l'histoire moderne et contemporaine de l'Autriche. Au sommaire : R. Thalmann, "Présentation" ; K. Lohrmann et J. Moser (pour la période 1890-1986), "Chronologie 1848-1986" ; K. Lohrmann, "Politische und Rechtliche Lege der Juden in Oesterreich, 1848-1890" ; J. Le Rider, "Nouvelles études sur les juifs de Vienne au tournant du siècle" ; D. Azuelos, "Schnitzler et la question juive" ; R. Julien, "Antijudaïsme et antisémitisme dans la presse de la Première République" ; S. Loewe, "Discrimination et exclusion : les universitaires juifs et l'année 1938" ; M. Cullin, "Antisémitisme et catholicisme en Autriche au 20e siècle" ; R. Beckermann, "La glorieuse Résistance autrichienne et l'oubli des juifs" ; W. Kissl et R. Wosak, "Schulbuch und Schulbuchdiskussion als Paradigma Politischer Kommunikation" ; G. Botz, "Le "pogrom" de mars et la "Nuit de cristal"".
Antijudaïsme et antisémitisme en Autriche du 17e au 20e siècle
L'ouvrage rassemble des contributions d'historiens, politologues, spécialistes de littérature et des religions qui interrogent le passé antijudaïque et antisémite de l'Autriche. Sont abordés l'antisémitisme à Vienne au 17e siècle, les stratégies d'exclusion des juifs au 18e, les débuts de l'antisémitisme politique en Galicie, les représentations de Budapest et de Vienne, celles de l'identité juive dans l'œuvre d'A. Schnitzler, de Theodor Herzl, les années de Hitler à Vienne, l'antisémitisme dans l'armée austro-hongroise, dans les histoires de la littérature, sous la Première et la Seconde Républiques, la politique antisémite du III° Reich dans l'Autriche rattachée.