En septembre 2008 éclate en Colombie une affaire connue sous le nom de "Faux positifs": une vingtaine de jeunes hommes issus de Soacha, banlieue pauvre de Bogota, ont été attirés par la ruse dans le nord-est du pays, pour être tués par l'armée et présentés comme des combattants de groupes armés illégaux. Cette affaire a mis au jour un scandale d'ampleur nationale, celui de l'assassinat d'au moins 6402 civils par l'armée dans le cadre de la politique de Sécurité démocratique du président d'alors, Álvaro Uribe Vélez (2002-2010).La lutte pour la vérité et la justice entreprise par les familles de victimes a permis de rendre visible ce phénomène, alors que des pressions négationnistes s'exerçaient pour en remettre en cause l'existence, puis l'ampleur. L'ouverture du troisième volet de la Justice spéciale pour la paix (JEP), consacré aux "crimes et aux disparitions forcées de personnes présentées comme mortes au combat par des agents de l'État", a donné la parole tant aux victimes qu'aux responsables de ces crimes lors d'audiences publiques.Un aspect passé sous silence est le sort des militaires qui se sont opposés à une politique du chiffre assortie de récompenses qui a mené à enfreindre les règles de la guerre et la doctrine de respect des droits humains de l'armée, débouchant sur ces crimes contre l'humanité. Cette enquête dévoile un modus operandi s'exerçant de la même façon sur les civils et sur les militaires qui ont tenté de freiner ou de dénoncer ces atteintes aux droits humains.
L'eau constitue une ressource à la fois vitale pour les populations et stratégique pour les économies des Amériques. Dans un contexte de changement climatique et d'accroissement des pressions d'usage, accéder à l'eau n'est plus garanti, ce qui avive les conflits et conduit les États à modifier leurs politiques hydriques. Si les villes américaines constituent des scènes pertinentes pour inventer des modes de gestion plus attentifs à l'environnement, les rapports de forces entre groupes sociaux et les inerties institutionnelles semblent cependant entraver la consolidation de tout processus de changement. Les contributions interdisciplinaires et internationales réunies dans cet ouvrage présentent les enjeux de la conservation et du juste partage des eaux dans les sociétés américaines contemporaines. Elles entendent contribuer à l'analyse des conditions d'émergence de nouveaux paradigmes en matière de politiques hydriques.
Mobilisations aux marges de la légalité au Pérou et en Bolivie
Ces dernières décennies, la production et le trafic de drogues ont souvent été étudiés sous un angle alarmiste et sensationnaliste, à travers la menace de l'absence, la défaillance ou la complicité des États dans les régions concernées par le trafic ou la production de drogues. En revanche, plus rares sont les études qui ont tâché d'avancer cet argument en adoptant un regard "par le bas", en analysant en quoi les activités illégales constituent aussi des activités de subsistance qui soutiennent autant des mobilisations que des actions de gouvernement.Cet ouvrage propose de combler ce manque à partir de l'étude de la production de coca en Bolivie et au Pérou pour analyser les interactions complexes entre État, économie illicite et mobilisations à partir de l'étude du rapport à l'État qu'entretiennent les cultivateurs de coca et leurs organisations sociales. Il prend pour point de départ deux régions productrices – le Tropique de Cochabamba (Bolivie) et la Vallée des fleuves Apurimac, Ene et Mantaro (Pérou) - pour lesquelles il est estimé que près de 90% de la coca est destinée aux marchés illicites de la cocaïne.Par l'étude comparée de ces deux cas et grâce à une enquête ethnographique longue, il ressort que les mobilisations de défense de la coca ne s'inscrivent pas contre l'État, mais bien avec lui. Grâce à la coca, les organisations de cultivateurs parviennent consolider des pratiques de gouvernement local, construisent du commun et des espaces d'autonomie qui leur permettent de se mobiliser. Pour autant, elles savent également jouer avec une certaine malice sur les registres dominants des risques associés au narcotrafic, au narcoterrorisme pour faire valoir de nouvelles infrastructures, des services publics, des fonctions politiques et administratives que leurs dirigeants parviennent à occuper. Ce faisant, ces organisations, dirigeants et cultivateurs parviennent à "saisir l'État", ce qui leur permet à la fois d'administrer les ressources étatiques mais également retracer les frontières des activités légales et illégales, licites et illicites.Les mécanismes par lesquels cultivateurs de coca et organisations sociales parviennent à se saisir de l'État diffèrent sensiblement en fonction des relations État-sociétés et de l'ancrage des partis politiques au niveau national, laissant dévoiler l'importance des relations corporatistes dans la Bolivie d'Evo Morales et des logiques entrepreneuriales dans un Pérou marqué par une importante défiance à l'égard du personnel politique.
Francia – América Latina : carteles de solidaridad (años 70-80)
Procedentes de las colecciones de la Biblioteca Pierre Monbeig (Instituto de Altos Estudios de América Latina, Universidad Sorbona Nueva) y ya integrados a la Humateca del Campus Condorcet, los carteles reunidos en este catálogo dan cuenta de las redes de solidaridad política con América latina que se desarrollaron en Francia en los años 1970 y 1980 a través de los miles de carteles militantes que éstas produjeron.Desde la solidaridad revolucionaria hasta la denuncia de la represión y del terrorismo de Estado instaurado por los regímenes de seguridad nacional, pasando por la crítica al imperialismo y por la progresiva afirmación de la cuestiones de los derechos humanos, estos carteles dan testimonio de las turbulencias de la historia latinoamericana durante esas dos décadas conflictivas, de las pasiones políticas que suscitaron en Francia y de la diversidad de actores que se movilizaron, pero también de las evoluciones técnicas del grafismo político post-1968 y de las circulaciones artísticas internacionales de la segunda mitad del siglo XX.
Imaginaires politiques de la yerba mate dans l'entre-deux-guerres argentin
Ce livre retrace l'histoire du maté, cette boisson argentine aujourd'hui très populaire dans le Cône Sud de l'Amérique latine et médiatiquement très visibilisée grâce à certains joueurs de foot mondialement connus (Messi, Griezmann). Cette boisson a pourtant longtemps été méprisée, associée à la pauvreté et reléguée au rang de coutume barbare. Ce n'est qu'à partir des années 1920 et 1930 que les imaginaires produits autour de cette boisson connaissent un tournant politique.Les chapitres de cet ouvrage explorent les facteurs politiques, économiques et symboliques de cette rupture, à l'heure d'une véritable défense étatique de l'industrie yerbatera argentine, de l'essor d'une littérature scientifico-médicale hygiéniste, et d'une scène intellectuelle traversée par des débats sur l'identité et la question nationale.Si l'État argentin occupe un rôle majeur dans la défense de son industrie yerbatera, qu'il élève au rang d'industrie patriotique, les acteurs privés (marques de maté) sont le moteur principal de la production d'imaginaires modernes associés à la yerba. L'industrie de la publicité en Argentine, en plein essor dans l'entre-deux-guerres, puise dans une industrie culturelle états-unienne qui véhicule une certaine image de la modernité (rôles de genre par exemple). La tension que cet ouvrage explore réside dans cette américanisation de la société argentine, au moyen des nouvelles représentations modernes du maté, qui produit du national.
Le Dictionnaire politique de l'Amérique latine dresse un état des savoirs produits en Amérique latine et montre leur apport pour l'analyse du politique au Nord comme au Sud. Il présente, de manière synthétique, les notions et concepts centraux utilisés pour étudier le politique en Amérique latine.Il a pour originalité de revisiter certaines thématiques centrales des sciences humaines et sociales à l'aune de travaux peu connus en dehors des cercles d'enseignant·es-chercheur·es latino-américanistes. Les recherches menées depuis des cas situés en Amérique latine ont contribué au développement de nouvelles approches qui peuvent en retour nourrir les travaux des chercheur·es européen·nes et nord-américain·es sur ces mêmes phénomènes. C'est le cas, par exemple, de la question de la construction de l'État ou de celle des rapports ordinaires au politique en Amérique latine.Ce dictionnaire veut également rendre accessibles des travaux portant sur des concepts spécifiques développés pour penser le politique en Amérique latine et susceptibles d'alimenter plusieurs champs de recherche à partir d'un regard nouveau. Par exemple, le concept de colonialité, tel qu'il a été développé pour et depuis l'Amérique latine, peut dialoguer avec les travaux menés sur les expériences coloniales ailleurs dans le monde.S'il se concentre sur une " aire culturelle ", son apport ne se réduit donc pas à l'étude de l'Amérique latine. Organisé sous la forme de notices, il présente un état des débats en sciences humaines et sociales sur une série d'enjeux historiques ou d'actualité, tels que la construction des systèmes représentatifs, l'esclavage, l'indigénisme ou la gestion des risques naturels, mais également sur des concepts centraux de la recherche latino-américaniste tels que le clientélisme, le militarisme, le populisme ou la démocratie participative. Ainsi, ce dictionnaire s'adresse à tou·tes les étudiant·es, enseignant·es et chercheur·es en sciences humaines et sociales, ainsi qu'à tous les publics intéressés par l'Amérique latine, qui souhaitent saisir, dans une perspective comparative, la diversité des approches autour d'un enjeu ou concept selon les territoires.
Magdalena. Femmes du fleuve est un roman graphique issu d'un processus de recherche-création sur la vie des paysannes habitant sur les rives du fleuve Magdalena en Colombie. Le livre part de la source dans les montagnes andines et suit le cours du fleuve jusqu'à son embouchure dans la mer des Caraïbes. Il parcourt les histoires de huit femmes et les récits qu'elles tissent en relation avec les gens du fleuve, l'eau, la faune, la flore. Le roman montre également les résistances de ces femmes face aux projets d'aménagement et extractifs qui interrompent le cours de l'eau, ainsi que les voies parallèles de réexistence pour réinventer la vie après certaines conséquences irréparables. L'objectif de ce livre, au croisement de la recherche scientifique en géographie et de la création artistique, est de mettre en lumière des histoires de vie qui ne sont pas souvent racontées, des réalités invisibilisées par des récits sur le fleuve essentiellement utilitaristes ou portés par des voix masculines. Magdalena souhaite faire exister non seulement les pluralités de formes selon lesquelles les femmes vivent sur et avec le fleuve Magdalena, ainsi que les continuités écologiques et culturelles qui unissent ce grand territoire de terre et d'eau.
De la dictature à la démocratie, de la rue aux institutions
Au croisement de la sociologie des mouvements sociaux et de la sociologie de l'action publique, ce livre présente la genèse de la Commission de la vérité de la démocratie Mères de mai (CVDMM) créée au sein de l'Assemblée législative de l'État de Sao Paulo en 2015. Il vise à mettre en lumière la violence policière perpétrée par des agents de la Police militaire depuis le retour à la démocratie. Comment expliquer l'utilisation d'une commission de la vérité, instrument de justice transitionnelle normalement utilisé après une dictature? Que révèle-t-elle? En adoptant une approche généalogique qui s'intéresse aux processus de mobilisation et d'alliance, l'autrice montre que la CVDMM résulte d'un rapprochement entre des actrices et acteurs de la cause de la mémoire, la vérité et la justice relative à la dictature (1964-1985), et les Mères de mai, un collectif fondé par des mères de victimes de la violence policière dans les favelas et les périphéries.
Ethnographier la vente et la collecte de plantes médicinales au Paraguay
Derrière l'exaltation identitaire dont le tereré et les Pohã Ñana sont l'objet et la chaîne de distribution officielle de ces derniers, des femmes et des hommes se consacrent à leur vente et leur collecte, en retrait et pourtant essentiels à la consommation de la boisson phare avec ses remèdes. De mains en mains, des marchés ou angles de rues aux terres d'extraction en passant par le domicile familial, l'ouvrage remonte la trajectoire des yuyos ou plantes médicinales pour mieux mettre en relief le quotidien et le travail de celles et ceux qui les vendent et les collectent au Paraguay. Ce livre suit la piste des plantes pour retrouver celle des personnes en toute part et si invisibles à la fois.