Associer rire et bêtise, c'est mettre en question la légitimité sociale de certains écarts propres à susciter le rire. Le qualificatif bête opère ainsi une mise à distance vis-à-vis des normes qui constituent tout à la fois l'intelligence et la bonne conduite. La bêtise non comique, celle qui fascine et effraye, se distingue aisément de la bêtise comique que les multiples stratégies satiriques permettent de conjurer en riant, avant qu'elle ne devienne dangereuse. Mais qu'en est-il du rire bête, qui constitue sans doute l'objet le plus original de ce numéro? Ne se résumant pas au rire vulgaire et grossier, il peut prendre la forme d'une adhésion sans réserve, pleine et entière à la bêtise, adhésion joyeuse dans laquelle fait retour, subrepticement, une fascination sidérante. Que se passe-t-il lorsque l'on rit bêtement, c'est-à-dire lorsque l'on rit tout en sachant très bien qu'on ne le devrait sans doute pas et que ce rire devrait être laissé aux enfants? Le rire bête abêtit-il? Le rire bête bêtifie-t-il? Autant d'enjeux propres à l'articulation entre rire et bêtise qu'abordent, chacun à sa manière, les différents articles qui composent ce numéro.
S'inspirant du rire " inconfortable " de Michel Foucault devant l'" Encyclopédie chinoise " de Borges, ce numéro revient sur la question éternelle de la taxinomie du rire. Sans viser à une énième définition de l'humour, il cherche plutôt à mettre en valeur la pluralité des approches, des appellations et des objets d'un phénomène qui traverse volontairement les champs disciplinaires. Reflet d'un intérêt croissant pour ce caractère interdisciplinaire, les études réunies ici abordent aussi bien des questions de méthodologie que des cas de figure concrets, en passant par une réflexion sur la place accordée au rire dans les différentes traditions philosophiques et littéraires. Si le rire de Foucault reflète une angoisse profonde face au caractère arbitraire des catégories du savoir, sa réaction souligne doublement l'intérêt d'explorer les catégories du comique et de l'humour.
Dans ce numéro, les diverses contributions mettent en évidence la portée sémantique et sociale du sujet, en s'interrogeant sur le sens du terme " populaire " : à travers l'étude de figures comiques (Bourvil, les Deschiens…), de lieux populaires (la rue, les tréteaux…) et de phénomènes de réception plurielle, le rire du pauvre est soumis à un questionnement qui témoigne des tensions à l'œuvre dans la caractérisation du rire quand celui-ci a pour agent des figures de déshérités, c'est-à-dire quand la détermination sociale des rieurs pousse à réfléchir à la signification politique. Du Moyen Âge à nos jours, de la scène à la radio, en passant par le dessin de presse et la littérature, il est question du rire du pauvre que l'on retrouve sous différentes formes par delà les frontières: ces analyses qui permettent de confronter l'alternance entre un " rire de ", un " rire contre " et un " rire avec ", nous interrogent, avec humour, sur notre propre rire.
Dans ce numéro quelques analyses apaisées de situations catastrophiques passées au filtre de l'humour. Approches graphiques, littéraires, cinématographiques y côtoient celles du one-man show et d'émissions télévisées. Le dessin de presse s'y exprime sur les attentats terroristes du 11 septembre comme sur les catastrophes naturelles et porte un regard distancié sur l'aide humanitaire internationale. Le discours d'un Coluche sur la famine ou la vision des Guignols de l'info sur la catastrophe de Fukushima dialoguent avec la parodie filmée d'actes terroristes tournés en ridicule. Les peintres et illustrateurs ne sont pas en reste qui de Zeimert à Ungerer renouvellent notre perception des désastres. La littérature enfin se moque autant de l'éruption de la Soufrière que de l'imminence d'une Apocalypse devenue presque joyeuse. Autant de voix amusées pour dire autrement les catastrophes.
Ce numéro entend explorer les multiples visages d'une production comique qui ne se réduit pas aux frontières du continent africain. L'humour y apparaît comme une composante à part entière d'un mode de vie né en Afrique, mais qui se prolonge aujourd'hui par certains aspects dans les pays de la diaspora noire et notamment en Europe. Il est étudié dans quelques oeuvres majeures de la production romanesque francophone la plus récente, mais aussi, à travers plusieurs exemples, au théâtre, dans la presse, au cinéma, jusque dans le langage de tous les jours et les rapports sociaux en général.
Qu'est-ce qui " passe " ou " ne passe pas ", lorsqu'une expression humoristique ou une situation comique est amenée à prendre une forme ou à rencontrer un public autre que dans son contexte de création ? Après avoir posé cette question à propos des traductions (Humoresques n°34), la revue la formule à nouveau dans son numéro 37, en examinant divers cas d'adaptations : au-delà du diagnostic de résistance ou de compréhension du comique ou de l'humour considéré, chaque article invite à examiner " ce qui se passe " dans le procédé de dialogue ou de transfert culturel. Il se pourrait alors que les spécificités du fait comique ou humoristique " original " ressortent plus nettement lorsqu'on le confronte aux transformations, échecs ou malentendus qu'entraîne son dépaysement.
Comme la poésie, l'humour semble mettre en œuvre des moyens expressifs et un système référentiel éminemment spécifiques, et pourrait en conséquence passer pour intraduisible ; or cette intuition est contredite par la pratique constante de la traduction des œuvres humoristiques, qui passent ainsi les barrières linguistiques et culturelles… Quelles difficultés la traduction de l'humour pose-t-elle ? Quelles solutions les traducteurs proposent-ils ? Quelles différences éventuelles de perception de l'humour par son récepteur la traduction draine-t-elle avec elle ? Cette sélection d'articles propose quelques réponses à ces questions, à travers des études de cas variées.
Le sketch et les formes apparentées ont connu ces dernières années une véritable explosion, voyant se multiplier les artistes, les thèmes et les styles. Cet art protéiforme peut‑il être cerné ? Comment avec des moyens minimalistes parvient‑il à une puissance comique qui déplace les foules ? Les articles réunis ici proposent une première exploration de ces questions, à travers des réflexions théoriques et des études de cas concernant principalement le domaine français, mais également l'Allemagne et les États‑Unis.
A travers des répertoires très différents se révèle un trait constant de l'humour musical au XXe siècle : qu'il soit simple ou complexe, savant ou enfantin, celui-ci est toujours ludique. S'il est parfois – et même souvent – porteur d'une dimension critique, l'humour est en même temps recherché et voulu pour lui-même, dans un refus du pathos et du contenu ou de l'expression : la forme pour la forme, le jeu pour le jeu, jusqu'à un non-sens jubilatoire. Si ce recueil n'a évidemment pas la prétention de fournir une théorie générale de l'humour musical, nous espérons que les études de cas très diverses qu'il rassemble permettront de cerner plus finement les mille nuances de l'humour en musique.
Le grotesque est une forme de comique extrêmement puissante et toujours spectaculaire. Le lien entre grotesque et spectacle est examiné ici dans les lieux et à travers les différents arts où celui-ci tend à se déployer. Un retour en force du grotesque qui s'accorde en particulier aux nouveaux médias comme aux exigences des sociétés modernes.