Dans un ouvrage novateur à l'époque, et devenu classique, Le roi ne meurt jamais, R.E. Giesey avait montré comment s'était établie, aux funérailles des derniers Valois, par le jeu du hasard et du sens donné après coup, une symbolique subtile basée sur la gestuelle honorant une effigie du roi mort. Le roi a deux corps, le naturel et le politique ; en ce dernier corps le roi ne meurt jamais. L'auteur, prenant en compte les quatre grands rituels d'État — funérailles, sacre-couronnement, entrée, lit de justice —, repère ici les nouvelles formes symboliques qui s'y font voir à l'avènement de Louis XIII et les changements subtils, mais lourds de conséquences, qui affectent la manifestation cérémonielle du principe ds deux corps. Autrefois les grands cérémonials publis avaient glorifié la perpétuité d'une royauté abstraite, idéale, en 1610 on les ajuste pour leur faire dire l'immédiate et entière puissance souveraine du nouveau prince.
L'auteur s'interroge ici sur ce que la franc-maçonnerie du 18e siècle a d'inédit : un mode original de sociabilité, qu'on peut appeler démocratique, car fondé sur le princie d'égalité sociale et donc étranger aux strcutures et jusqu'aux représentations de la société des ordres. Les contemporains l'avaient, d'emblée, perçue comme la fille des Lumières et de l'occultisme, les deux courants dominants de l'époque. C'est cette paternité que l'auteur remet en cause : étudiant l'implantation des loges provinciales en corrélation avec l'évolution démographique, économique et culturelle de la société d'Ancien Régime, il restitue au mouvement toute son autonomie au sein de la République des Lettres.
Lors de chacune des grandes crises de subsistance du 18e siècle, les Français ont cru être victimes d'une effroyable conspiration destinée à affamer la population. C'est avec la Révolution que culmine la hantise du complot de famine. Histoire ou légende ? À ce faux débat, l'auteur substitue une démarche originale en cherchant ce qui, dans les contraintes économiques et dans la politique des subsistances, la sociologie des pouvoirs, l'attente des foules et le comportement des dirigeants, a pu accréditer la conviction d'une trahison. Il fait enfin voir comment la rumeur du complot a fini par mettre en cause le pacte paternel qui unissait le souverain à ses sujets.
Du 12e au 15e siècle, les savants médiévaux s'employèrent à réunir en une synthèse le mythe biblique d'une terre plate et la représentation grecque d'une terre sphérique. Des Grecs, on retint la théorie de Cratès de Mallos — une sphère immense, couverte en majeure partie par l'océan dont émergeaient quatre petite îles — et celle d'Aristote — une terre sphérique entourée par les trois autres éléments, l'eau, l'air et le feu. Attachés au dogme de l'unicité de l'humanité issue d'Adam, les clercs médiévaux affimaient que seul une des quatre îles cratésiennes était habitée. Quant à la théorie aristotélicienne, ils trouvèrent une solution en s'appuyant sur le récit de la Genèse : Dieu opérant le rassemblement des eaux fit aparaître en contact avec l'air la terre ferme. Les Grandes Découvertes de la fin du 15e et du début du 16e siècle apportèrent un démenti catégorique à cette vision du monde, l'homme pénétrant dans l'hémishère austral, découvrant l'Afrique méridionale et l'Amérique du Sud, toutes deux habitées. Un nouveau concept, libéré del'héritage grecc, surgit : celui du "globe terraqué", où continents et terres de forme irrégulière émergent çà et là.
Y a-t-il une forme d'histoire scientifique qui ne soit pas peu ou prou histoire quantitative ou histoire sérielle ? Comment pouvait-on exclure la mesure de la connaissance, envisager une connaissance du passé qui n'incorporerait pas la mesure ? En un mot, ou bien l'histoire restait fidèle au projet d'Hérodote l'exposé de l'enquête... et elle incluait la mesure, ou bien elle se perdait dans l'anecdote. Depuis le tournant des années 1929-1930, le processus engagé mettait une histoire re-formée au contact des sciences humaines et sociales, c'est-à-dire au service de la collectivité humaine. La nouvelle histoire a dû garder son identité en se transformant profondément. Ce recueil d'articles, vingt études de 1960 à 1975, propose dans ce dialogue de l'historien avec lui-même, quelques-unes des préoccupations dominantes de la communauté scientifique, à travers l'effort, et peut-être les passions d'un homme.
Le cercle est pour la France ce qu'est le club dans l'univers britannique. L'époque étudiée ici est celle où il apparaît puis se répand dans notre pays. Avant d'être adoptée, cette innovation a un peu inquiété parce qu'elle parut d'abord liée au genre de vie et à la conception du monde de la bourgeoisie libérale. De plus, le cercle (en principe société d'agrément) était la plus pratique des formes licites de la vie d'association, ce qui fit qu'on l'utilisa parfois à d'autres fins. Envisagé sous cet angle, ce chapitre d'histoire de la vie quotidienne ouvre quelques horizons sur l'histoire de la culture et même sur celle de la politique dans le demi-siècle qui forme transition entre la chute de l'Ancien Régime et l'avènement de la démocratie moderne.