Qu'on la définisse comme la science des signes ou comme la discipline qui a le sens pour objet, la sémiotique souffre d'un discrédit : elle ne s'intéresserait qu'aux énoncés et à leur mode de fonctionnement interne. Il est vrai que, dès les origines, elle a suivi l'exemple de la linguistique et volontairement réduit son champ de juridiction ; elle a ainsi érigé une véritable muraille pour séparer les codes d'un côté, le monde et ses acteurs de l'autre. Mais il s'agissait là d'une séparation purement instrumentale, méthodologique et provisoire. Et qui ne saurait faire oublier ceci : que le sens vient du commerce avec le monde, et qu'il a un impact sur le monde. La sémiotique a mûri : elle a retrouvé le chemin du monde. Elle sait aujourd'hui voir que le sens émerge de l'expérience. Et qu'il oriente aussi l'action. Se réorientant vers le savoir et le faire, la sémiotique rencontre la rhétorique. Une discipline qui, depuis l'antiquité, étudie comment le sens se met en scène dans des discours sociaux Ou plutôt la sémiotique retrouve la rhétorique. Car, dès les années 60, Barthes avait pointé la modernité de cette discipline réputée poussiéreuse. Et dès cette époque certaines équipes de chercheurs, comme le Groupe µ, avaient introduit des préoccupations esthétiques, socio-communicationnelles et cognitives dans une théorie sémiotique qui, jusque là, était restée surtout formelle. Plus de trente ans après Rhétorique de l'image et Rhétorique générale, sans doute est-il temps d'examiner en quoi sémiotique et rhétorique ont partie nécessairement liée, et de célébrer à nouveau leurs noces.