Peu de monographies portent sur le rôle culturel d'une ville moyenne en France au XIXe siècle. Notre propos n'est pas de nier la centralité parisienne ni de modifier les hiérarchies Paris-province, mais plutôt, en changeant d'observatoire, de mieux comprendre les liens savants au sein de l'hexagone, la construction des savoirs à travers les circulations d'hommes, d'idées et d'objets qui unissent la côte proche, le port de Boulogne-sur-Mer spécifiquement, à la capitale, de voir comment la province s'alimente des savoirs parisiens et vice-versa.Au-delà des niveaux intra-local et translocal, la question se pose des relations avec les îles britanniques proches dans le façonnement de la spécificité culturelle boulonnaise. Dans le cadre d'une histoire connectée, se rendre à Boulogne-sur-Mer revient à rejoindre un milieu culturel certes secondaire, mais stratégique, à la jonction de liens suivis avec les capitales européennes que sont Paris, Londres et Bruxelles.
Marguerite de France hérite en 1361 des comtés d'Artois et de Bourgogne. Veuve, elle exerce désormais seule son autorité sur ces terres unies par le mariage de Mahaut d'Artois et Othon IV de Bourgogne. En un temps marqué par de profondes mutations dans le gouvernement des principautés, Marguerite va tenir des pays secoués par la guerre et les transmettre à son fils Louis de Male, puis à sa petite-fille Marguerite de Male et à son époux Philippe le Hardi. L'étude de son action éclaire sur les modalités d'exercice d'un pouvoir au féminin dans le cadre d'une union personnelle associant des terres éloignées, en un temps de bureaucratisation des principautés. Pour ce faire, l'analyse du processus de décision permet de saisir comment s'articulent gouvernement central et organes provinciaux, qu'il s'agisse du conseil, de la chancellerie ou des finances. Quant à ses réseaux, qui incluent parents, alliés et officiers, ils font émerger un milieu stable mêlant flamands, français, artésiens et bourguignons et reposant sur la combinaison de talents intellectuels, techniques et militaires.
Constance Markievicz (1868-1927), née Gore-Booth, fille d'une riche famille anglo-irlandaise, ne semblait en rien destinée à prendre les armes pour l'indépendance irlandaise et la cause des femmes. Femme et journaliste engagée, elle œuvre à la diffusion d'idéaux républicains, socialistes et féministes lors de la période révolutionnaire. Elle se bat aux côtés des hommes et appelle les femmes à s'engager pour la cause. Consciente du pouvoir des images, elle exploite ses talents artistiques pour transmettre ses idées politiques et mobiliser le public dans la lutte pour l'indépendance. Actrice puis dramaturge, elle revisite le récit national exclusivement masculin, afin que l'engagement politique des femmes entre dans la mémoire collective. L'objet de cet ouvrage est de montrer comment les œuvres de Constance Markievicz, armes au service de son activisme multiforme, lui ont permis d'exprimer et de mettre en scène sa résistance, dans l'espoir d'inspirer ses contemporaines.
L'histoire financière des villes de l'Ancien Régime reste mal connue. Cet ouvrage comble en partie cette lacune à partir d'une approche combinant l'examen approfondi des comptes de la ville de Lille sur un siècle et divers instruments et concepts de l'analyse économique.Parmi les dépenses urbaines, une attention particulière a été portée à l'évolution des lourds impôts royaux à la charge de la ville. Les recettes abondantes procurées par les multiples octrois concédés à la cité nordiste par les souverains successifs font l'objet d'une étude minutieuse.L'analyse économique a permis de répondre à des questions aussi essentielles que celle de savoir qui supporte le poids de l'impôt. Elle a aussi permis d'évaluer les impacts de certaines règlementations adoptées par les édiles lillois. Un diagnostic précis de la santé financière de la ville de Lille à la veille de la Révolution a été établi grâce à l'utilisation d'indicateurs standards de l'analyse financière des collectivités locales.
Pouvoir et culture urbaine au temps de Philippe de Vigneulles
Philippe de Vigneulles (1471-1528) est un personnage hors norme: villageois devenu marchand, il est écrivain, historien, mais également le premier mémorialiste français. Son témoignage permet de comprendre la culture urbaine de son temps, entre Moyen Âge et modernité, dans une ville libre, celle qu'on appelait alors Metz la riche.Plus grande cité francophone du Saint-Empire, Metz est alors le foyer d'une culture urbaine florissante et originale, dont subsistent notamment une quinzaine de chroniques. En réunissant un groupe international de spécialistes de différentes disciplines autour de l'œuvre de Philippe de Vigneulles, ce livre ambitionne de faire le point sur l'histoire municipale en proposant des études littéraires, linguistiques et historiques qui se font écho pour renouveler l'étude de cette historiographie urbaine exceptionnelle.
Permanences et mutations de la fin du XVIIIe siècle à nos jours
Si le métier d'enseignant rencontre aujourd'hui des difficultés multiples, tout en offrant également ses satisfactions, les quinze contributions regroupées ici mettent en perspective les vulnérabilités enseignantes sur la longue durée des XIXe-XXIe siècles, à la fois dans le primaire et dans le secondaire, pour les hommes et les femmes. Certaines difficultés anciennes ont presque disparu (mauvaise installation matérielle, étroite tutelle politique). D'autres, liées à de faibles connaissances disciplinaires, à un manque d'autorité face à la classe ou à des difficultés pédagogiques et didactiques, se maintiennent. D'autres enfin s'affirment avec la massification de l'enseignement et les évolutions sociétales qui modifient la place de l'enfant et de l'adolescent dans la famille et dans l'École. Les mutations accélérées de l'accès aux informations, via les nouveaux médias, modifient aussi la place de l'enseignant alors que les modalités de sa formation ont du mal à se stabiliser.
Surgissant en quelques rares occasions des tréfonds du roman national, son nom, depuis longtemps oublié de tous, laisserait à penser que l'homme aurait traversé l'histoire dans le plus profond anonymat. Pourtant, de son vivant, Georges Laguerre (1858-1912) connut une réelle notoriété, tant politique que professionnelle. Jeune prodige du barreau de Paris, devenu à l'âge de vingt-cinq ans le plus jeune député de France et promis à un avenir politique radieux, "le prince de Paris" comme certains se plaisaient à le surnommer, se voyait déjà accéder aux plus hautes fonctions de l'État. Néanmoins, "si la nature lui avait procuré de précieux dons, l'homme, par des fautes faciles à éviter, les aurait détruits et, par la même refusé sa destinée" (Maurice Barrès). Sa carrière, aussi intense qu'éphémère, et largement perturbée par ses convictions boulangistes, ne symboliserait-elle pas l'abîme qui sépare "l'homme d'État" du simple "professionnel" de la politique?
Les années 2010 au Royaume-Uni peuvent être décrites comme une décennie de crises multiples et de profonds changements, mais également comme une décennie conservatrice en raison de la longévité au pouvoir du parti conservateur. En effet, ce parti réussit à gagner quatre élections législatives consécutives. Aucune véritable étude sur cette décennie conservatrice n'a été réalisée à ce jour. L'historiographie naissante sur cette question met l'accent sur une décennie perdue, mais reste encore trop focalisée sur la question du Brexit, ou sur des sous-périodes correspondant à des mandats de Premiers ministres spécifiques. Cet ouvrage propose un éclairage pertinent sur cette décennie complexe, dépassant l'enjeu seul du Brexit, par le prisme d'un parti qui s'est maintenu en continu au pouvoir, mais qui a dû faire face à de nombreuses difficultés, dont certaines sont encore à ce jour non résolues, et permet de dresser un premier bilan des politiques conservatrices.
Daniel O'Connell et le laboratoire politique irlandais, 1775-1847
Daniel O'Connell, désigné comme le "Libérateur" par ses compatriotes pour lesquels il personnifiait la dignité retrouvée, a transformé le nationalisme irlandais et bousculé l'ordre politique au Royaume-Uni dans la 1re moitié du XIXe siècle. Il "s'est incarné un peuple", écrivait de lui Balzac. Orateur charismatique, il s'est distingué comme fer de lance d'une agitation populaire inédite et comme député à Westminster, à la pointe du combat contre l'esclavage. Il est aussi devenu une référence sur la scène internationale, alors que l'Irlande faisait figure de laboratoire de la modernité démocratique. Son parcours éclaire la riche expérience de mobilisation collective qui a rendu les catholiques irlandais acteurs de la conquête pacifique de nouveaux espaces du politique. Ce "moment O'Connell" de l'histoire irlandaise offre une mise en perspective des débats actuels sur l'incarnation en politique, à l'heure de la crise de la démocratie représentative et de la montée des populismes.
Pour une histoire du contrôle bancaire depuis le XIXe siècle
Alors que la crise financière de 2008 et les multiples scandales financiers ont ébranlé les systèmes bancaires et encore dégradé la confiance dans les banques, on connait mal les modes de contrôle externe et interne, qui sont pourtant un instrument essentiel de la régulation bancaire. Cet ouvrage – le premier en langue française sur ce sujet – entend replacer la supervision prudentielle dans la perspective d'une histoire longue et comparative.Après un bilan historiographique, il présente des travaux récents sur les acteurs et les institutions, les pratiques et les outils du contrôle bancaire depuis le XIXe siècle, en France, en Suisse et dans l'espace colonial français. Il analyse ensuite l'internationalisation de la supervision et des normes comptables du contrôle des risques, fin XXe – début XXIe s. Enfin, les contributions d'archivistes de banques et des autorités de régulation constituent un appel à de nouvelles recherches pour combler le retard historiographique français.
Les Révolutions se font aussi avec des mots. De la fin du XVIIIe siècle à nos jours, elles sont un moment de relecture du passé. Bouleverser l'ordre politique et social, c'est condamner et rejeter ce qui existe; c'est aussi, souvent, s'inspirer ou se revendiquer de précédents historiques.C'est cette construction narrative de la Révolution, par ceux qui la font et ceux qui l'observent, pendant et après l'événement, que ce livre entend explorer. Par l'exemple de la Révolution française et des éclairages choisis en Amérique latine (Brésil, Cuba) et en Europe (Espagne, Tchécoslovaquie, URSS), il s'interroge sur la réécriture de l'histoire qui aide à justifier la Révolution.
L'image de Robespierre n'est pas un bloc, comme le montre l'étude du discours public du XIXe siècle, et notamment celle de la parole politique. Ce discours n'a pas jusqu'ici retenu l'attention des historiens, qui se sont concentrés sur l'historiographie, la littérature et les beaux-arts. Il révèle que la légende noire de Robespierre se scinde entre la Révolution et le milieu du XIXe siècle en quatre légendes, qui peuvent être rapprochées de quatre courants politiques distincts: conservateur/contre-révolutionnaire, libéral, communiste et anarchiste. De plus, une légende dorée, peu analysée jusqu'ici, émerge dans les années 1830 chez les militants républicains les plus radicaux. Ce schéma interprétatif, présenté dans les deux premières parties de l'ouvrage, est confirmé par l'étude de l'image de Robespierre dans les débats parlementaires au XIXe siècle, objet de la troisième partie. Il permet de comprendre pourquoi, plus de deux siècles après sa mort, Robespierre reste au cœur des débats sur l'héritage républicain.