La question du végétarisme est souvent marginalisée, raillée, voire invisibilisée dans les discussions autour des enjeux écologiques et politiques auxquels sont confrontées nos sociétés occidentales. Pourtant, des pratiques végétariennes éclairées et conviviales semblent proposer des avancées intéressantes vers davantage de justice sociale, une meilleure prise en compte du vivant dans son ensemble, et des individus humains et non-humains en particulier. Pourquoi alors tant de mépris ?Il est vrai qu'en révélant que la viande n'est pas l'alpha et l'oméga de nos assiettes, les pratiques végétariennes viennent heurter notre conception traditionnelle de la " bonne alimentation ", où la viande doit être au centre, à la fois sur le plan symbolique comme physique et physiologique. Mais que veut dire consommer ou ne pas consommer de la viande, à la fois dans nos repas quotidiens, mais aussi dans les récits réels ou fictifs qui les entourent ? Quelles représentations véhiculent ces narrations, et comment influencent-elles nos choix alimentaires ? Quels changements ou continuités permettent-ils ?Il est désormais temps de prendre ces questions au sérieux, d'entrer en déprise carniste, comme on entre en révolution, pour changer de paradigme et faire advenir un monde commun plus juste du point de vue animal, social et environnemental.Amandine Andruchiw est docteure en philosophie, chargée de cours en philosophie morale et éthique appliquée à l'université de Reims Champagne-Ardenne. Elle est également la coordinatrice du site Champagne-Ardenne de l'espace de réflexion éthique Grand-Est (EREGE).
Critique, multiple, érudite, chatoyante, la pensée de Michel Foucault ne cesse d'interroger le monde actuel. Elle déploie des concepts et des analyses en mesure d'éclairer sous un jour nouveau nos manières de vivre, de penser, de créer, d'aimer et de résister.Au creux de cette œuvre monumentale, les " espaces autres ", ou " hétérotopies ", jouent un rôle central. Sans autre constante que de se juxtaposer à l'espace réel, d'en inverser le fonctionnement habituel et de régénérer aussi bien les fictions que les imaginaires, ces espaces singuliers ont tout particulièrement trouvé à s'épanouir dans le champ des pratiques artistiques contemporaines. Mais ils offrent aussi des pistes concrètes pour interroger les réalités et les expérimentations des corps contemporains: les pluralités mouvantes de leurs contours, de leurs rencontres et de leurs genres.Depuis le site des hétérotopies, au carrefour de la fiction et du réel, du collectif et de l'individuel, de l'art et de la philosophie, à la manière de Micromégas, passant de rayon en rayon, notre ouvrage se propose donc d'explorer un peu de l'univers de Foucault pour penser le présent.
Notre ouvrage propose une réflexion sur les moyens de la mise en commun des milieux vivants: par le fil de la vie? par la littérature? par les épidémies et notre mode de vie rapprochée? par la ville? par la fonction d'exaptation? par l'art du pistage? par la symbolisation? par le jeu? par le regard? par l'exigence d'apparaître? par l'intention de faire comme si? Nous espérons que ces questions trouvent des éléments de réponse pour mieux partager les milieux vivants et permettre à tout être vivant de se faire son milieu et de trouver sa place comme sujet d'une vie à la première personne.
Comment partager les milieux vivants de manière à ce que chaque individu humain et autre qu'humain y trouve sa place, puisse y faire son milieu? Penser les milieux vivants en commun engage une réflexion sur l'universel: tout individu vit dans un milieu. Mais cela engage une nouvelle conception de l'universel décentrée de l'humain et refondée dans les milieux vivants (qui incluent l'espèce humaine). Approcher l'universel des milieux vivants, c'est penser un sujet collectif et politique qui a des droits (pour les individus humains et autres qu'humains) et des devoirs (pour les individus humains seulement, selon la règle du pollueur-payeur car seuls les humains détruisent l'habitabilité et la cohabitabilité du monde). Les droits de ce sujet collectif se résument à un seul: le droit de vivre dans un monde durable et même désirable par sa qualité de vie; et les devoirs eux aussi se résument à un seul: le devoir de protéger la cohabitabilité de ce monde, la coexistence d'individus humains et autres qu'humains qui pourront tous y déployer leur style de vie et leur projet de vie en termes de situation et de liberté.
Claude Cahun et Marcel Moore forment un duo d'artistes exceptionnelles tant par leur œuvre que par leur courage. Elles résistent au double sens du terme. Dès 1940, elles posent des tracts sur les parebrises des véhicules militaires pour saper le moral des soldats allemands, tandis que leurs mises en scènes, leurs autoportraits, leurs images et leurs textes résistent aux classements, aux catégories, aux cases toutes faites. En politique comme en art, Cahun et Moore luttent contre l'injustice, sapent les fondements de l'autorité, subvertissent l'ordre établi, démultiplient les possibles. Mais leur travail résiste aussi à l'érosion du temps: il continue d'influencer la pratique d'innombrables artistes contemporains. Présenter les différentes facettes du chemin de vie de Claude Cahun et de Marcel Moore, réfléchir quelques-uns des infinis miroitements artistiques et montrer l'impact de leur héritage sur notre temps présent, tels sont les enjeux de cet ouvrage entre art et philosophie.
Ce recueil de Mélanges en hommage à René Daval rassemble quinze textes écrits par des auteurs souvent proches du philosophe, et qui ont apprécié à la fois ses qualités humaines de gentillesse, de générosité et de modestie, et son travail de philosophe éclectique qui s'est intéressé à de nombreux auteurs depuis le Moyen Âge jusqu'à l'époque contemporaine.
Le 3 octobre 2017 la Ville de Reims rendait hommage à Pierre Hadot en baptisant de son nom une rue dans le quartier de Clairmarais. Nous avons réuni dans ce petit volume les trois conférences prononcées à l'occasion de l'inauguration de la rue Pierre-Hadot. Chacune d'entre elles représente l'une des grandes lignes de force de l'œuvre du philosophe: l'histoire, la pensée antique et l'hellénisme, et enfin la philosophie pensée comme un exercice spirituel ou une manière de vivre, dans le droit sillage de la figure de Socrate qui n'a pas voulu choisir, à la fin de sa vie, entre la philosophie et la poésie. Ces trois textes sont les trois brins de la tresse qui nous lie de manière robuste et vivante à la mémoire de Pierre Hadot et à son œuvre.
L'œuvre de Pier Paolo Pasolini offre une véritable artillerie conceptuelle, poétique et visuelle pour critiquer notre conformisme, créer de nouveaux chemins de traverse, disloquer les certitudes. Le poète abjure nos comportements quand ils sont pétris de ce qu'il appelle le " néo-fascisme " ou le pouvoir " sans visage ni nom ". Conscient de notre " obligation à utiliser une liberté concédée " par la société de consommation triomphante, Pasolini nous invite à résister à travers les images, le langage et les corps. Cette nouvelle trinité s'impose comme un véritable prisme blasphématoire où se diffractent des couleurs inédites et changeantes. Son invitation à " exercer l'effort nécessaire pour augmenter encore un peu plus les possibilités du représentable " vaut aujourd'hui plus que jamais. Les contributions ici réunies, entre art et philosophie, font de lui notre contemporaine.
Un siècle après la Première Guerre mondiale, le domaine de la guerre, tel l'univers, est en expansion: nouvelles technologies, prolifération d'images, formes de violence inédites, fronts et frontières sans cesse déplacés. La guerre envahit les territoires. Elle redessine les cartes. Elle étend les luttes. Elle marque les imaginaires aussi bien géographiques qu'humains. L'hypothèse de ce livre est double: cette insistance de la guerre dit quelque chose du réel de notre civilisation; les artistes nous frayent la voie pour le comprendre. Loin des vœux pieux, des bons sentiments ou des idéaux guerriers, la philosophie, la psychanalyse et l'art contemporain sont ici au travail pour traiter du phénomène et pen/(pan)ser les blessures individuelles et sociales. Cet ouvrage est le fruit d'une collaboration exceptionnelle entre artistes, philosophes et psychanalystes.