Étrange, extravagant, excentrique, bizarre, capricieux… les adjectifs ne manquent pas pour décrire les œuvres et les artistes les plus singuliers de la Renaissance. Mais que recouvrent précisément ces qualificatifs ? Quel sens leur prêter ? Renvoient-ils à un jugement passé ou moderne ? Les historiens de l'art s'accordent-ils d'ailleurs sur leur portée et leurs implications théoriques ?Face à l'instabilité de ces notions aux XVe et XVIe siècles et, plus généralement, au relativisme de tout jugement critique – un jugement énoncé à la Renaissance ou au XXIe siècle ne recouvrira pas nécessairement la même réalité, puisque l'anormal, l'étrange et le bizarre se définissent en fonction de normes changeantes –, il nous a semblé nécessaire de placer ces questions au centre du présent ouvrage.Une double perspective historique et historiographique a ainsi guidé cette archéologie de l' " étrangeté " dans l'art de la Renaissance : d'une part, interroger l'émergence d'une véritable poétique de l'étrangeté, liée à une valorisation du merveilleux, de la surprise, et à l'affirmation par les artistes de leur singularité esthétique ; d'autre part, considérer l'évolution des discours critiques qui, de la Renaissance au XXIe siècle, ont fait un usage stratégique bien distinct de cette notion et dessiné par conséquent deux images différentes de la Renaissance, la première, homogène et réglée, la seconde hétérogène et singulière.