Comment une société se reconstruit-elle après un génocide ? Quelles traces cette violence laisse-t-elle dans la mémoire collective et individuelle ? Quelle place ces " morts sans sépulture " trouvent-ils dans la vie des populations locales ?La lecture occidentale médiatique du génocide perpétré par les Khmers rouges entre 1975 et 1979 découle d'une certaine vision de la souffrance d'autrui, très éloignée de l'expression propre aux Cambodgiens. En s'appuyant sur une longue enquête ethnographique, l'autrice entend ici prendre en compte leur ressenti, leur vécu et leur singularité, grâce à une familiarité construite sur plusieurs décennies.Près d'un quart de la population a été décimée par le régime de Pol Pot, mais les corps des victimes n'ont jamais été restitués aux fam ...
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Chapitre I. Une anthropologie postcoloniale du génocide khmer rouge
Chapitre II. Une ethnographie des traces
Chapitre III. L'accaparement politique des corps du génocide
Chapitre IV. Donner une place aux défunts
Chapitre V. Les lieux puissants comme supports de mémoire
Chapitre VI. Quand les corps ressurgissent
Conclusion. Mémoire collective et régimes d'historicité
Comment une société se reconstruit-elle après un génocide ? Quelles traces cette violence laisse-t-elle dans la mémoire collective et individuelle ? Quelle place ces " morts sans sépulture " trouvent-ils dans la vie des populations locales ?La lecture occidentale médiatique du génocide perpétré par les Khmers rouges entre 1975 et 1979 découle d'une certaine vision de la souffrance d'autrui, très éloignée de l'expression propre aux Cambodgiens. En s'appuyant sur une longue enquête ethnographique, l'autrice entend ici prendre en compte leur ressenti, leur vécu et leur singularité, grâce à une familiarité construite sur plusieurs décennies.Près d'un quart de la population a été décimée par le régime de Pol Pot, mais les corps des victimes n'ont jamais été restitués aux familles. Ces morts sont pourtant loin d'être absents. Pour l'État, ils sont devenus des preuves que l'on montre – notamment dans l'exposition controversée de restes humains au musée du Génocide de Phnom Penh. Les villageois et les fidèles bouddhistes, quant à eux, les " rencontrent " lors de la cérémonie annuelle des défunts : là, tous les morts, quels qu'ils soient, sont " soignés " par les vivants et invités à rejoindre le flux du cycle des renaissances.De même, des fosses communes sont assimilées à des lieux puissants, abritant des esprits tutélaires de territoire et conservant les traces du passé. Ce dispositif permet de prendre en charge des morts anonymes en instaurant un dialogue ritualisé avec eux. Ainsi s'établit une cohabitation originale entre habitants vivants et défunts.Au fil de l'ouvrage apparaissent les mécanismes de réparation sociale et symbolique d'un monde marqué par plusieurs années d'une destruction de masse extrêmement violente. Alors que notre époque voit ressurgir des conflits sanglants de grande ampleur, les pratiques cambodgiennes, largement méconnues, apportent un nouvel éclairage sur les capacités humaines de résilience.