Cette cinquième livraison de Langues et Littératures du Monde Arabe s'ouvre sur une partie thématique traitant de la Risâladu Kitâb du grammairien arabe Sîbawayhi, présentée par D. E. Kouloughli. Le texte, qui fait ici l'objet de deux traductions différentes (D. E. Kouloughli, puis G. Bohas et M. Carter), est suivi des réflexions de plusieurs auteurs (G. Bohas et S. Diab-Durenton, puis J.-P. Guillaume) sur les termes musnad et musnad ilayhi. Viennent ensuite desarticles variés concernant la langue et la littérature. Deuxarticles sont consacrés au syriaque. Le premier (E. Aïm) traite des racines défectueuses dans cette langue en mettant l'accent sur l'alternance entre glides, plus précisément sur la mutation de w en y. Cette étude se situe dans le cadre théorique de la " Phonologie du charme et du gouvernement ". Le second (G. Bohas) discute de l'utilité du recours à l'hypothèse de la racine triconsonantique dans la morphologie et la phonologie du syriaque,puis recense les problèmes qu'a soulevés l'usage de la racine dans les approches qui ont utilisé ce concept : grammaires orientalistes, études linguistiques modernes. Dans le domaine de la littérature, les deux contributions touchent à la littérature populaire. Celle de K. Zakharia concerne un personnage secondaire du Roman de Baybars, Sa'd, qui semble prendre la place de 'Uthman comme gaffeurmoteur du récit. Celle de F. Guinle est consacrée à l'un des principaux protagonistes du Roman : Shîha, le Maître desRuses, sous l'aspect de la stratégie narrative du double et de la substitution. Enfin, D. E. Kouloughli publie le premier article de sasérie consacrée à la constitution et à l'exploitation des corpus linguistiques en langue arabe.
Etudes de linguistiques sémitique (syriaque, hébreu, arabe)
Ce numéro poursuit son exploration de la littérature arabe populaire et ouvre un nouveau champ d'étude relatif aux corpus. J.-C. Moreau, abordant les formes pronominales en syriaque, introduit aux méthodes de raisonnement en usage chez les linguistes orientalistes de la fin du 19e et du début du 20e siècle. G. Bohas traduit et commente le passage de la grande grammaire de Bar Zu'bî consacré aux accidents du verbe. Il s'agit de montrer comment une grammaire qui se situe dans le cadre de la Technê, donc élaborée pour rendre compte des faits du grec, parvient à décrire les données et à en tirer des généralisations dans une langue sémitique. Trois études concernent la théorie des matrices et des étymons. M. Dat, traitant des icônes auditives en hébreu biblique, montre que nombre de lexies, a priori arbitraires, peuvent être connectées à une structure invariante, formelle et notionnelle, motivée et mimophonique. L. Khatef, abordant le statut de la troisième radicale qui peut, en l'état actuel de la théorie, être d'origine épenthétique ou résulter d'un croisement d'étymons, argumente en faveur du croisement et en donne une description formelle et sémantique. A. Saguer, étudiant un invariant notionnel très riche, la " traction ", montre que l'arabe et le français le structurent de manière analogue et ont recours à des ressources sémantiques identiques. Ce numéro annonce en outre une série d'articles de D. E. Kouloughli consacrés à la constitution et à l'exploitation des corpus linguistiques en langue arabe. Enfin, dans le dernier article, consacré au Roman de Baybars, K. Zakharia étudie les profils, rôles et fonctions des personnages féminins dans les trois premiers volumes édités de la version de Damas.
Si ces deux premiers numéros donnent une assez bonne idée de la variété des thèmes et problématiques de recherche en linguistique arabe et sémitique, ils sont loin de représenter l'ensemble du champ que notre laboratoire ambitionne de couvrir : bien d'autres familles et groupes linguistiques que le sémitique sont représentés dans l'immense aire du monde arabe. En outre, les études littéraires n'étaient pas représentées dans les " Journées ". Or, une des ambitions du laboratoire est de vouloir remplacer la dichotomie traditionnelle entre " études linguistiques " et " études littéraires " par une pluralité de " sciences des textes " reposant, au-delà de la spécificité des interrogations et des programmes, sur un socle méthodologique commun. Aussi envisageons-nous, dans un proche avenir, de publier des numéros consacrés alternativement à la linguistique et à la littérature.
Par la multiplicité des domaines de recherche, la pluralité des méthodologies et la diversité des langues et variétés de langues étudiées, les contributions présentées à ces " Journées " correspondent parfaitement aux orientations et aux pratiques de recherche que le Centre d'étude des langues et littératures du monde arabe (CELLMA) souhaite développer.