À rebours des thèses structuralistes, ce livre affirme que la littérature parle du monde. Il y a du hors-texte. Cette étude de quatre œuvres marquantes d'auteurs emblématiques du mouvement postmoderne apporte une contribution importante à la géocritique et aux théories de l'espace qui fleurissent aujourd'hui dans le domaine de la littérature générale et comparée. Le monde, balisé par les lignes imaginaires des géographes et des navigateurs, est sillonné par les migrants, les voyageurs et les armées en campagne. Les frontières quant à elles sont des lignes qui ancrent une identité dans le territoire, et ce sont bien souvent des obstacles infranchissables. L'approche géocritique met en évidence la crise de ces notions dans les descriptions de villes utopiques des Città invisibili d'Italo Calvino, dans la course folle de l'héroïne des Grandes Blondes, de Jean Echenoz, dans les espaces subjonctifs de la Zone que parcourent les personnages de Gravity's Rainbow, de Thomas Pynchon, et dans les déserts rocheux du grand roman d'après-guerre de Christoph Ransmayr, Morbus Kitahara. Une fois résolue la très ancienne question de la représentation mimétique qui se trouverait au fondement de toute œuvre d'art, on peut faire émerger l'idée que dans la fiction récente, les configurations spatiales participent à l'intrigue de façon déterminante. Au-delà de la nostalgie postmoderne pour un monde vaste, qui recèlerait encore une part d'inconnu et serait favorable à tous nos désirs, ces œuvres instaurent une nouvelle relation à l'espace. Conçu comme un ensemble rhizomatique de milieux et de flux connectés entre eux, le monde entretient avec la littérature des rapports dont les textes du corpus, dans leur variété, permettent de saisir la cohérence.