Comment considérer les effets de la Nouvelle gestion publique (NGP) et des réformes qu'elle inspire sur le travail des professionnels du secteur public? Au centre de ce dossier, cette question est explorée à partir d'enquêtes de terrain, conduites dans le domaine de l'éducation, mais aussi de la santé et de l'action sociale. Les travaux réunis brossent un tableau nuancé et subtil des effets de la NGP sur le travail des professionnels. Quelques lignes de force s'en dégagent. Considérée comme un puzzle doctrinal, la NGP apparaît encore plus variée, voire éclatée, quand elle est étudiée à travers sa mise en œuvre et ses traductions concrètes dans des dispositifs et normativités à visée gestionnaire. La diversité des réformes qui s'en inspirent traduit, classiquement, des spécificités nationales, mais les enquêtes proposées permettent d'identifier de nombreuses autres sources de variations: domaines d'activité, réactions des professionnels, implications des hiérarchies intermédiaires, environnements locaux, etc. Dans leurs déclinaisons localisées, ces réformes rencontrent donc des configurations hétérogènes d'acteurs et de règles, aussi leurs effets ne sont-ils pas directs et mécaniques. Ils témoignent, à rebours, d'une dimension paradoxale ou ambivalente de la NGP.
Ce numéro inaugure une nouvelle formule dans la mesure où le dossier qu'il publie paraît parallèlement en français dans Education et Sociétés et en anglais dans Globalisation, Education and Societies. Ce dossier est issu d'un colloque, "La sociologie de l'éducation et les recompositions de l'Etat à l'heure de la globalisation et de la construction européenne" organisé les 22 et 23 novembre 2010 par ce qui était encore en France l'Institut national de recherche pédagogique (INRP). Le but du colloque était de faire le point sur les recompositions de l'Etat éducateur, une dizaine d'années après les premières mesures qui ont amené la mise en place d'un espace éducatif européen : la déclaration de la Sorbonne (1998), la conférence de Bologne (1999), la conférence de Lisbonne en 2000. Il s'agissait bien sûr d'étudier les déplacements des échelles de gouvernement : qu'est-ce qui se joue désormais à l'échelon local, à celui des nations, des "grands espaces" comme la Communauté européenne, dans la concurrence internationale, etc. Surtout, l'objectif était de faire le point sur les recompositions de l'Etat post-providence et les différentes formes que prend la recherche d'une troisième (Giddens 1998), voire d'une quatrième voie (Hargreaves & Shirley 2009), entre libéralisme et socialisme, Etat, marché, reconnaissance des différences (Derouet & Normand 2011).