Les voyages transatlantiques, depuis le XVIe siècle, ont été à l'origine d'un bouleversement culturel duquel a émergé la figure ambivalente du " sauvage ", parfois idéalisé, souvent érigé en repoussoir. Ce premier volume du dossier Les " sauvages " des Lumières rassemble six études explorant les enjeux anthropologiques qui se dégagent des récits de voyage et de la façon dont philosophes et scientifiques du XVIIIe siècle tentent d'appréhender cette humanité " autre ". Ce premier volet met en évidence une conception ethnocentrée et évolutionniste des sociétés humaines, oscillant cependant entre préjugés et volonté de compréhension. Il souligne l'émergence d'une autocritique de cet ethnocentrisme et d'un souci d'objectivité dans l'étude des peuples non-européens. Le deuxième volume portera sur les enjeux politiques de cette thématique.
Les contributions de ce dossier se demandent dans quelle mesure Condorcet a considéré qu'il était souhaitable d'accorder aux citoyens l'exercice de leurs droits politiques. Dans ce but, elles s'attachent à mettre au jour les conditions sociales et institutionnelles qui garantissent que la participation politique du peuple n'aboutisse pas à la corruption de la démocratie comprise comme un projet de société fondé sur l'égalité républicaine. Pour y répondre, les articles élucident notamment les rapports de la démocratie avec la nature de l'espace public, avec la république des savants ou encore avec le monde artistique.
La multiplication des couleurs dans la vie quotidienne et l'univers mental des Lumières s'est accompagnée de nombreux modes de figurations chromatiques visant, dans un contexte de profondes transformations, à discipliner et maîtriser ces nouvelles sensations visuelles: des figures géométriques, tables, cercles, pyramides, sphères, de Newton à Goethe mais aussi des catalogues, des nuanciers et des palettes. Le présent numéro examine quelques-unes de ces nouvelles représentations chromatiques dans une approche transversale en les interrogeant depuis les mondes de l'art, de l'artisanat et ceux de la science.
Montesquieu et l'Asie : la réception de l'Esprit des lois
De l'esprit des lois a été d'une importance capitale pour l'Asie moderne du fait de l'ampleur de ses thèmes, notamment celui du despotisme. Le présent dossier, pionnier sur la question, traite de la circulation du texte à partir des cas russe, japonais, chinois et vietnamien. Dans cette ébauche d'étude de l'appropriation du texte en Asie, l'analyse, qui se fonde sur la méthode des transferts culturels, vise à éclairer les contextes spécifiques, les enjeux posés par la traduction et la trajectoire des acteurs en jeu. Malgré leurs différences, ces quatre pays ont tous rejeté l'association de leur pays au despotisme, par nationalisme ou du fait de projets émancipateurs. La traduction de l'œuvre constitua dans tous les cas une étape importante dans l'apprentissage de la liberté et la diffusion des Lumières.
Autour des Lettres persanes : Montesquieu et la fiction
Le numéro et les contributions qui le composent examinent l'œuvre de Montesquieu sous l'angle de la fiction: il s'agit de se demander comment Montesquieu conçoit la fiction et pour cela de réexaminer son roman le plus célèbre, les Lettres persanes, mais aussi les autres fictions qu'il a pu écrire, moins connues, comme des contes orientaux ou des textes courts. Le volume analyse ainsi toutes les fictions écrites par l'auteur et s'intéresse aux frontières entre fiction et non fiction chez un auteur qui est aussi un penseur.
L'éducation à la citoyenneté : concepts et débats depuis le XVIIIe siècle
Depuis que le Conseil de l'Europe en a fait un objectif majeur en 1997, les politiques éducatives françaises et européennes n'ont cessé de promouvoir le concept d'éducation à la citoyenneté – un concept en tension. Au regard de son actualité toujours renaissante, ce dossier thématique propose d'interroger cette notion multiple, historiquement, politiquement et culturellement située. Les contributions visent à examiner les continuités et les ruptures dans l'histoire de l'éducation à la citoyenneté entre le XVIIIe siècle et notre présent dans une perspective interdisciplinaire qui dépasse les points de vue nationaux. Il s'agit de réfléchir à la notion de citoyenneté et ses différentes acceptions, mais aussi aux concepts qui y sont associés: instruction civique et morale, éducation civique, éducation à la citoyenneté démocratique, à la citoyenneté européenne et à la citoyenneté mondiale.
Spinoza et Leibniz : réception et usages croisés dans la pensée moderne et contemporaine
Comment les philosophies de Spinoza et de Leibniz ont-elles été lues, reçues et interprétées conjointement par les philosophes et scientifiques qui leur ont succédé, et de quelle façon le rapport entre ces deux philosophies a-t-il été compris au cours de l'histoire? C'est cette question qui anime l'ensemble des contributions figurant dans ce collectif. Le problème porte ainsi sur l'histoire d'une réception croisée et de ses enjeux, variables selon les époques. Faut-il souligner les caractères définitivement irréconciliables de ces deux philosophies, comme on l'a souvent fait, ou peut-on, au contraire, les lire ensemble pour les rapprocher et en dégager des aspects communs et partagés?
Au XVIIIe siècle, la couleur émerge, se déploie, s'impose: on vit dans une ambiance colorée et la vision colorée devient aussi une manière de penser le monde.Dans ce contexte, qu'en est-il des liens qu'entretiennent les couleurs et les identités, sociales, sexuées et genrées? Jusqu'à quel point peut-on parler de couleurs identitaires?Le présent numéro propose quelques pistes de réponse, en prenant en compte à la fois l'histoire matérielle et la représentation des couleurs au travers du lexique, des arts et de la littérature afin de mettre en relation les identités vécues et imaginées et d'en montrer l'influence réciproque.
Avant le XXe siècle, la présence des Africains et Afro-descendants sur le sol européen constitue souvent une source d'étonnement. L'historiographie s'est surtout concentrée sur certaines zones géographiques (les ports, Paris) et sur l'histoire de " la traite négrière ", le siècle des Lumières étant alors étudié sous l'angle du premier empire colonial français. L'histoire des Noirs métropolitains est pourtant loin d'être circonscrite à ces grandes villes, ni au seul phénomène de l'esclavage: leur présence en France est en fait un phénomène continu que la Révolution ne vient pas arrêter.
À la suite du précédent, le numéro 34 contient le second dossier de contributions sur les controverses à propos des Lumières (1945-2019).Depuis le XVIIIe siècle jusqu'à nos jours, elles sont la cible d'objections plus ou moins radicales de la part des conservateurs: les critiques contre-révolutionnaires se perpétuent. Une des questions que l'on peut se poser à cet égard est de savoir si la critique conservatrice a fondamentalement évolué depuis ses premières formulations.Mais dès l'après-guerre, les Lumières ont également été attaquées comme la matrice de la bonne conscience bourgeoise, qui recouvre de grands principes formels la réalité d'un Occident exploiteur et prédateur; comme promouvant le triomphe d'une raison technicienne qui inverse le rapport des moyens et des fins (École de Francfort); ou encore, comme le faux-semblant humaniste de la société disciplinaire et du raffinement inédit des techniques de domination (Foucault).Plus récemment, des mises en cause profondes sont venues des mondes académique, intellectuel et/ou militant centrant leurs analyses sur les problèmes de domination raciale et/ou sexuelle: ainsi, la raison " impériale raciste ", " blanche " ou " mâle " est supposée à l'œuvre dans les principes politiques, les mouvements ou partis, les textes se réclamant plus ou moins explicitement du projet humaniste et émancipateur formulé originellement par certains penseurs et acteurs des Lumières, puis de la Révolution française au XVIIIe siècle.
Brandies comme un étendard ou accusées d'être la cause de tous les maux, les Lumières exacerbent les passions. Pour beaucoup synonymes d'émancipation, de combat pour la démocratie et lesdroits de l'Homme, elles se trouvent en même temps sous le feu de critiques nourries de la part des conservateurs. Après la seconde guerre mondiale, les Lumières ont été attaquées comme la matricede la bonne conscience bourgeoise, qui recouvre de grands principes formels la réalité d'un Occident exploiteur et prédateur; comme promouvant le triomphe d'une raison technicienne qui inverse lerapport des moyens et des fins (École de Francfort); ou encore, comme le faux-semblant humaniste de la société disciplinaire et du raffinement inédit des techniques de domination (Foucault). Ce numéro explore les racines des attaques philosophiques contre le projet des Lumières et en montre l'héritage jusqu'à nos jours, dans nos débats contemporains sur la modernité culturelle, intellectuelle, politique et sociale. Il propose donc un bilan critique de ce qu'ont pu apporter les Lumières.
Par l'ouverture à un nouvel horizon d'attente tourné vers l'avenir, l'affirmation des droits naturels face aux dominations héritées du passé, de la primauté de l'acquis sur l'inné, les Lumières apparaissent aujourd'hui comme le moment fondateur d'une nouvelle pédagogie émancipatrice: nouvelle par ses finalités, ses acteurs et ses méthodes, nouvelle également parce qu'elle prépare l'avènement d'un monde nouveau. C'est pourquoi ce numéro interroge la notion d'innovation en pédagogie à la fois comme créativité théorique et comme démarche concrète s'inscrivant dans des contextes pédagogiques, politiques, nationaux ou encore sociaux bien précis. Se pencher sur l'héritage des Lumières dans sa diversité, du XIXe au XXIe siècle, invite ainsi à une réflexion sur les usages de cette notion pour l'histoire de la pédagogie.L'originalité du dossier thématique tient à 2 traits:C'est un dossier sur l'innovation en matière pédagogique (idées, méthodes, expérimentations) et non un énième volume sur l'éducation à l'époque des Lumières.C'est un dossier qui montre l'héritage des idées des Lumières jusqu'à nos jours et a donc un enjeu important dans nos débats contemporains sur les modèles éducatifs.