C'est à Lyon, entre octobre 1831 et mai 1834, que parut le premier journal ouvrier pérenne publié en France. Là, aux temps des insurrections, les canuts créèrent leur propre organe, un hebdomadaire de huit pages sur deux colonnes, L'Écho de la fabrique. Durant une cinquantaine de mois, les chefs d'ateliers et ouvriers en soie allaient s'entendre, s'informer, débattre, prendre voix dans leur journal, semaines après semaines, pour tenter d'adapter le régime complexe de la fabrique lyonnaise à l'évolution industrielle en cours, de manière à préserver leur autonomie et leur liberté.Pour cela, Antoine Vidal, Joachim Falconnet, Marius Chastaing, Joseph Bouvery, Jacques Rivière Cadet, Michel-Marie Derrion, César Bernard, mais aussi une multitude de correspondants locaux ont débattu dans les pages de L'Écho de " l'association industrielle " et de " l'enseignement mutuel " ; ils ont tenu la chronique des séances du conseil des prud'hommes, se sont informés des nouvelles panacées saint-simoniennes, républicaines ou fouriéristes ; ils ont développé leurs réflexions sur l'économie sociale, présenté leurs poèmes, chansons et charades, ou encore multiplié les conseils pratiques, dans le domaine de l'hygiène aussi bien que dans celui de la " jurisprudence usuelle ". Proposant des " lectures prolétaires ", ils ont croisé le fer avec les journaux rivaux, notamment le Courrier de Lyon, organe de la préfecture.Le présent ouvrage est issu de journées d'études organisées à Lyon en septembre 2007 et consacrées à la naissance de cette petite presse ouvrière des années 1831-1834. Ces journées réunirent historiens, sociologues, littéraires, linguistes, politistes, philosophes et économistes, tous s'étant proposés de traverser le corpus de L'Écho de la fabrique selon leurs propres curiosités et interrogations. Les perspectives disciplinaires mises en oeuvre révèlent la richesse de ce journal ouvrier, apportent des éclairages stimulants tout en suscitant de nouvelles réflexions.