Entre l'armistice de 1918 et la crise de 1929, les années vingt, profondément marquées par les horreurs de la Grande Guerre, présentent un mélange très singulier de désarroi, de révolte et de frivolité. À la fin des combats, tout un monde s'écroule, plongeant modèles et valeurs dans une crise durable. En cette période d'extraordinaire effervescence, la table rase et l'expérimentation sans tabous sont à l'ordre du jour. Les mœurs oscillent entre émancipation et détraquement. Amour et libertinage jouent à cache-cache aux quatre coins de l'Europe. Discréditée par le conflit, la politique hésite entre les tentations du communisme et du fascisme. Et la littérature, gagnée elle aussi par la difficulté d'être, cherche les voies de son renouvellement.Cocteau et Morand se font les impresarios de cette époque en mouvement perpétuel dont Maurice Sachs et Armand Lanoux tiennent la chronique. Soutenus par un développement sans précédent des transports et des médias, l'éloge de la vitesse et le " bel optimisme des machines " cher à Cendrars se diffusent comme des mots de passe. Sous le signe du jazz, la mythologie de cette folle époque se forge au cabaret Le Bœuf sur le toit, tandis que la Lulu de Pabst et la garçonne, Fantômas et Charlot tendent leurs miroirs aux inquiétudes du temps.À la révolution générale prônée par le groupe surréaliste réplique le " rappel à l'ordre " lancé par Cocteau en rupture avec l'avant-garde. Plus que toute autre forme d'écriture, le roman fait l'objet de tentatives multiples dans une production inflationniste. Au " nouveau mal du siècle " d'une génération bouleversée par la guerre font écho, ici, un renouveau de l'aventure et, là, un regain de la spiritualité.Au cœur des " Années folles ", l'année 1925 marque un apogée et un tournant. Deux manifestations dominent la saison à Paris : la Revue nègre, avec Joséphine Baker et Sidney Bechet, donne le ton au Théâtre des Champs-Élysées, tandis que l'Exposition des Arts Décoratifs et Industriels Modernes – les " Arts décos " – va donner son nom à l'époque et définir le style des années vingt.C'est à caractériser l'esprit de 1925 dans le fragile équilibre de ses tendances et de ses tensions que le colloque de Nanterre est consacré.