ChatGPT, Perceptron, Claude, ELIZA, Midjourney… La liste des entités relevant des IA imbriquées à notre quotidien est de plus en plus longue. Ni humaines ni simples logiciels, celles-ci sont devenues des créatures complexes, parfois inquiétantes, qui modifient nos pratiques et nos perceptions du monde. Et s'il fallait en faire le bestiaire? En regarder la diversité des comportements comme les éthologues les animaux? Sur la base d'études empiriques et de contributions artistiques, ce numéro éclaire la dimension matérielle, conceptuelle et imaginaire de ces IA, tout en interrogeant les limites et les paradoxes de notre coexistence avec elles. Numéro coordonné par E. Grimaud, N. Nova et G. Chatonsky.
Avons-nous les bons outils pour appréhender ce qui nous déborde? Que faire quand nos repères à la fois géographiques et mentaux apparaissent bousculés? Tel est l'enjeu de ce numéro où l'on parle commerce transfrontalier, pétrole et marées noires, musique et territoires, numérique et réseaux sociaux, ultratrail, extraction géologique à même le corps et communs spatiaux. Ces phénomènes nous obligent à inventer d'autres manières d'enquêter, d'aller voir de plus prés ce qui nous échappe et d'autres façons de se représenter tout ce qui sort du cadre. Et si c'était justement lorsque des bornes ont été franchies que se dévoilent alors les vraies lignes de démarcation de nos mondes, celles qui les structurent autant que celles qui les fracturent?
Nuisances sonores, chimiques, particules fines, COV, ondes électromagnétiques, bruits de fond, réseaux telluriques, sables du désert...A l'heure du régime climatique, comment naissent et se cultivent d'autres formes de sensibilité? Jusqu'où peut-on faire varier nos seuils de perception?Avec ou sans technologie, comment arpenter les limites du phénoménal et se rendre sensible à de nouvelles composantes du monde?
La futurologie d'aujourd'hui est un grand bazar, nouant des liens complexes avec les sciences autant qu'avec la science-fiction. Lieu d'intenses spéculations, où se démontent toutes les prédictions attendues, on y dresse l'inventaire des possibles jusqu'à faire éclater le temps lui-même. À contre-courant des futurs imposés ou envisageables, ce numéro se pose la question: pourquoi les hypothèses folles ont-elles toujours plus de succès? Faut-il encore croire à l'astro-futurisme et à ses promesses de fuite dans l'Espace? Pourquoi les mauvais rêves de science-fiction persistent-ils? Peut-on vraiment imaginer ce qui n'a jamais eu lieu et avec quels dispositifs se préparer au grand vertige?
Et non sauvagerie du capitalisme ou capitalisme des sauvages. Ce numéro explore les altérités déroutantes produites par le capitalisme contemporain. Car la richesse n'est pas nécessairement vouée à être domestiquée pour accroître son rendement, mais peut être captée pour alimenter des formes de vie sociale différentes de la nôtre. Des Jivaros à la Chine, en passant le Tadjikistan, Dakar ou encore la Géorgie, on découvre les pratiques, les attentes, les désirs de grandeur et les contradictions de celles et ceux qui, aujourd'hui, bouleversent la logique du capital jusqu'à s'en plaindre. Il y a assurément d'autres mondes, mais ils sont dans celui-ci !
Si, en droit, la notion de complicité engage la conscience des conséquences de l'acte – qu'il demeure malaisé d'établir avec certitude – le jugement de complicité dans le reste du monde social, dans ce qui relève des opérations de jugement moral, ne s'arrête pas à de telles considérations. La complicité peut ainsi être invoquée en raison d'une position dans un rapport de production ou dans un appareil bureaucratique, d'une appartenance à une catégorie confessionnelle ou ethno-raciale, ou encore à un réseau de parenté. C'est la diversité des manières d'être complice ou accusé de complicité que ce dossier propose d'explorer. À travers une série de cas ethnographiques, allant des mondes sociaux de la criminalité jusqu'aux théâtres de guerre, il interroge les ressorts de la complicité, mode de responsabilité complexe qui s'étale de l'inaction jusqu'à l'engagement zélé.
Comment sonder l'infinie altérité de l'être ?Ce numéro examine la manière dont les troubles mentaux sont devenus, dans nos mondes contemporains, le lieu par excellence d'expérimentation et d'exploration de l'humain. On y rencontrera des neurologues idéalistes, des singes dépressifs, des poètes volubiles, des maquettes de ville verte et des investisseurs de data capitalism.On y partagera l'expérience si troublante des hallucinations, obsessions, délires, et autres désordres de l'esprit. On y apprendra, aussi, comment les traitements de la folie et les expériences qu'elle suscite irriguent les projets du monde de demain.
Les raisons qui poussent tant de gens, ici ou ailleurs, à nouer des relations privilégiées avec des non-humains, jusqu'à leur donner l'apparence de la plus parfaite félicité conjugale, restent encore mal comprises. Explorant une dimension peu étudiée du " rapport " aux objets — le rapport amoureux —, ce numéro décrypte les scénarios qui permettent aux humains d'avoir des liaisons avec toutes sortes de partenaires : squelette, orgue, arbre, voiture, chatbot ou bonhomme en massepain...Il interroge, ce faisant, les peurs ou interdits qui peuvent frapper ces amours irrégulières : en quoi sont-ils révélateurs des valeurs défendues par un collectif et de la façon dont il structure ses rapports au non-humain ?
Il y a un siècle, les organisations technocratiques suscitaient la peur en raison de leur froide efficacité et de l'intransigeance de leur rationalité. Aujourd'hui, ce sont leur monstruosité gargantuesque, leurs contradictions internes, leur inadaptation aux rythmes et aux formes de la vie contemporaine qui inquiètent. La bureaucratie, par sa force d'envoûtement, sa capacité à produire inlassablement plus de règles, tient du sublime. Pour le conjurer, ce hors-série graphique propose une nouvelle voie.
Les mythes de bandits morts ou vivants se répandent aujourd'hui de manière instantanée par le biais des médias numériques. Des épopées traditionnelles, des vidéos, des photos, des musiques, ou encore des applications et des jeux vidéo sont bricolés pour célébrer des bandits plus ou moins sociaux, mais aussi des gangsters, des révolutionnaires et des politiciens mafieux. Ces bricolages transculturels et in situ, effectués par une multitude de "scénaristes" – dont les protagonistes eux-mêmes –, participent d'une écriture nouvelle des mythes de bandits.Œuvrant dans des économies politiques violentes et instables, ils deviennent des modèles d'autorité toujours plus populaires et/ou des objets de culte, ils suscitent la peur, l'admiration, des fantasmes et certains leur prêtent des qualités extraordinaires, du charisme et parfois même des origines divines. Vivant dans la clandestinité ou élus démocratiquement, ces bandits sont à la fois qualifiés de Robin des Bois, de gangsters ou de mafiosi, et de "criminels" ou "terroristes". Ces figures contemporaines du bandit sont aussi largement mobilisées par des groupes politiques, des entreprises commerciales, ou encore des ONG environnementales. Malgré la prolifération de ces formes d'autorité, peu de travaux s'intéressent à l'écriture de ces mythes de bandits, à leurs temporalités et à leurs effets sur la production du pouvoir, de leur souveraineté et de leur légitimité.
Ce numéro entend proposer une plongée dans des diplomaties parallèles, en accordant la primauté, selon la ligne éditoriale de la revue, aux études de cas et à l'ethnographie. Les doctrines diplomatiques y seront interrogées à la lumière des pratiques concrètes des acteurs, en partant du principe que la diplomatie est d'abord un art de la communication. Qui assure la fonction de diplomate dans les sociétés qui n'en disposent pas traditionnellement? Quel rapport (délégation, incarnation, etc.) le lie au collectif au nom duquel il parle? Quelles procédures de traduction met-il en œuvre entre mondes langagiers, conceptuels et politiques hétérogènes? Qu'implique la multiplication des échelles désormais concernées par le jeu diplomatique? À quoi enfin la diplomatie s'oppose-t-elle? Dans l'optique de décoloniser cet art, une attention particulière sera portée à la diplomatie des vaincus. Ce sont en effet typiquement eux qui ont été contraints à la créativité au cours de l'histoire.
Censurer suppose une certaine idée de la liberté, de l'individu, de l'expression publique. Censurer suppose également des manières précises d'envisager des effets de la parole, du son ou de l'image. A rebours des débats sur les limites de la liberté d'expression, ce numéro explore les formes et les normes, souvent subtiles et parfois contre-intuitives, du silence contraint. De la censure d'État à la nécessité de taire le secret initiatique, entre les silences que l'on s'impose et ceux imposés aux autres, chaque censure produit des sujets, des relations et des résistances : que fait-on quand on fait taire ?