En septembre 2008 éclate en Colombie une affaire connue sous le nom de "Faux positifs": une vingtaine de jeunes hommes issus de Soacha, banlieue pauvre de Bogota, ont été attirés par la ruse dans le nord-est du pays, pour être tués par l'armée et présentés comme des combattants de groupes armés illégaux. Cette affaire a mis au jour un scandale d'ampleur nationale, celui de l'assassinat d'au moins 6402 civils par l'armée dans le cadre de la politique de Sécurité démocratique du président d'alors, Álvaro Uribe Vélez (2002-2010).La lutte pour la vérité et la justice entreprise par les familles de victimes a permis de rendre visible ce phénomène, alors que des pressions négationnistes s'exerçaient pour en remettre en cause l'existence, puis l'ampleur. L'ouverture du troisième volet de la Justice spéciale pour la paix (JEP), consacré aux "crimes et aux disparitions forcées de personnes présentées comme mortes au combat par des agents de l'État", a donné la parole tant aux victimes qu'aux responsables de ces crimes lors d'audiences publiques.Un aspect passé sous silence est le sort des militaires qui se sont opposés à une politique du chiffre assortie de récompenses qui a mené à enfreindre les règles de la guerre et la doctrine de respect des droits humains de l'armée, débouchant sur ces crimes contre l'humanité. Cette enquête dévoile un modus operandi s'exerçant de la même façon sur les civils et sur les militaires qui ont tenté de freiner ou de dénoncer ces atteintes aux droits humains.
Survivre et décider dans l'univers concentrationnaire
Dans une Europe sous la domination du régime national-socialiste, en particulier dans les ghettos, dans les camps de concentration et dans les camps d'extermination, des hommes et des femmes furent confrontés à la nécessité de faire des choix dans des conditions extrêmes. Plusieurs récits sont parvenus jusqu'à nous: une mère a dû sacrifier un de ses enfants pour permettre à un autre de vivre; un détenu devenu " Kapo " a été contraint de choisir quels prisonniers protéger au détriment des autres; un médecin ou soignant a dû choisir quels malades à l'infirmerie avaient le plus de chance de survivre pour leur éviter la sélection… Dans ces conditions extrêmes, l'ensemble des valeurs qui présidaient au choix entraient en conflit – qu'elles soient liées à la morale individuelle, à l'éthique professionnelle ou à la logique d'une résistance collective. En cela, le choix était à la fois impossible et en même temps inévitable et nécessaire. Le spécialiste de la littérature sur le génocide juif, Lawrence L. Langer, l'a désigné en 1980 par l'expression de choiceless choice: un non-choix, c'est-à-dire un choix qui n'en est pas un.
Avant d'émigrer en Palestine en 1923 et de devenir le spécialiste universellement reconnu de la cabale et de la mystique juive, auteur d'une œuvre magistrale, Gershom Scholem (1897-1982) a grandi à Berlin dans une famille juive assimilée à la culture allemande. Adolescent, il redécouvre ses racines, étudie le Talmud, les mathématiques et la philosophie, fréquente Martin Buber et les milieux Ostjuden, fait la rencontre déterminante de Walter Benjamin et réfléchit sur le sionisme. Son journal de jeunesse, écrit dans une langue fiévreuse et foisonnante, constitue un témoignage irremplaçable sur l'Allemagne pré-hitlérienne et la genèse de sa pensée.
De la campagne toulousaine de son enfance au Nebraska de sa mère ou à l'Algérie de son père, en passant par le Maroc et la Palestine, ce livre dessine la géographie sensible d'une historienne " qui apprend la société par les gens ". Mille histoires diraient la mienne n'est pas une autobiographie, ni tout à fait un récit littéraire, encore moins une étude scientifique classique, c'est un questionnement. Dans ces pages où pointent la colère et l'urgence, elle tisse les enjeux de transmission de la culture et de la mémoire dans un récit vibrant. En résulte un texte attentif aux détails des lieux et des objets de la vie courante, en écho à sa manière de faire de l'histoire. Son livre est une réflexion puissante sur l'écriture de l'histoire, entre justesse et justice." Je m'appelle Malika Rahal et je suis une historienne du temps présent, de ce temps dont les témoins et acteurs sont encore en vie. " Malika Rahal revient ici sur son parcours d'émancipation intellectuelle, qui a conduit la petite fille d'une famille d'immigrés atypique à devenir historienne. Connue aujourd'hui pour ses recherches sur la guerre d'Indépendance en Algérie, l'autrice nous livre un texte très personnel, dans lequel les vivants et les morts de son histoire se mêlent à ceux de ses enquêtes.Dans ces pages où pointent la colère et l'urgence, elle tisse les enjeux de transmission de la culture et de la mémoire dans un récit vibrant. En résulte un texte attentif aux détails des lieux et des objets de la vie courante, en écho à sa manière de faire de l'histoire. Lorsqu'elle ouvre le placard à épices de sa cuisine, écoute les disques vinyles de ses parents ou regarde les photos de famille, c'est toujours en historienne: elle fait le lien avec sa pratique d'enseignante et de chercheuse, raconte son rapport aux témoins et à leurs récits. Son livre est une réflexion puissante sur l'écriture de l'histoire, entre justesse et justice
Le rôle du Vorort face aux organisations patronales européennes
Contrairement aux récits classiques qui présentent la Suisse comme un petit État neutre et impuissant face aux pays voisins, cet ouvrage place sa politique extérieure au coeur des rivalités économiques du continent. Entre 1957 et 1984, le grand patronat suisse a joué un rôle décisif dans la politique européenne de la Confédération. Conjointement, les autorités et le patronat ont oeuvré pour préserver la souveraineté économique du pays afin de maximiser leurs profits et leur expansion sur les marchés internationaux.Ludovic Iberg met en lumière les stratégies et les acteurs qui ont permis à la Suisse de résister à l'intégration proposée par l'ancêtre de l'Union européenne, la Communauté économique européenne, perçue comme une menace pour son indépendance commerciale. Au coeur de cette résistance se trouvent des dynamiques capitalistes visant à protéger les secteurs industriels de pointe et à éviter toute subordination aux grandes puissances européennes. Un autre facteur crucial de cette opposition est de maintenir un modèle économique distinct, fortement opposé aux tendances dirigistes et à l'État-providence en plein développement dans d'autres pays européens. Pour cela, le patronat suisse a su maintenir et discipliner le " bloc bourgeois ", tout en s'appuyant sur des alliances stratégiques, notamment avec les dirigeants ouest-allemands.En revisitant cette période sous le prisme économique, cette étude apporte un éclairage nouveau sur les stratégies qui ont façonné la politique européenne de la Suisse, révélant des acteurs politiques et économiques bien plus actifs et influents qu'on ne l'a longtemps pensé.
Regards croisés sur les 50 ans de la Fondation Les Castors
La Fondation Les Castors (FLC) a vu le jour le 16 avril 1973. Elle apportait alors une assise juridique à l'action engagée par une poignée de mamans déterminées à offrir un lieu de travail et de vie à leurs enfants en situation de handicap.Cinquante ans plus tard, la FLC est devenue l'institution jurassienne la plus importante dans son domaine. Elle accueille plus de trois cents personnes au sein de trois entités, les Ateliers Protégés Jurassiens, le Foyer de Porrentruy et le Foyer Les Fontenattes.La célébration de ses 50 ans a été l'occasion de retracer le chemin parcouru, avec en arrière-fond l'évolution de la manière de considérer la personne en situation de handicap. Née à l'heure de l'institutionnalisation, la FLC a évolué vers l'inclusion. Ce livre revient sur les faits marquants de ce demi-siècle d'existence, associant l'histoire institutionnelle et la parole des bénéficiaires. Un travail photographique original de Daniel Caccin enrichit le propos historique avec un regard ouvert sur le présent.
Le cimetière des Chaprais à Besançon au XIXe siècle. 2e édition revue et augmentée
Le cimetière des Chaprais, le plus grand des cimetières bisontins, fête son bicentenaire à la fin de l'année 2024. Ouvert en pleine époque romantique, véritable musée en plein air, ce cimetière a été classé monument historique en 1977 du fait de sa richesse patrimoniale et artistique. C'est l'occasion de rééditer l'étude d'Anne-Lise Thierry, historienne de l'art, publiée en 1987 et réactualisée.À partir d'un échantillonnage limité mais significatif, l'historienne s'attache à en dégager les caractéristiques historiques, sociologiques et artistiques.L'ouvrage, abondamment illustré, est enrichi par quelques notices sur les personnalités qui y sont inhumés.
Contraintes et opportunités des enfants et adolescents placés dans les cantons de Fribourg et de Neuchâtel (1950–1985)
" J'ai dix-huit ans passé, je n'ai aucun métier dans les mains, c'est vraiment triste. " Voici comment Gérard*, placé dans diverses familles et foyers d'accueil, résume sa situation professionnelle. Tout comme lui, de nombreux enfants et adolescent·e·s placés durant les années 1950 à 1980 peinent à acquérir des ressources pour leur entrée dans la vie adulte. Pourtant, à cette même époque, commence une transition économique et sociale permettant la démocratisation des études et l'explosion de la culture et de la sociabilité de la jeunesse. La modernisation et les progrès apparents ne touchent cependant pas toutes les catégories de population de la même manière. Les jeunes placés sont particulièrement prétérités et peuvent être considérés comme les oubliés des Trente Glorieuses: ils restent en marge de ces évolutions et sont confrontés à une réalité bien différente de celle de la majorité lorsqu'il s'agit d'effectuer une formation et de nouer des relations durables.À partir de dossiers individuels, cet ouvrage met en évidence les difficultés rencontrées par les jeunes placés pour acquérir du capital humain et du capital social. Comment les autorités justifient-elles les placements et comment ces mesures sont-elles concrétisées? De quelles opportunités de formation les jeunes placés disposent-ils? Quelles relations sociales peuvent-ils développer pendant la durée de l'intervention?
Entre essai et manuel universitaire, cet ouvrage analyse l'histoire politique de l'Espagne depuis la mort de Franco. Il traite successivement de la transition démocratique, de la période socialiste (1982-1996), et des années 1996 à nos jours, marquées par les alternances et crises politiques, économiques, institutionnelles et séparatistes, auxquelles le pays est confronté. Malgré les tensions, la démocratie espagnole se normalise et s'européanise. Ce travail s'inscrit dans le renouveau de l'histoire politique et invite le lecteur à une approche nuancée de l'histoire politique espagnole récente.
Le volontariat international combattant dans la guerre d'Espagne (1936-1938)
La guerre d'Espagne s'est singularisée par le surgissement d'un phénomène considérable bien qu'inattendu: l'arrivée de dizaines de milliers d'étrangers désirant prendre part aux combats. Très majoritairement antifascistes, ils se sont dispersés dans différentes formations combattantes internationales, dont les plus fameuses furent les Brigades internationales mises sur pied par le parti communiste. D'autres ont quant à eux choisi de rejoindre le camp ennemi, précisément par anticommunisme. Cet ouvrage propose de replacer cet épisode célèbre du XXe siècle dans une continuité historique, celle du phénomène du volontariat international combattant, déjà prégnant au XIXe siècle. Il faut pour cela s'émanciper des perspectives qui faisaient des Brigades internationales une séquence inédite et unique pour regarder le phénomène dans son épaisseur, sa pluralité et sa complexité. Durant deux ans, les volontaires internationaux ont combattu dans la guerre civile espagnole selon des modalités propres, souvent concurrentielles, et des attentes diverses, non sans désillusions, déceptions et renoncements. Au-delà des disparités, des affrontements politiques et des controverses mémorielles, le mouvement qui a conduit ces dizaines de volontaires étrangers à venir combattre en Espagne a reposé sur un souffle puissant — ce phénomène exaltant que Malraux a baptisé " illusion lyrique ", et que l'on observe, aujourd'hui encore, dans les conflits armés contemporains.
Objets et pratiques en circulation dans les territoires de l'Axe. Sociétés & Représentations no 58
L'entretien du corps est au cœur de l'idéologie des mouvements et régimes fascistes. Il se fonde sur l'exaltation de la " race ", qui doit régénérer la nation et servir les ambitions expansionnistes et bellicistes des dictateurs. Ce double objectif idéologique et militaire explique la mise en place de pratiques et de consommations liées aux corps d'hommes et de femmes, qu'ils soient enfants et adolescents dans les organisations de jeunesse, travailleurs du monde agricole ou industriel, sportifs amateurs ou professionnels.Ce dossier étudie ce sujet fondamental pour la compréhension des fascismes en partant des circulations d'objets et d'attitudes corporelles liés à l'entretien du corps au cours des années 1930 et 1940 dans les territoires de l'Axe. Il entend contribuer à une histoire du quotidien et du banal dans une période où ces circulations ne vont pas de soi pour les populations, en raison des politiques protectionnistes adoptées par les États dans la crise économique des années 1930, puis des pénuries en temps de guerre et enfin du refus de consommer étranger par patriotisme en contexte d'occupation ou d'annexion.
À la différence de leurs coreligionnaires algériens devenus citoyens français en 1870 par le décret Crémieux, près de 90% des juifs de Tunisie sont de nationalité tunisienne au début du XXe siècle. Ils sont à ce titre appelés " indigènes " par la puissance coloniale, et soumis aux lois du bey. Juifs en terre d'Islam, ils n'ont pas le droit de porter les armes, et ne peuvent combattre qu'en contractant un engagement volontaire. C'est ce que plusieurs centaines d'entre eux font en 1914, alors que la Tunisie, sous protectorat français (1881-1956), est entraînée dans la Première Guerre mondiale. À leurs côtés, les juifs de Tunisie de nationalités italienne et française sont mobilisables dans leur armée respective, jusqu'à ce qu'ils en soient exclus à la suite des lois fascistes en 1938 pour les premiers et du décret-loi de Vichy sur le statut des juifs d'octobre 1940 pour les seconds. Malgré les obstacles posés par l'autorité coloniale et la permanence des discriminations, plus de 1 200 juifs de Tunisie combattent dans l'armée française au cours des deux guerres mondiales.Dans l'entre-deux-guerres, la génération de 1914-1918 participe activement aux commémorations de la Grande Guerre, puis mène le combat pour l'amélioration de la situation des juifs de Tunisie et contre l'essor de l'antisémitisme en Afrique du Nord comme en Europe. Elle encourage même aux engagements volontaires en 1939. La douloureuse expérience du régime de Vichy et de l'occupation de la Tunisie par l'Axe (novembre 1942-mai 1943) ne les décourage pas: les Forces françaises libres recrutent des centaines de juifs tunisiens qui participent à la libération de l'Europe. Comment expliquer cette détermination à combattre pour la France – malgré les trahisons de l'État français? Cette étude, appuyée sur une méthode prosopographique et sur de très nombreuses archives, s'approche au plus près de ces soldats, jusqu'ici oubliés de l'histoire.