La société française est-elle aussi universaliste et aveugle à l'ethnicité qu'elle semble vouloir le croire ? Le détour comparatif par le Royaume-Uni conduit au contraire à mettre à distance l'idée d'un " modèle français républicain d'intégration ". À partir d'une enquête de terrain consacrée aux politiques du logement social à Birmingham et à Marseille, la recherche présentée dans ce livre montre comment, en France comme au Royaume-Uni, la politique du logement social contribue à la construction des frontières ethniques et produit des catégorisations, des discriminations, et de la ségrégation ethniques. On ne peut, en conséquence, opposer un modèle français universaliste, qui serait aveugle à l'ethnicité, à un modèle britannique multiculturaliste, qui reconnaîtrait les différences ethniques et mobiliserait des catégories ethniques. Des deux côtés de la Manche, on peut mettre en évidence les ressorts d'une production institutionnelle des discriminations, notamment au niveau des attributions de logements sociaux. Les institutions qui fabriquent la politique du logement social construisent et mobilisent de façon routinière des catégorisations ethniques et développent des logiques d'ethnicisation, de discrimination, et/ou de ségrégation des groupes minorisés. La comparaison franco-britannique éclaire aussi les apories des politiques locales visant à lutter contre les discriminations. Au Royaume-Uni, la stratégie multiculturaliste, fondée sur la reconnaissance de la " différence culturelle " et des communautés ethniques, favorise l'euphémisation des discriminations ethniques en simples " différences culturelles ". En France, la stratégie universaliste, sous-tendue par le mythe républicain de l'indifférenciation ethnique, nourrit le déni des discriminations ethniques, euphémisées en inégalités socio-économiques ou attribuées à l'" inadaptation " de certains groupes.