Éditorial
Hélène Martin, Françoise Messant, Marta Roca, Magdalena Rosende et Patricia Roux, " Le travail, outil d'émancipation des femmes ? ".
Grand angle
Elise Lemercier, " Travail professionnel et femmes migrantes : entre invisibilité, utilité sociale et émancipation " ;
Caroline Ibos, " Les "nounous" africaines et leurs employeurs : une grammaire du mépris social " ;
Irène Jonas, Djaouida Séhili, " Les nouvelles images d'Epinal : émancipation ou aliénation féminines ? " ;
Céline Bessière, " "Travailler à l'extérieur" : des implications ambivalentes pour les compagnes d'agriculteurs " ;
Elsa Galerand, Danièle Kergoat, " Le potentiel subversif du rapport des femmes au travail ".
Champ libre
Laetitia Carreras, " Travailleuses domestiques " sans papier " en Suisse " : comment s'en sortir, rester et résister ? " ;
Laetitia Dechaufour, " Introduction au féminisme postcolonial ".
Parcours
Magdalena Rosende, Patricia Roux, " De la sociologie du travail aux Etudes Genre. Un hommage à Françoise Messant ".
Compte rendus
Séverine Rey, " Nicole-Claude Mathieu (dir.) : Une maison sans fille est une maison morte ".
Collectifs
Élodie de Weck, " Comité de Mujeres de Inzá : la difficile conciliation entre la lutte pour l'émancipation féminine et celle pour l'autonomie paysanne " ;
Joy Charnley, " "Women in..." ".
Le travail salarié est-il un outil d'émancipation des femmes ? Dans les années 70 du Mouvement de Libération des Femmes, la réponse paraissait évidente : avoir un emploi devait permettre aux femmes d'être matériellement indépendantes et de renforcer leurs moyens de lutte contre la domination des hommes, en particulier au sein du mariage hétérosexuel. Aujourd'hui, la réponse est plus complexe, car si les femmes ont en effet investi massivement le marché de l'emploi, elles restent fortement discriminées (salaire, temps partiel, plafond de verre notamment), et continuent à assumer, en plus, la très grande partie du travail domestique et éducatif. Le message fort qui émane des autrices est le suivant : le sort des femmes ne se joue pas dans le seul monde du travail rémunéré. Si solution d'émancipation il y a, c'est dans la prise en compte de l'interdépendance entre sphères privée et professionnelle. Autrement dit, la concentration de tous les efforts sur le seul emploi, au vu du fait, incontestable, que rien ne change au niveau du " partage des tâches domestiques ", est un traquenard. Les contributions traitent toutes de cette interdépendance, mais à partir de points de vue et de domaines très différents. Une recherche porte par exemple sur des compagnes de viticulteurs qui exercent un emploi salarié hors de l'exploitation familiale et qui, pour s'affranchir de la famille élargie, sont davantage contraintes que leurs aînées aux travaux ménagers. Examinant la relation entre une " nounou " africaine et une employeuse blanche, de milieu social élevé, un autre article analyse les implications contradictoires de leur assignation respective au travail domestique. L'une connaît l'exil, le racisme, l'autre délègue une large partie de " son " travail à une autre femme qu'elle exploite. La complexité des voies de l'émancipation ressort aussi de trois autres contributions qui proposent, chacune à leur manière, qu'un travail professionnel effectué dans la continuité du travail domestique peut permettre aux femmes de développer un rapport à leur emploi subversif, voire émancipateur. À partir d'exemples (aide-ménagères, infirmières, médiatrices interculturelles, travailleuses domestiques sans statut légal), il apparaît que les femmes dont les emplois ont une relation avec les activités dans la sphère privée peuvent avoir un rapport positif à leur travail rémunéré, notamment se sentir utiles dans ce qu'elles y font. Restons cependant vigilantes : si une forme de continuité entre les univers privé et professionnel peut procurer un sentiment d'utilité, cela ne doit pas nous faire oublier la pénibilité, la faible rétribution et la non-reconnaissance de ce type d'emplois. C'est là toute l'ambivalence du travail féminin dans nos sociétés.