Immanuel Wallerstein (1930-2019) a réécrit l'histoire du capitalisme à l'échelle mondiale dans une veine braudélienne en le reconceptualisant de manière originale. En faisant de l'institution d'un espace marchand transnational par les États européens lors du long seizième siècle la condition d'émergence du capitalisme comme système social, il fait de l'impérialisme et du colonialisme le moteur de l'accumulation, dressant par la même occasion une généalogie du développement et du sous-développement dans la longue durée. Cette élaboration du capitalisme fonctionne comme un opérateur critique de la modernité anticipant aussi bien les études décoloniales que celles du capitalocène. Enfin en mettant en évidence les cycles de ce système (alternance de périodes de libre-échange sous hégémonie d'une puissance et de protectionnisme concurrentiel), il rend intelligible l'actualité géopolitique la plus brulante (déclin de l'Occident et émergence d'un monde multipolaire, retour du protectionnisme, rivalité entre la Chine et les États-Unis pour l'accès à l'hégémonie).
Les infrastructures de l'argent et leurs politiques
Comment les sciences sociales peuvent-elles mettre en œuvre l'injonction à " suivre l'argent " ? Comment les circuits de l'argent rendent-ils possibles tout en les contraignant les politiques publiques européennes ou nationales ? La sociologie des circuits financiers propose de croiser une sociologie inspirée par les travaux Viviana Zelizer et les infrastructures studies afin d'aboutir à une compréhension fine de la matérialité de la circulation de l'argent. Une série d'études de cas empiriquement fouillées illustrent la fécondité de la démarche. L'ouvrage donne accès aux mondes de l'argent institutionnel, aux significations sociales et politiques inscrites dans les infrastructures informatiques, juridiques et comptables, et aux interdépendances entre circuits financiers et politiques publiques. Les chapitres permettent d'éclairer comment les politiques de l'argent transforment à la fois l'État et le capitalisme.
Parce qu'elle permettrait de résoudre le problème de l'épuisement des ressources et celui de l'élimination des déchets, l'économie circulaire se présente comme l'une des principales voies de la transition écologique. À partir de l'expérience partagée d'un grand projet financé par des fonds européen, les chercheurs de différentes disciplines qui participent à cet ouvrage, proposent une lecture, souvent critique, des ressorts du développement d'une économie circulaire pensée essentiellement à partir des logiques gestionnaires, de communication, et d'économie de marché. Les analyses des modes de gouvernance et de financement du projet, des solutions qu'il préconise, des acteurs qu'il mobilise et de ceux qu'il ignore, permettent d'éclairer la manière dont de grands projets de société sont conçus dans l'ignorance presque totale des réalités sociales. Cette lecture montre que la réussite de l'économie circulaire ne repose pas sur sa contribution à la résolution de problèmes environnementaux, mais sur sa capacité, évaluée en fonction de performances techniques et gestionnaires, à alimenter des discours et à fournir des bénéfices à ses acteurs.
À quelles conditions l'achat public peut-il devenir un outil de politique publique d'accompagnement à la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) ? Plus largement, les acteurs disposent-ils aujourd'hui de tous les outils nécessaires afin de mettre en œuvre un achat public réellement responsable ? Issu du projet " Une RSE repensée – De l'implication des acteurs à une réappropriation des politiques publiques " (2016-2018), cet ouvrage réunit des analyses et des témoignages de praticiens de l'achat public et de chercheurs en sciences humaines et sociales afin d'aborder de manière transdisciplinaire les enjeux de l'achat public responsable. Ce croisement de regards permet de montrer qu'en dépit du dynamisme réglementaire actuel et des multiples initiatives innovantes portées par les acteurs sur le terrain, l'achat public peine encore aujourd'hui à pleinement intégrer le développement durable, ce qui impliquerait une rupture plus franche avec son héritage ordo-libéral.
Des interactions de travail aux institutions du capitalisme et de l'État
Quel salarié n'a jamais été confronté aux injonctions de performance de ses managers ou de ses collègues??Quel usager de services publics ne s'est jamais heurté aux conséquences des "politiques du chiffre" mises en œuvre dans les secteurs de la santé, de la police, de la justice, et de l'éducation? La gestion n'irrigue pas seulement nos vies professionnelles et personnelles. Elle s'impose dans nos choix de société, quand les mécanismes de sélection créent ou renforcent des inégalités ou quand la course à la productivité détruit les équilibres naturels.Cet ouvrage propose un cadre conceptuel à l'étude empirique de ces phénomènes, permettant l'articulation des différentes échelles d'analyse. L'étude des processus et des dispositifs à l'œuvre permet ainsi de partir des situations locales de travail, pour les réinscrire dans les rapports de pouvoir d'une entreprise ou d'une administration, en remontant jusqu'aux dynamiques d'ensemble qui régissent le fonctionnement des marchés et de l'État.
Chômage, convention et capacité dans l'œuvre de Robert Salais
Si l'œuvre de Robert Salais s'inscrit dans le courant de l'économie des conventions qu'il a contribué à fonder, c'est à partir d'une réflexion singulière articulant "détour par l'histoire", intérêt pour le droit et questionnement philosophique. En cela, l'économie telle que la pratique Robert Salais se présente comme une science réflexive procédant d'un renouvellement constant de ses interrogations, à partir des résultats obtenus. Par son souci d'inscrire les analyses menées sur la France dans une perspective internationale, elle est aujourd'hui largement reconnue.Les contributions à cet ouvrage éclairent les quatre grands moments de sa recherche qui s'enchaînent: travail, emploi et chômage, mondes de production, question européenne et approche des capacités, quantification et démocratie. Car c'est bien la question politique qui anime la carrière et l'engagement de Robert Salais. Comment redonner aux collectivités humaines la compréhension des fins et la maîtrise des moyens pour se gouverner? Ce qui suppose, entre autres, un renouveau de la démocratie et, plus largement, des capacités à penser, agir et réaliser.
Projet d'émancipation ou simple outil de survie, réponse à une revendication d'autonomie pouvant être dévoyée par le management, l'autogestion ouvre des pistes pour imaginer le travail et la vie de demain. Si son instrumentalisation peut donner libre cours à la critique, son affirmation doit être également interrogée. Réunissant des contributions d'universitaires ayant enquêté sur le sujet, cet ouvrage vise à actualiser les débats. Nous espérons que leurs travaux éclaireront utilement les pratiques alternatives au travail et en dehors, tant pour le monde académique, les mondes militants et activistes, que pour un large public soucieux de l'avenir du travail.
L'histoire et les sciences sociales aux prises avec les normes, les acteurs et les institutions
Peut-on encore parler d'une régulation maîtrisée des sociétés? C'est à cette question qu'il est entrepris de répondre dans L'échelle des régulations politiques en sollicitant une pluralité de disciplines de sciences sociales et une grande diversité de domaines d'observation. Situé dans le temps et l'espace, un tableau exceptionnel des transformations des sociétés contemporaines peut alors être dressé. Face à l'ampleur de ces transformations touchant au statut des États, aux rôles des institutions, aux usages des savoirs scientifiques et techniques, aux pratiques des acteurs en rapport avec la question stratégique de la citoyenneté, s'accroissent les tensions entre des logiques de domination et d'autres démocratiques. Dans ce maelstrom, une politique de régulation des sociétés doit, au préalable, se penser, à partir de nouvelles formes de mobilisation des savoirs: moins comme faite d'équilibres préservés, maintenus ou retrouvés que constituée de tensions, de ruptures et de contradictions.
Pour une théorie de l'entreprise fondée sur le Projet
On finit par ne plus savoir pourquoi les entreprises existent : pour produire des biens et services utiles? pour faire du profit? pour créer de l'emploi? pour assurer d'autres missions, mais lesquelles?Dans les débats contemporains sur l'entreprise et ses responsabilités, la confusion règne. On confond l'entreprise qui produit les biens et les services avec la société juridique dans laquelle se retrouvent les investisseurs. On dit parfois que l'entreprise est un projet collectif, on lui reconnaît bien volontiers un statut de bien commun, mais ces expressions ne dissipent pas le flou et ne font pas consensus. On aimerait que les théories de l'entreprise nous éclairent mais, à proprement parler, il n'en existe pas. Une réponse théorique exigeante est donc à construire pour nourrir la réflexion et éclairer les débats. Nous proposons une théorie de l'entreprise fondée sur le Projet, avec un P majuscule.
Mobilisant une variété de cadres théoriques issus des sciences sociales, les auteurs, membres de l'Association des Études Sociales de la Finance, font le point sur quinze années de recherches interdisciplinaires. Ils proposent une perspective critique des représentations portées par le paradigme dominant de la finance contemporaine, en les confrontant aux réalités financières.À travers une étude fine de ses instruments, du fonctionnement de ses intermédiaires financiers et de ses institutions, ils analysent la fabrique de la finance : la structuration des dispositifs bancaires et financiers, leur capacité à prescrire l'action et à la contrôler, les modes et les pratiques de régulation mis en œuvre et, plus globalement, le processus de financiarisation. Ils s'adressent ainsi à toutes celles et tous ceux qui souhaitent mieux comprendre cet étrange et si puissant univers.
Comment penser l'économie autrement ? Depuis trente ans, des chercheurs de différentes disciplines participent au développement d'une économie des conventions qui construit une nouvelle représentation de l'économie. Les 75 auteurs réunis dans cet ouvrage fournissent un éclairage exceptionnel sur cette approche à partir des travaux de l'un de ses principaux artisans, Olivier Favereau. Plus que tout autre économiste, il a œuvré tout au long de sa carrière aux échanges interdisciplinaires pour renouveler notre compréhension des phénomènes économiques. Les différentes entrées de ce dictionnaire non standard discutent, utilisent ou prolongent ces travaux.Le lecteur dispose ainsi d'une introduction sans équivalent aux débats contemporains sur l'évolution des savoirs économiques : les nouvelles représentations de l'entreprise, du travail, de la finance et plus généralement des comportements économiques et de leur dimension politique.
Il est devenu courant de dénoncer les dérives de l'idéologie managériale. On constate néanmoins que leurs méfaits perdurent. Il reste encore à concevoir et développer une approche socialement responsable des sciences de gestion.Un tel défi nécessite de repenser des questions aussi centrales et variées que l'épistémologie des sciences de gestion, le rôle des instrumentations de gestion et des discours managériaux, l'interdisciplinarité et sa place dans la régulation d'une économie mondialisée génératrice d'inégalités croissantes. Un tel défi exige aussi d'interroger une pratique professionnelle dans laquelle l'encadrement de thèse constitue un enjeu majeur pour l'avenir de la recherche.À partir de la réflexion et de la posture incarnées par Julienne Brabet au travers de ses travaux et de sa pratique singulière de l'encadrement de la recherche, des spécialistes de comptabilité, de stratégie et de GRH plaident à leur tour pour des politiques et des pratiques de gestion au service des hommes et de la société, et pour une démarche scientifique et une vision du monde clairement affichées et assumées.