Tout au long de son histoire, la Rome chrétienne fut caractérisée par une constante dichotomie, laquelle s'installa à l'époque de la décadence impériale et se transforma en paradigme idéal. D'une part, la ville connut de nombreux déclins économiques, politiques ou démographiques ; de l'autre, elle élabora son image mythique en reflétant les fastes et les grandeurs du passé. En ce qui concerne la personnification de Rome, chaque espoir de renaissance entraînait des changements iconographiques se matérialisant par une métamorphose physique de l'allégorie qui endossait une nouvelle jeunesse, signe d'une régénération de l'idée de Rome et de son mythe. La naissance de la déesse Rome était déjà strictement liée au culte de la ville et elle représentait la synthèse vivante de sa légende sacrée et de son histoire. Toutefois, à partir de l'Antiquité tardive, on assiste à la fusion d'une personnification vieillissante avec la divinité tutélaire qui symbolise l'éternité de la ville. L'allégorie de la Rome médiévale apparaît alors comme une projection nostalgique du mythe impérial. En elle cohabitent la mémoire de la splendeur passée, les traces de la décadence présente et son destin éternel et sacré. De la même manière que le mythe impérial suggère un retour aux origines, Rome rêve d'un retour à sa jeunesse pour restaurer l'âge d'or et, par là même, d'un retour à la divinité qui l'a engendrée. Mais la réalité historique est amère, et au cours du 14e siècle, mise à part la brève aventure de Cola di Rienzo, l'allégorie de Rome ressemble à une sorte de vestige d'un passé glorieux qui fait pendant aux ruines archéologiques. Alors que ces dernières évoquent la durée éphémère de l'Empire romain, la vieille impératrice, par les traces durables qui dégradent son corps, incarne l'inéluctabilité du devenir historique. Il s'agit d'une sorte de relique vivante destinée à rester éternelle et à vivre dans la nostalgie en rêvant d'une renovatio impossible dans la réalité. Dans ce paradoxe prospère la Rome médiévale.