Au printemps 1650, le tableau du Ravissement de saint Paul de Nicolas Poussin (musée du Louvre) quittait Rome pour Paris. Il avait fallu cinq ans pour que le peintre finisse par satisfaire la demande du poète Paul Scarron. Vingt ans après, le même tableau était extrait des collections de Louis XIV pour être commenté deux fois au sein de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Les deux conférences, dont l'une de Charles Le Brun, soulignaient les exceptionnelles qualités formelles de l'œuvre et la complexité de son contenu.Comment comprendre qu'un tableau que Poussin a peint contre son gré ait le plus suscité l'attention des peintres français du xviie siècle ? Telle est la contradiction à laquelle cet essai se confronte, en scrutant le tableau avec minutie et en s' ...
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Avant-propos L'historien de l'art et le retour à l'œuvre Les intentions d'un peintre L'œuvre d'art, entre histoire et herméneutique Nicolas Poussin et la notion d'invention picturale Regarder le Ravissement de saint Paul de Nicolas Poussin aujourd'hui " Un tableau pour monsieur Scarron " Sur la commande Des sources positives La commande telle qu'on peut l'imaginer Poussin et Scarron Le vertige des sens Expérience du tableau et description La composition générale La représentation de l'architecture et la composition des lieux Le groupe de figures Couleurs et coloris La partie inférieure du tableau Une convergence des effets Dans la besace du peintre Le vieil homme et la grâce Le sujet, ses significations et les qualités du tableau Les versets de saint Paul sur le ravissementet leur glose au xviie siècle Saint Paul et la connaissance des hiérarchies célestes Ascension, suspension. Le combat spirituel et l'expérience de la grâce Gauche ou droite ? La carrière du Salut Rome, 1649 La tradition artistique et le langage du peintre Souvenirs du Ravissement pour Chantelou (1643) Les représentations de saint Paul sous le pontificat de Paul V Borghèse L'émulation avec l'école bolonaise Poussin et la culture visuelle du bel composto Le Ravissement de saint Paul et la manière poussinienne Poussin et Raphaël, le tableau comme vision ? Une machine herméneutique expédiée à Paris (1650-1670) Hypothèses sur une réception parisienne autour de 1650 Une consommation burlesque du tableau ? La figuration sublime d'une stase La conception de la peinture d'histoire et la perfection du langage hiéroglyphique Le sujet " mystérieux " du Ravissement : du hiéroglyphe au tableau énigmatique Une clef de l'énigme ? Nouvelles appropriations du tableau dans le cadre de l'Académie royale de peinture et de sculpture (1670-1671) Acte I. Jean Nocret et la célébration de Poussin coloriste Acte II. Charles Le Brun contre-attaque, ou comment Poussin devient théologien Le Ravissement et l'ouverture des débats sur le coloris à l'Académie Langage hiéroglyphique et lecture énigmatique selon Le Brun L'exégèse de Le Brun à l'épreuve de la théologie de la grâce Les usages de Poussin et le combat pour la prééminence à l'Académie Le Brun et Poussin Conclusion Nicolas Poussin et l'invention du Ravissement de saint Paul Nécessité et difficulté de l'interprétation d'un tableau L'étude d'une œuvre singulière ou la distinction des questions bien et mal posées L'étude de cas en histoire de l'art Annexe Sources du xviie siècle sur le Ravissement de saint Paul 1. Jean Nocret, conférence académique du 6 décembre 1670 2. Charles Le Brun, conférence académique du 10 janvier 1671 3. André Félibien, Tableaux du Cabinet du roy. Statues et bustes antiques des maisons royales, t. 1, Paris, Imprimerie royale, 1677 Sources et bibliographie Crédits photographiques Cahier couleur
Au printemps 1650, le tableau du Ravissement de saint Paul de Nicolas Poussin (musée du Louvre) quittait Rome pour Paris. Il avait fallu cinq ans pour que le peintre finisse par satisfaire la demande du poète Paul Scarron. Vingt ans après, le même tableau était extrait des collections de Louis XIV pour être commenté deux fois au sein de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Les deux conférences, dont l'une de Charles Le Brun, soulignaient les exceptionnelles qualités formelles de l'œuvre et la complexité de son contenu.Comment comprendre qu'un tableau que Poussin a peint contre son gré ait le plus suscité l'attention des peintres français du xviie siècle ? Telle est la contradiction à laquelle cet essai se confronte, en scrutant le tableau avec minutie et en s'interrogeant sur la capacité d'un regard contemporain à rendre compte d'un tableau ancien. Comment un peintre isolé vivant à Rome pouvait-il concevoir un sujet religieux qu'il savait devoir être goûté dans un salon littéraire parisien ? À quels types d'attentes, mondaines, culturelles, poétiques ou spirituelles pouvait-il vouloir répondre ? En quelle mesure le lieu de création, la Rome baroque, participe-t-il de la spécificité du tableau ? Comment comprendre la fortune singulière de celui-ci dans la France du Grand Siècle ?À travers l'étude de la genèse puis de la réception du Ravissement de saint Paul, du milieu des années 1640 à la fin des années 1670, il s'agit de mieux cerner la manière dont un artiste éminent pouvait appréhender la production d'un tableau et les modalités par lesquelles une œuvre pouvait être attendue, réinventée, intronisée enfin en sa qualité d'œuvre d'art dans la société du xviie siècle.Marianne Cojannot-Le Blanc est professeur d'histoire de l'art moderne à l'université Paris Ouest Nanterre La Défense.