Dans la France du XIXe siècle, du fait de son statut encore incertain, l'histoire de l'art se nourrit d'une littérature variée (revues artistiques, ouvrages savants ou de vulgarisation, récits de voyages), tout en fondant un savoir institutionnalisé. C'est au sein de ce contexte de naissance de la discipline que cet ouvrage propose d'interroger l'école vénitienne de peinture comme objet de connaissance. Car cette dernière, par la sensualité de son coloris, se distingue de la tradition florentine et romaine classique, et irrigue les aspirations esthétiques romantiques contemporaines. Il s'agit donc, pour l'histoire de l'art naissante, de rationaliser les jugements moraux et les fantasmes générés par l'originalité de la peinture vénitienne. La notion même d'école apparaît ...
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Enjeux artistiques dans l'histoire de l'école vénitienne. Entre héritages théoriques et modernités artistiques
Quelles délimitations géographiques et chronologiques pour l'école vénitienne ?
L'école vénitienne opposée à la peinture classique
L'école vénitienne face à la modernité
Enjeux scientifiques dans l'histoire de l'école vénitienne. Regard scientiste et procédés rhétoriques
Déterminismes moraux
Déterminismes naturels
Relations de Venise avec l'Orient et le Nord. Arguments de la mythification de l'école vénitienne
Venise, ville orientale
Peinture de Venise et peinture du Nord
Enjeux idéologiques
Les Vénitiens et la religion chrétienne
Peinture vénitienne et identités
Dans la France du XIXe siècle, du fait de son statut encore incertain, l'histoire de l'art se nourrit d'une littérature variée (revues artistiques, ouvrages savants ou de vulgarisation, récits de voyages), tout en fondant un savoir institutionnalisé. C'est au sein de ce contexte de naissance de la discipline que cet ouvrage propose d'interroger l'école vénitienne de peinture comme objet de connaissance. Car cette dernière, par la sensualité de son coloris, se distingue de la tradition florentine et romaine classique, et irrigue les aspirations esthétiques romantiques contemporaines. Il s'agit donc, pour l'histoire de l'art naissante, de rationaliser les jugements moraux et les fantasmes générés par l'originalité de la peinture vénitienne. La notion même d'école apparaît comme une catégorie permettant de concevoir la peinture de Venise comme un phénomène distinct et cohérent. Dès le milieu du siècle, des historiens de l'art comme Charles Blanc ou Hippolyte Taine mettent en place un appareil argumentatif et rhétorique visant à donner à leur discours une légitimité scientifique. Cette méthode scientiste use d'arguments sociaux, climatiques ou raciaux afin de justifier le regard porté sur Venise et son art. Les auteurs trouvent par ailleurs dans un Orient fantasmé, dans la peinture flamande et hollandaise, mais également dans les nouvelles formes d'art contemporain – du Romantisme au Symbolisme – autant de figures d'identification pour une peinture vénitienne dont il convient de justifier l'éloignement par rapport au modèle classique. Mais il importe de considérer les infléchissements qui émergent autour de 1900 par rapport à cette pensée dominante, sous l'impulsion des préoccupations identitaires qui infiltrent le discours historique. Les revendications nationalistes de l'Italie nouvellement indépendante et d'une France hostile à la Prusse, participent ainsi à retourner le jugement porté sur l'école vénitienne, laquelle devient alors le lieu d'expression d'une identité classique et latine résistant à la menace germanique.